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pas être un jour de deuil pour les souverains, les auteurs et les artistes, puisqu'ils cessèrent, dès ce jour-là, d'être ses tributaires.

Parmi plusieurs manières de former un musée, celle de recueillir les portraits des hommes illustres que chaque siècle a produits, présente un très-grand intérêt. Le savant évêque dont nous parlons était parvenu à composer le plus beau recueil de ce genre qu'eût alors l'Italie. Comblé de faveurs par les Médicis, Cosme ler, eût pu l'inviter à lui céder sa précieuse collection. Mais Giovio en faisait ses délices; et ce prince, moins connaisseur que grand protecteur des arts, par la persuasion dans laquelle il était qu'eux seuls peuvent illustrer les souverains et leur siècle, préféra la faire copier par Christophano dell' Altissimo, pour en orner sa belle galerie, que d'employer un pouvoir auquel Giovio n'aurait pu opposer qu'une résistance inutile.

A M. JEROME QUIRINI, à Venise.

Rome, le 10 octobre 1545.

J'AIME beaucoup le révérendissime monseigneur de Torcello, et je ferai tous mes efforts, etc..

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Il me reste à vous dire que votre Titien, qui est aussi le nôtre, est ici; il dit qu'il vous a une grande obligation, parce que vous êtes la cause qu'il est venu à Rome; qu'il doit à vos discours aimables et pressans de s'être laissé enflammer du désir de prendre ce chemin il en est si content, qu'il ne cesse de le dire. Il a vu à présent tant de belles choses antiques, qu'il en est dans l'enchantement, et qu'il éprouve une grande joie d'être venu à Rome.

Le duc d'Urbin a rendu au Titien les plus grands honneurs à son passage; il l'a reçu dans son palais, l'a conduit avec lui jusqu'à Pesaro, et ensuite l'a fait conduire jusqu'ici par les gens de sa maison

et ses meilleurs chevaux de sorte que ce grand peintre ne cesse de répéter combien il est sensible à toutes les attentions que ce prince a eues pour lui. Saluez pour moi Mme. Lisabetta. Quant à l'autre partie de votre lettre, je vois que vous avez un excellent jugement en toutes choses. Conservez vos santés.

P. BEMBO.

A mon très-honorable M. BENOÎT VARCHI.

Florence, 28 janvier 1546.

JE saurais mieux raisonner de vive voix qu'écrire sur un si bel art, parce que, si je ne suis ne suis pas beau parleur, je suis un bien plus mauvais écrivain; mais enfin me voilà tel que je suis. Je dis que l'art de la sculpture, parmi tous les autres dans lesquels le dessin est nécessaire, est sept fois plus grand, parce qu'une statue doit avoir sept manières d'être vue, et qu'il convient qu'elles soient toutes d'une égale beauté. Il arrive souvent qu'un sculpteur qui n'est pas assez savant dans son art, se contente d'une ou de deux belles vues seulement pour n'avoir pas suffisamment étudié et limé son ouvrage : il arrive alors nécessairement que sa statue n'a point d'accord dans toutes ses parties, et qu'elle est blåmée de tout le monde. Ce fut en cela que Michel - Ange fit voir l'excellence de son art, ayant observé combien il demande d'application pour atteindre à sa plus grande perfection. On voit aujourd'hui qu'il

est également le plus grand peintre connu, tant parmi les anciens que parmi les modernes, par la seule raison que tout ce qu'il peint, il le tire de ses modèles de sculpture qui sont très-étudiés. Je ne connais plus aujourd'hui d'artiste qui approche d'une telle vérité dans les arts, que le savant Angelo Bronzino. Je vois les autres se jeter dans les bluets avec beaucoup de composition de couleurs variées; mais cela n'est bon que pour tromper les paysans.

Revenant au grand art de la sculpture, je dis que l'on voit, par expérience, que, si vous voulez faire une simple colonne ou un vase, qui sont des choses fort ordinaires; et si, après les avoir dessinés avec toute l'exactitude et toute la grâce qu'un dessin peut avoir, vous voulez, d'après ce même dessin et avec ces mêmes mesures, faire la même colonne ou le même vase en sculpture, vous verrez que cet ouvrage ne sera pas ce que faisait espérer le dessin, et qu'il paraîtra sot et faux. Mais si, après avoir fait le vase ou la colonne en relief, vous faites ensuite un dessin sans mesures ou autrement, il deviendra trèsgracieux.

Afin de montrer un grand exemple de ce que je viens d'avancer, je choisirai le grand Michel-Ange, lequel, voulant faire voir à ses tailleurs de marbre et à ses ouvriers certaines fenêtres, il se mit à les faire en petit avec de la terre, avant d'en venir à d'autres mesures par le moyen du dessin. Tous les autres beaux ouvrages que l'on voit de lui, colonnes,

arcades, façades, etc., étaient d'abord faits par lui de cette manière.

Ceux qui ont fait ou font profession d'être architectes, tirent leurs ouvrages d'un petit dessin fait sur du papier, et c'est là-dessus qu'ils font ensuite leurs modèles. Voilà la raison pour laquelle ils restent au-dessous de cet ange.

Je répète donc, que la sculpture est la mère de tous les arts qui se servent du dessin, parce que celui qui sera grand sculpteur sera bien facilement grand architecte, possédera la perspective, et sera un plus grand peintre que celui ou ceux qui ne possèdent pas bien la sculpture.

La peinture n'est autre chose qu'un arbre, un homme ou tout autre objet, quise réfléchissent dans une eau tranquille et pure. Enfin, la différence qu'il y a de la sculpture et de la peinture est aussi grande que l'est une ombre comparée au corps qui la produit.

Aussitôt que j'eus reçu votre lettre, je courus, avec la même ardeur que je mets dans mon affection pour vous, écrire les choses incorrectes que je vous envoie; je finis de la même manière. Je me recommande, etc.

BENVENUTO CELLINI.

A monseigneur le cardinal BEMBO, à Rome.

Venise, 4 octobre 1546.

Je croirais manquer beaucoup à mes devoirs, si je ne vous donnais pas avis que cette fabrique', qui

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plaisait tant à V. S. quand elle était ici, est terminée, et qu'on peut l'habiter à son aise, quoiqu'elle ait souffert un sinistre évenement, par la faute d'autrui; mais cela n'a pas été aussi fàcheux qu'on le crut d'abord il ne tomba qu'une fenêtre avec le toit qui était au-dessus, par l'ignorance des maîtres ouvriers, qui firent ôter l'échafaudage et les points d'appui, le même jour qu'on y mettait la dernière main. Que Dieu leur pardonne! je remercie infiniment V. S. des salutations qu'elle m'a fait faire par M. Antoine Anselmi, auquel a plu beaucoup l'invention de cet angle à ordre dorique, abandonné par les anciens, à cause de la difficulté de la distribution des triglyphes et des métopes. Je n'ai plus rien à vous dire pour le moment. En qualité de père des artistes, défendez-moi de votre côté; tandis que du mien je vous prie de me donner vos ordres comme à un ancien et fidèle serviteur. Que Dieu vous conserve heureux.

JACQUES SANSOVINO.

A M. BENOÎT VARCHI.

Florence, 12 février, 1547.

Vous me demandez, monsieur, quel est mon sentiment sur la prééminence de la peinture et de la sculpture. Je ne voudrais pas vous désobéir dans la première chose dont vous m'avez prié; quoique je sois très-disposé assurément à vous donner cette satisfaction, je crains bien de demeurer au-dessous de mon sujet.

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