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de cas des tableaux de genre. Pourquoi sont-ils si appréciés à Paris, et si peu à Rome? De là vient cette indifférence; disons mieux, ce mépris pour toutes les basses représentations des autres écoles.

Enfin, si la représentation de ce que la nature forme de plus vil et de plus dégoûtant, mérite autant d'intérêt, et doit servir de sujet aux pinceaux les plus exercés, la Grèce, et après elle l'Italie, sont bien condamnables d'avoir fait tant d'efforts pour donner à l'art une si grande perfection.

Un grand écrivain a dit « qu'un peuple corrompu ne pouvait se régénérer » en serait-il ainsi des beaux-arts? Les siècles écoulés depuis le quinzième et le seizième le prouvent du moins d'une manière incontestable.

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MON cher François, je reçois en ce moment votre portrait, que Bazotto m'a apporté bien conditionné et sans aucun dommage; je vous en remercie beaucoup. Il est très-beau, et si vivant, qu'il me trompe quelquefois moi-même : je crois être avec vous et vous entendre parler. Je vous prie d'avoir compassion de moi, et de me pardonner la lenteur que je mets à vous envoyer le mien, auquel je n'ai encore pu mettre la main, à cause de mes grandes et pressantes occupations. Je n'oublie pas que cela a été convenu ainsi entre nous; sans cela je vous l'aurais envoyé fait par quelqu'un de mes élèves et retouché par moi; mais cela ne convient pas. Je me trompe; cela, au contraire, aurait convenu, parce que je sens que je ne pourrai pas égaler le vôtre. Ayez pitié de moi; je vous le demande en grâce, puisque vous avez aussi éprouvé souvent ce que c'est que

d'être privé de sa liberté, et vivre dans la dépendance des personnes, lesquelles ensuite.....

Je vous envoie par le même voiturier, qui repart dans six jours, un autre dessin : c'est celui de l'Adoration des bergers. Il est très-différent, comme vous le verrez, de celui que j'avais fait, et que vous vous êtes plu de louer autant, comme vous le faites toujours de mes autres ouvrages. J'en rougis, comme je le fais encore de cette bagatelle, dont vous jouirez plutôt en signe de bienveillance et d'amitié qu'à tout autre égard. Si je reçois en échange le dessin de votre Histoire de Judith, je le conserverai parmi mes choses les plus rares et les plus précieuses.

Monseigneur le Dataire attend avec une grande anxiété sa petite Vierge, et le cardinal Riario, la grande qu'il vous a demandée, ainsi que vous l'aurez su plus particulièrement par Bazzotto. Je les admirerai moi-même avec ce goût et cette satisfaction avec lesquels je vois et loue toutes les autres, ne voyant personne qui les fasse plus belles, plus devotes et mieux peintes. En attendant, prenez courage; servez-vous de votre prudence ordinaire, et soyez bien persuadé que je ressens vos afflictions comme si elles étaient les miennes propres. Continuez à m aimer comme je vous aime de tout mon cœur, toujours très-disposé à vous servir.

Votre RAPHAEL SANZIO.

NOTE DU TRADUCTEUR. Par quelle fatalité si peu de lettres de Raphaël ont-elles parvenues jusqu'à nous ? N'étaient-elles pas aussi précieuses a conserver que ses dessins et ses moindres pensées, que la même plume

avait à la fois si bien exprimer? Il n'avait que 25 ans lorsqu'il écrivait celle ci au Francia, son ami; et déjà depuis plusieurs années, il était le plus grand peintre du monde! Ne croit-on pas entendre un vieillard qui, ayant passé sa vie dans le monde et dans les cours, donne les conseils les plus salutaires? O divin Raphaël, rare et précieux assemblage de la bonté, de la beauté et des talens, peut-on jamais assez vous aimer et vous admirer?

Après cette lettre aimable et spirituelle de Raphaël, nous ne pouvons oublier de placer ici le fragment d'un sonnet que le Francia avait fait à la louange de son ami :

Vinta sarà natura, e da tuoi inganni
Resa eloquente dirà te laudando
Che tu solo il pittor sei de pittori.

Comme il y a une analogie assez remarquable entre les vers du Francia et le célèbre distique latin que le cardinal Bembo fit pour le tombeau de Raphaël, on pourrait croire que ce dernier les connaissait, et qu'il en avait eu quelque réminiscence lorsqu'il le composa. Redisons le distique de Bembo, répétons-le avec cet enthousiasme que nous éprouvions lorsque, saisi de respect et d'admiration pour tous les grands artistes dont le temple de la Rotonde renferme la cendre, uous y contemplions les traits de l'Apelle de nos jours:

Ille hic est Raphaël, timuit, quo sospite, vinci
Rerum magna parens, et moriente mori.

Qu'on nous permette de rappeler que, singulièrement épris dans notre jeunesse du talent de Le Sueur, nous étions souvent affligé de ce que le Raphaël de la France n'avait vécu qu'une année de plus que celui de l'Italie. Ce fut alors que, trompé par un songe cruel, nous crêmes qu'on venait nous annoncer sa mort: réveillé par cette idée funeste, nos yeux furent baignés de larmes. O Le Sueur, seul émule du divin Raphaël par la douceur de tes mœurs, par tes talens et même par ta beauté, reçois le tribut de nos hommages! Le grand Raphaël veut que ceux qu'on lui adresse de toutes les contrées de la terre soient communs entre vous. Il admirerait, s'il pouvait quitter l'Élysée, le peintre de ce pieux solitaire, qui, peuplant les déserts, les fit retentir continuellement d'hymnes consacrés à l'Éternel; ton Amour étendant son pouvoir sur toute la nature; et tes Muses que souvent il inspire. Il croirait avoir peint saint Paul faisant brûler les livres de l'hérésie, à Ephèse; saint Gervais et saint Protais allant au martyre. Il faudrait,

Le Sueur, nommer tous les ouvrages sortis de tes pures et savantes mains, sans que ta jeunesse ait senti le besoin d'aller ravir en Italie ce feu et cette grandiosité de style qui ont rendu ses écoles les premières écoles du monde.

Lettre ou bref de LÉON X, souverain pontife, à RAPHAEL, d'Urbin.

PUISQUE, outre l'art de la peinture, dans lequel tout le monde sait que vous excellez, vous êtes aussi regardé comme un très-grand architecte par le Bramante de sorte qu'avant de mourir il fut d'avis que l'on pouvait vous charger de la fabrique du temple du prince des apôtres qu'il avait commencé; et que vous avez d'ailleurs confirmé cette opinion, en montrant beaucoup de savoir dans le plan de cet édifice, attendu avec beaucoup d'impatience: nous, qui avons un extrême désir de faire élever ce temple avec la plus grande magnificence et la plus grande promptitude possibles, nous vous faisons surintendant de cet ouvrage, avec les appointemens de trois cents écus d'or, qui vous seront payés nuellement par les préposés du trésor destinés à ce grand édifice. J'ordonne que, sans aucun retard et chaque mois, vous touchiez, toutes les fois que vous le demanderez, une partie de votre traitement, proportionnée au temps de vos fonctions. Nous vous exhortons ensuite à y mettre un tel zèle, qu'en les exerçant vous fassiez voir que vous ne perdez de vue ni votre propre estime, ni votre belle répu

tation, choses auxquelles il est certainement néces→ saire qu'un jeune homme fasse attention, afin de jeter les grands fondemens de sa renommée, et de répondre à l'espérance que nous avons conçue de vos talens, ainsi qu'à notre bienveillance paternelle, et finalement à la dignité, à la grandeur de ce temple, à notre dévotion envers le prince des apôtres, pour qu'il soit à jamais le plus majestueux et le plus saint qu'il y ait eu sur la terre.

NOTE DU TRADUCTEUR. Ce bref fut écrit en latin par le cardinal Bembo. Le Bramante mourut, en 1514. Raphaël avait trente-deux ans lorsqu'il fut proclamé le plus grand architecte de son siècle.

Nous ne pouvons nous empêcher de relever une erreur de Vasari, lequel, vivant alors, ne devait pas ignorer que Raphaël seul était nommé par le bref de Léon X intendant des ouvrages de Saint-Pierre. Il dit cependant, contre toute vraisemblance, que Julien de SaintGallo et le frère Joconde, de Vérone, lui furent adjoints pour l'exécution de cette grande entreprise. Julien de Saint-Gallo mourut, d'ailleurs, en 1517, deux ans après ce bref. Vasari a été souvent repris de ces sortes d'inexactitudes, qui mériteraient peut-être un

autre nom.

Lettre ou bref de LÉON X à RAPHAEL, d'Urbin.

Rome, 27 août, l'an 3 de notre pontificat.

COMME il est de la plus grande importance pour la fabrique du temple romain du prince des apôtres, d'avoir à sa commodité des pierres et des marbres, de l'abondance desquels on a le plus grand besoin, et que ces divers matériaux ont l'avantage d'être sur les lieux, sans qu'il soit nécessaire de les faire venir du dehors; que je sais que quelques ruines de Rome en fournissent une très-grande

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