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37 ans, fut laborieux, puisque ses travaux surpassent en nombre ceux des Titien et des Michel-Ange, qui vécurent chacun près d'un siècle.

On a vu trop souvent les artistes de nos jours rechercher les honneurs et les travaux. Autrefois les uns et les autres venaient s'offrir d'eux-mêmes au talent. De là s'ensuivait nécessairement une plus grande considération. On pourrait objecter en faveur des artistes de notre temps que la protection n'a que trop souvent appris à celui qui se repose avec confiance sur la validité de ses moyens, mettre en avant, comme beaucoup d'autres, pour solliciter et faire des démarches qui lui répugnaient. Voilà sans doute la funeste origine de l'intrigue et de la jalousie, deux passions également contraires au beau caractère que devrait toujours montrer l'homme à talens.

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Afin d'obvier à d'aussi graves inconvéniens, on a imaginé de donner les travaux publics au concours. Cette espèce de tribunal est ordinairement sans appel, et ses jugemens sont confirmés par celui d'un public éclairé.

Il n'appartient qu'aux muses de faire briller, dans l'avenir, la mémoire des grands princes, et de conserver le souvenir des belles actions. Ces jouissances si pures et si douces sont mille fois préférables aux lauriers ensanglantés que l'on cueille dans les champs de Mars, lequel, après avoir accablé la terre de toutes ses fureurs, ne lui laisse que les ruines, la misère, et les larmes du désespoir. Alors toute félicité publique disparaît, et les beaux-arts s'enfuient avec elle. Ce que nous avons déjà dit sur l'Italie, nous le répéterons à l'égard des autres contrées de l'Europe. Depuis long-temps, la nature semble ne vouloir plus reproduire ces êtres extraordinaires qui, semblables à Raphaël, paraissent appartenir à des êtres au-dessus de l'humanité. Mais, devrions-nous l'accuser de son infécondité, et n'est-ce pas l'homme seul qui en est coupable? N'est-ce pas lui qui suscite les guerres interminables, sanglantes et cruelles, qui moissonnant la fleur et l'élite de la jeunesse des nations, détruisent sans pitié la joie et l'espoir de leur siècle? N'est-ce pas lui qui rompt l'immense chaîne des générations? Qui pourrait douter que, parmi ces innombrables victimes de leur dévouement à leur patrie, il

n'y en avait pas qui renfermaient en elles le germe des talens les plus surprenans? Quel nom donner à cette politique barbare qui, regardant la guerre sans effroi, assure qu'elle est utile et même nécessaire au monde?

Non, l'homme, l'être le plus parfait de la création, que la religion enseigne avoir été formé à l'image de Dieu, ne doit pas avoir sur la terre, qu'il embellit par sa présence et par ses travaux, une condition pire que celle des plus vils animaux que l'on fait battre ou que l'on fait égorger à son gré.

Hatons-nous, grand Dieu! d'écarter ces horribles images! Depuis trop long-temps, la terre est abreuvée de sang et de larmes; un long crêpe de deuil la couvre tout entière. Ah! que l'homme du moins apprenne par ses malheurs à avoir le sentiment de la dignité de son être, et qu'une paix inaltérable puisse enfin régner parmi les nations! Alors, seulement, les sciences et les arts jouiront d'un état prospère et durable. Vain espoir! le temple de Janus sera-t-il jamais fermé ?

Italie! belle Italie, vers laquelle mille souvenirs délicieux me rappellent sans cesse, apparais-moj toujours suivie du charme que répandent sur la vie tes arts consolateurs. Je te fuis quand je te vois au Capitole vêtue comme les guerriers, et environnée de tes anciens trophées et des peuples que tu réduisis à l'esclavage. Tu exerces aujourd'hui un plus doux, un plus universel empire. Tu vois le monde entier rendre un hommage solennel à tes génies célèbres, à la beauté de tes sites enchanteurs, à cette étonnante fertilité de tes campagnes, où la nature donne si libéralement ce que, dans d'autres climats, elle n'accorde qu'avec peine aux mains les plus laborieuses.

Parlerai-je de la magnificence de tes cités, de la richesse et de la splendeur de leurs monumens, de tes académies, de tes écoles savantes, qui toutes se disputèrent long-temps le prix des beaux-arts, par des talens dimais dont enfin la rivalité cessa lorsque l'école d'Athènes parut? Alors, l'école romaine, qui cédait en ancienneté, en talens, à celles de Florence, de Sienne, de Venise et de la Lombardie, fut proclamée la première école de l'univers.

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Ah! quelle époque de la vie est comparable à celle d'un amant passionné des arts et des beautés de la nature, qui visite à loisir cette terre si féconde en grands souvenirs ; qui foule le même sol que tant de peuples qui s'y sont succédé; et qui, sortant des tombeaux des Scipions, va s'asseoir sur les ruines du Colisée, et promène ses regards mélancoliques sur sa vaste étendue? Comment pourrais-je entreprendre de décrire dans cette esquisse rapide ce que des volumes contiendraient à peine? Contentons-nous donc de monter au Capitole, et d'aller contempler avec respect l'admirable statue de Marc-Aurèle.

Ravi de la beauté de l'Italie et de toutes les richesses que les beaux-arts y ont accumulées, je ne pouvais suffire à peindre mes sentimens affectueux à l'ami sensible qui, prévenant mes désirs, m'avait préparé d'aussi nobles et d'aussi grandes jouissances. Je pressais sur mon cœur son image, ce portrait qui me sera toujours si cher et qui me rappelait le rare assemblage des qualités de son coeur et de son esprit aimable. Si je ne craignais de blesser sa modestie, je dirais que l'homme d'état, semblable à un autre Mécène, savait se délasser des travaux d'une grande administration par les bienfaits nombreux qu'il répandait avec autant de grâce que de bonté sur le mérite souvent oublié ; je dirais.....; mais une voix que j'aime à entendre me prescrit de garder le silence.

Relisons les vers d'un jeune poëte dont la mort prématurée fut une perte pour les muses (1).

Honorer le talent, c'est partager sa gloire ;
Oui, les vrais protecteurs de nos chantres fameux,
Sur les trônes brillans du temple de Mémoire
Vont s'asseoir auprès d'eux.

Leurs noms ont retenti sur la double colline;
Et, dans leurs souvenirs, les mortels ont uni
Et Mécène à Virgile, et Colbert à Racine,
Et Français à Parny.

(1) M. Falaise, né à Verneuil.

DE LETTRES

SUR

LA PEINTURE, LA SCULPTURE

ET L'ARCHITECTURE.

Au magnifique et puissant seigneur PIERRE SODERINI, gonfalonier de la république de

Florence.

Urbin, 1. octobre 1504.

MAGNIFIQUE et puissant seigneur, révéré comme un père, le jeune Raphaël, d'Urbin, sera celui qui vous présentera cette lettre. Je sais que son père, que j'affectioune, a beaucoup de talent, ainsi que son fils, jeune homme aimable et discret. Toutes ces considérations font que je l'aime beaucoup, et que je désire qu'il arrive à une grande perfection: enfin je le recommande à votre seigneurie le plus instamment qu'il m'est possible, en la priant, par amour pour moi, de l'aider et de le favoriser en toute occurrence. Je regarderai comme faits à moimême tous les plaisirs et tous les services que ren

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