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grâce de Dieu. Lorsque j'eus pris lecture de la lettre que vous m'avez écrite sur cette étrange figure de.... j'en eus une si grande frayeur, qu'elle me parut être quelque chose de fort extraordinaire.

ALBERT DURER,

Citoyen de la ville de Nuremberg.

NOTE DU TRADUCTEUR. Nous sommes redevable à l'obligeance de M. Marron, ministre protestant, à Paris, de la communication qu'il a bien voulu nous donner de cette lettre. Elle se trouve, ainsi qu'une autre, écrite par Pirckheymer à son cher Albert Durer, dans le premier cahier des lettres autographes qu'a fait paraître Christophe-Théophile de Murr, sous le titre de Chirographa personarum celebrium : Vinariæ, sumptibus novi bibliopolii, vulgò Landes, 1804.

Cette intéressante collection n'a pu être continuée, à cause de la mort de son auteur, auquel nous devons plusieurs ouvrages sur les beauxarts. Ce savant amateur aurait fait graver autant de fac simile, qu'il y aurait eu de lettres imprimées; elles auraient été suivies, comme dans le premier cahier, des notes nécessaires pour leur intelligence.

Avec quel intérêt ne lirait-on pas aujourd'hui les lettres que Raphaël et Albert Durer s'écrivirent en s'envoyant réciproquement leurs portraits, peints de leur propre main, comme le témoignage le plus grand qu'ils pussent se donner de leur estime mutuelle? Ces deux ouvrages pourraient tenir lieu d'une grande collection à l'amateur heureux qui les posséderait, en les environnant des plus belles estampes qui aient été gravées d'après leurs dessins ou leurs tableaux, puisqu'ils en joignirent un certain nombre à l'envoi de ces portraits précieux. Les gravures en bois d'Albert Durer plurent tant à Raphaël, qu'il voulut en orner son atelier; mais il regrettait que leur auteur ne fût pas venu étudier son art en Italie, pour y perdre cette dureté, ce goût tedesco, l'un des caractères particuliers de l'école allemande.

Lettre écrite par BILIBALDE PIRCKHEYMER à son ami ALBERT DURER, en lui envoyant les Caractères de Théophraste, qu'il avait traduits du grec en latin (1).

De notre palais, ces calendes de septembre, l'an de notre salut 1527.

Je vous envoie, mon très-cher Albert, ce livre, qui me fut donné, il y a bien des années, par mon ami Jean-François Pic, comte de la Mirandole. J'ai résolu de vous en faire un don, non-seulement à cause de notre amitié mutuelle, mais parce que, comme vous excellez dans l'art de peindre, vous voyez aussi avec quelle sagacité le vieux et sage Théophraste a su peindre les passions humaines, etc. Portez-vous bien,

GENTILE BAGLIONI au très-excellent peintre et très-digne maître BERNARDIN BETTI, ou autrement notre très-cher PINTURICCHIO.

De notre château, le 24 avril 1508.

GRAND peintre que nous chérissons, nous avons reçu des lettres de la main de Pandolphe Petrucci, seigneur de Sienne, par lesquelles il nous exhorte à vous aider dans tout ce qui peut vous être utile. Il nous prie en même temps de vous inviter à re

(1) Cette lettre se trouve aussi dans les ouvrages de Pirckheymer, imprimés à Francfort par Melchior Goldast, en 1610.

tourner auprès de lui. Nous qui désirons de complaire en tout aux seigneurs de cette maison, nous vous assurons que vous ne sauriez leur faire un plus grand plaisir. Recevez mes offres de service par attachement pour sa seigneurie : je suis donc prêt à faire tout ce qui peut vous être agréable. Portez-vous bien.

GENTILE BAGLIONI,

Élu coadjuteur de George de la Rovère, évêque d'Orviette.

NOTE DU TRADUCTEUR. Le Pinturicchio, condisciple et ami intime de Raphaël, quoique le plus digne élève du Perugin après le plus grand des peintres, offre un nom presque inconnu en France. Cependant ce trèshabile artiste, appelé à Rome par les papes Innocent VIII et Alexandre VI, orna le Vatican, le château Saint-Ange et plusieurs églises de peintures et d'arabesques tellement estimées, que le dernier pape, voulant le récompenser dignement de ses travaux, ne crut pouvoir le faire qu'en lui accordant, entre autres présens, par son bref trisélogieux, du 4 octobre 1497, la jouissance de deux terres considérables, situées dans le territoire de Chiusi, pendant vingt-neuf ans.

Ce peintre, étant retourné dans sa patrie, s'éloigna peu de Pérouse et des autres villes ou lieux de sa dépendance; il y peignit presque toujours à fresque ou à la détrempe beaucoup de beaux ouvrages, qu'on voit à Assisi; la cathédrale de Spello est ornée d'une chapelle peinte entièrement de sa main; comme son maître l'avait fait à Pérouse, il s'est représenté lui-même dans un petit cadre, lequel paraît attaché contre l'un des pilastres qui divisent les tableaux de l'Annonciation, de l'Adoration des bergers et de celle des Rois. Le plafond offre la pointure des Sibylles. Cette chapelle, endommagée par l'humidité dans sa partie supérieure, est nommée la belle chapelle dans le pays; et elle mérite de nom. Cette église offre aussi aux curieux deux tableaux de chevalet du Perugin, et un grand tableau du Pinturicchio, qui est son plus bel ouvrage; on y voit écrite la lettre de Baglioni que nous avons citée : cet artiste, sensible aux éloges qu'elle renferme, aura voulu la rendre ostensible aux regards de la postérité.

Spello se vit privée, en 1813, de son plus bel ornement. Ce tableau fut apporté à Rome avec plusieurs autres, et déposé dans les salles du Capitole, où le gouvernement se proposait de former un musée de

peinture; les évenemens politiques qui survinrent n'ayant pas permis à ce projet de recevoir son exécution, on vit arriver à Rome des députés des différentes villes pour redemander les tableaux qu'on leur avait enlevés; ils leur furent rendus sur-le-champ.

Comme nous parlons ailleurs des beaux ouvrages du Pinturicchio, que l'on voit dans la sacristie ou librairie du dôme de Sienne, nous y renvoyons le lecteur. Nous ajouterons seulement que l'on veut que Raphaël en ait fait l'ordonnance et les dessins: la vérité est que le Pinturicchio engagea son ami Raphaël à l'aider dans ses travaux; que celui-ci vint à Sienne, où l'on sait qu'il demeura peu; qu'il l'assista sans doute de ses conseils. Mais le Pinturicchio, ayant un dessin, une manière de draper, de composer et de peindre, qui lui sont particuliers, et que nous avons beaucoup étudiés, nous persistons à soutenir ici, comme nous le faisions étant en présence de ces belles peintures, que l'honneur en appartient à ce dernier; en observant toutefois que le Pinturicchio, se laissant moins entraîner au feu qui le distingue ailleurs, a mis plus de calme et de sagesse dans cette suite de sujets, tirés de l'histoire du cardinal Piccolomini, devenu pape sous le nom de Pie III.

Telle est la richesse de l'Italie dans les beaux-arts, que six années suffiraient à peine pour connaître les travaux des seuls peintres qu'elle a produits, puisque leur nombre s'éleve à plus de trois mille, d'après le catalogue de Lanzi, auquel, malgré tous ses soins, un assez grand nombre ont encore échappé.

Si les Français peuvent accuser les Italiens de connaître à peine les maîtres distingués de leur école, quelques uns exceptés, les Italiens peuvent, à leur tour, accuser les Français d'être aussi dans une parfaite ignorance d'une très-grande quantité de leurs artistes de toutes les classes. Cela vient de ce que trop peu de Français voyagent en Italie comme amateurs, et de ce que les élèves de l'académie de France. vont ordinairement de Paris à Rome et de Rome à Paris, sans se détourner de leur route pour parcourir les diverses écoles de ce beau pays. Nous croyons que la dernière année de leur pensionnat serait employée plus utilement à aller les étudier, qu'à la passer à Rome, dont ils ont été dans le cas d'apprécier toutes les beautés.

Nos marchands de tableaux, se bornant aussi à faire le voyage de la Flandre et de la Hollande, n'ont appris que quelques noms des écoles d'Italie et, depuis peu de jours, quelques noms de celle d'Espagne. Dépréciateurs continuels de ce qu'ils ne connaissent pas, ce sont eux qui entretiennent, parmi les amateurs qu'ils dirigent, le goût des écoles des seuls Pays-Bas; et nous devons à l'ignorance et à l'intérêt cet éloigne

ment que l'on manifeste en général pour les belles productions de l'Italie et de l'Espagne. On prévoit que la perte de l'art sera due, en France, à ce goût trop exclusif, si on continue à y persister.

L'école espagnole, dont le mérite, trop long-temps inconnu, rivalise quelquefois celui d'Italie, est en possession du second rang, qui lui est assigné par les véritables connaisseurs, en dépit de toutes les petites combinaisons mercantiles et de l'ignorance.

Nous nous contenterons d'ajouter à ces observations qu'il faut renoncer à voir arriver une école quelconque à une grande supériorité, dès que le goût des bamhochades ou tableaux de genre y devient général. Afin de mieux en convaincre le lecteur, traduisons les propres paroles de Michel-Ange Prunnetti, dans son Essai sur la peinture, publié à Rome en 1786. Il commence par déclarer qu'il n'entend pas, en s'occupant de son sujet, parler des gozzoviglie olandesi; delle bambociate fiamminghe; dei freddi ritrattisti di paesaggi, e di frutti e di fiori : ce qui veut dire des ripailles hollandaises, etc.; mais qu'il traitera de l'art sublime qui sait, à l'aide de ses pinceaux philosophiques, instruire l'homme en satisfaisant son cœur et son esprit ; car c'est là le but que la peinture doit se proposer, si, placée au rang des Muses, elle ne Yeut pas dégénérer de sa divine origine.

Joignons aux paroles remarquables de cet auteur ce que disait constamment Raphaël à ses élèves : « Que le peintre est non-seulement obligé de faire les choses comme les fait la nature, mais de les faire comme elle devrait les faire. »

Toujours inébranlable dans les principes purs et sacrés qu'ont professés les plus grands maîtres, nous nous demandons: qu'a-t-il servi à l'art de remporter une victoire sur le faux goût, poussé à l'extrême pendant le dix-huitième siècle? Pourquoi la célébrer, si elle ne devait pas rendre au genre de l'histoire toute sa splendeur; si, chez la nation qui la première opéra ce triomphe, il devient inutile, en laissant accabler ce premier, ce plus noble des genres, de mille dégoûts et de cette préférence généralement accordée au dernier ? N'est-ce pas forcer le peintre d'histoire à abandonner ses pinceaux, qui ne peuvent plus être les instrumens de sa gloire, et obliger aussi le sculpteur à ravaler le ventre d'un magot?

Si le sentiment du beau s'éteint aujourd'hui comme il le fut dans le dix-huitième siècle; s'il est détruit par l'empire de la mode, montrons du moins que le sentiment de la dignité de l'art, joint à l'amour de notre patrie, ne nous permettra jamais d'adopter des maximes aussi nuisibles à tous les deu. Consolons-nous par l'exemple de l'Italie, Laquelle, dans aucun temps, ni même aujourd'hui, ne fit que fort peu

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