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travail aussi beau qu'utile. Je vous prédis qu'il vivra éternellement, parce que l'histoire en est nécessaire et que le sujet est agréable,

Je vous remercie beaucoup de m'avoir acquis l'amitié de l'abbé Jean Matteo. Vous y joindrez une extrême obligeance, en me la conservant. Le temps me manque, ce soir, pour m'entretenir plus longtemps avec vous. Conservez votre santé, et, puisque vous avez une fortune suffisante, contentez-vous-en et procurez-moi le plaisir de vous revoir,

ANNIBAL CARO.

NOTE DU TRADUCTEUR. Vasari profita des avis d'un homme aussi plein de goût et de talent que l'était Annibal Caro. Il eût bien été à désirer que cet auteur, ou tout autre, lui eût fait remarquer combien il importe à tout historien d'être impartial; car ce mérite essentiel a manqué à Vasari. On verra aussi, dans une autre lettre que lui adresse Annibal Caro, ce qu'il lui dit sur sa manière de peindre trop expédiditive. Vasari était une espèce de Luca fa presto, qui, pour avoir les grands travaux, proposait de s'en charger à bas prix. Élève de MichelAnge, il n'en sut prendre qu'une sorte de froide et monotone grandiosité sans expression; ses compositions sont en général mal disposées; il méconnut absolument les effets du clair obscur, si nécessaires dans les grands ouvrages; ses peintures du Palais-Vieux, à Florence, sont en cela semblables au Jugement dernier de son maître.

Il se permit, dans la première édition de sa Vie des peintres, contre André del Sarto, beaucoup de personnalités qu'il supprima dans la seconde. Nous ne parlerons pas de l'oubli tacite et volontaire qu'il y fit de beaucoup d'artistes recommandables. Lanzy et plusieurs auteurs ont revendiqué, dans des notes savantes et judicieuses, la portion de gloire que méritaient les artistes oubliés par Vasari.

A M. LAURENT LOTTO.

Venise, en avril 1548.

O Lotto! bon comme la bonté, et vertueux comme la vertu! Le Titien, environné de toutes les faveurs du monde, m'écrit de Vienne, vous salue et vous embrasse tendrement. Il changerait bien, d'après ce qu'il me dit, le plaisir qu'il ressent de la satisfaction que donnent ses ouvrages à l'empereur, contre un coup d'ail exercé comme le vôtre, contre vos avis qu'il voudrait entendre. Ce grand peintre, qui joint tant de dignité à de si grands talens, ne se trompe pas, parce que vos conseils sont mûris par les ans, par la nature et par l'art; vous y ajoutez une sincérité aimable; et, lorsque vous prononcez sur les travaux des autres, vous le faites comme s'il s'agissait de ceux du Titien, lorsqu'il vous montre ses ouvrages pour savoir ce que vous en pensez, Votre cœur ne connaît pas l'envie, vous jouissez au contraire en voyant dans les maîtres quelques parties de l'art que vous ne croyez ne pas posséder, lesquelles cependant produisent ces miracles qui ne sortent pas souvent du style de plusieurs, parce qu'ils se plaisent trop dans leur manière. Mais, si vous les surpassez dans l'art de peindre, vous les laissez bien plus éloignés de vous dans les exercices d'une véritable piété : le ciel vous réserve une gloire que l'on ne peut pas comparer aux louanges des 'hommes.

PIERRE ARÉTIN,

ANNIBAL CARO à GEORGE VASARI.

Rome, 10 mai 1548.

Le désir que j'ai d'avoir un ouvrage remarquable de votre main, vous áttirera autant de louanges qu'il me causera de satisfaction, parce que je voudrais pouvoir le placer à côté des tableaux de certains peintres, qui vous regardent plutôt comme un praticien expéditif, que comme excellent dans votre art. J'eus une conversation à ce sujet avec Botto, en convenant de ne vous en parler que lorsque vous auriez terminé vos grands travaux. Mais, puisque vous vous offrez vous-même de vous occuper de suite du tableau que je vous demande, voyez combien il me sera plus cher. Au reste, je m'en remets entièrement à vos soins, soit que vous le terminiez vite ou lentement, parce que je pense qu'il peut être bien fait, quoique promptement, dans ces momens d'enthousiasme qui rendent la peinture parfaitement semblable à la poésie, dans cette partie comme dans toutes les autres. Cependant il est vrai que l'on croit qu'en travaillant moins vite, vous ferez encore mieux; mais cela est plus probable que nécessaire, parce que , parce que l'on peut dire aussi que les ouvrages sur lesquels on s'appesantit réussissent mal, attendu qu'ils manquent de résolution, et qu'ils ne sont pas terminés avec l'ardeur qui les avait vu commencer. Je ne voudrais pas aussi que vous pussiez croire que je désire un de vos ouvrages si tranquillement; je l'attends au contraire avec bien

de l'impatience. Cependant je veux que vous sachiez que je dis adagio, c'est-à-dire, avec réflexion, avec soin, et sans trop de promptitude, comme on l'a dit d'un peintre qui ne savait pas finir quand il le fallait. Mais je me persuade, dans ce cas, que le mouvement le plus lent de votre pinceau ira encore plus vite que celui de tous les autres. D'ailleurs j'ai la certitude que vous ferez de votre mieux, parce que vous ne pouvez être que vous-même, et qu'ayant de l'attachement pour moi, vous allez mettre une ardeur particulière à cette entreprise. La promptitude même de votre manière d'opérer m'en a fait concevoir une grande perfection. Ainsi faites ce tableau quand et comment vous l'entendrez; je m'en remets également à vous pour l'invention, en me rappelant d'une autre ressemblance qu'a la poésie avec la peinture, et que vous êtes poëte et peintre; de manière qu'en possédant ces deux arts à la fois, on exprime mieux sa pensée et ses propres idées que celles d'autrui; pourvu qu'il y ait deux figures nues d'un homme et d'une femme (qui sont les deux plus grands objets de votre art), faites-les dans l'attitude qu'il vous plaira, et choisissez le sujet d'histoire que vous voudrez.

Je m'inquiète peu qu'après ces deux figures principales il y en ait beaucoup d'autres, si elles sont vues dans le lointain, parce qu'il me semble que l'étendue des fonds donne plus de grâce et plus d'effet aux tableaux. Si vous voulez savoir mon goût, Vénus et Adonis me paraissent former la composi

tion des deux plus beaux corps que vous puissiez faire, quoique l'on ait traité souvent ce sujet. Si vous adoptez cette idée, il serait bien d'imiter, autant que possible, la description qu'en fait Théocrite. Mais, attendu que, si l'on en embrassait tout l'ensemble, il en résulter ait un groupe trop compliqué (ce dont je parlerai plus haut, comme ne me plaisant pas), je peindrais seulement Adonis, que Vénus embrasse et qu'elle regarde avec cette tendresse avec laquelle on voit mourir ce qu'on a de plus cher; Adonis serait étendu sur une draperie de pourpre, avec une blessure à la cuisse; on verrait quelques traces du sang sorti de ses blessures, les armes d'un chasseur à terre, et quelques beaux chiens, si le champ du tableau le permettait. Je laisserais les Nymphes, les Parques et les Grâces qui le pleurent, et les Amours qui lui prêtent leur secours, dont les uns lavent ses blessures, et les autres lui procurent de l'ombre avec leurs ailes; je placerais seulement d'autres Amours dans le lointain, lançant des traits sur le sanglier hors de la forêt l'un le frapperait avec son arc, et l'autre le percerait avec une flèche, tandis qu'un troisième le lierait avec une corde pour le conduire à Vénus. Je ferais voir, s'il était possible, que du sang ďΑdonis naissent des roses, et des pavots de ses larmes.

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Cette invention, où toute autre semblable, me plaisent singulièrement, parce qu'à la beauté des figures se joint l'expression, sans laquelle elles demeurent inanimées. Si vous ne vouliez faire qu'une

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