Immagini della pagina
PDF
ePub

que je n'ai pu donner à mon ouvrage toute l'attention nécessaire. V. S. voudra bien m'excuser, si je n'ai pas rempli ses désirs : c'est la fortune et le mauvais état de ma santé qui le veulent ainsi. Si, parmi beaucoup d'autres défauts, vous vous apercevez que la draperie rouge de Saint-Joseph a quelques taches, cela vient du vernis; beaucoup d'occupations m'ont empêché de la retoucher; mais j'espère aller à Rome et passer par Pérouse: je m'y arrêterai pendant quelques jours pour y revoir mes amis, et je la retoucherai, si vous le voulez.

Je ferai le dessin de l'ornement dont vous me parlez, en le rendant plus riche que celui que je vous avais envoyé. Que V. S. fasse attention à recevoir le tableau bien conditionné, ayant dépensé vingt-cinq grosses pour faire faire sa caisse. Je n'ai rien autre à dire pour le moment à V. S., à laquelle je baise les mains, etc.

FRÉDÉRIC BAROCHE.

m

Magnifique et très-respectable cousin.

Parme, 28 avril 1580.

QUAND Augustin viendra, il sera le bien venu; nous vivrons en paix, nous nous occuperons à copier ces belles choses, mais, pour l'amour de Dieu, sans dispute entre nous, sans tant de subtilités et tant de paroles. Mettons toute notre attention à nous approprier de notre mieux la belle manière du Corrége: c'est là notre principale affaire, afin

de pouvoir mortifier un jour toute cette canaille à bonnets, qui nous est toujours sur le dos, comme si nous étions des assassins....... Les occasions que désirait Augustin ne se trouvent pas ; ceci me paraît devoir être un pays que l'on ne croirait pas aussi privé de bon goût, sans récréations pour un peintre et sans aucune ressource. On ne pense ici qu'à faire l'amour en dehors, à boire et à manger.

J'ai promis à V. S de vous dire mon sentiment sur toutc e que je vois, ainsi que nous en convînmes avant mon départ. Mais je vous avoue que cela m'est impossible, tant j'ai encore de confusion dans mes idées. J'en deviens fou; je pleure et j'éprouve le plus cruel chagrin lorsque, livré à moi-même, je pense combien le pauvre Corrége fut malheureux. Un si grand homme! si toutefois c'en était un, et non plutôt un ange sur la terre! se perdre, se consumer dans un pays où il ne fut pas connu! le Corrège! mourir ici d'une manière aussi malheureuse, lui qui méritait d'être élevé jusque'aux nues! O Corrége! ô Titien! je vous chérirai toujours! et jusqu'à ce que j'aille à Venise pour voir tes ouvrages, ô Titien! je ne mourrai pas content. Qu'on dise ce que l'on voudra, ce sont là de véritables peintures; je le reconnais à présent, et je dis que vous avez grandement raison. Cependant j'avoue que je ne la devine pas bien et que je ne l'admets pas encore. Cette simplicité et cette pureté, qui sont vraies sans être vraisemblables, me plaisent; c'est la nature sans art et sans contrainte. Tel est Raphaël. Que chacun l'en

tende à sa manière; pour moi, je l'entends ainsi : je ne puis bien m'exprimer, mais je sais ce que j'ai à faire, et cela suffit.

Le grand caporal est venu me voir deux fois, et il a voulu me conduire chez lui, pour m'y montrer la belle Sainte-Marguerite et la Sainte-Dorothée de V. S. Par Dieu! ce sont deux belles demi-figures. Je lui ai demandé ce qu'il avait fait de vos deux autres tableaux, il m'a dit qu'il les avait très-bien vendus. Il prendra aussi, à ce qu'il dit, toutes les têtes que je ferai d'après la coupole du Corrége, et d'autres encore d'après des tableaux du même auteur; il me fera connaître dans des maisons particulières, si je veux partager le bénéfice avec lui. Je lui ai ré ɔondu qu'en tout et partout je voulais m'en remettre à ce qu'il voudrait, parce qu'à tout prendre, c'est un assez bon homme, qui n'a pas mauvais cœur. Il a voulu à toute force me faire un petit cadeau, que je me suis contenté de louer beaucoup sans vouloir l'accepter; mais il n'y a pas eu moyen, parce que, arrivé chez lui, il me l'a envoyé et fait laisser dans ma chambre. Mais que puis-je en faire, puisque cela ne m'appartient pas? Il veut aussi me donner un habit noir pour la ville, et cela à compte des belles peintures que je dois faire. Il m'a fallu encore lui dire que je le prendrais et que je ferais tout pour lui, puisque nous lui avons des obligations.

Je n'ai pas reçu réponse de mon père, je ne puis m'imaginer pourquoi ; je crains que sa lettre ne soit égarée, Augustin m'ayant écrit que mon père me

répondait le même jour. Je suis retourné voir la cou pole et l'église des Zoccolanti, et j'y ai observé ce que V. S. me disait quelquefois, en avouant que c'est la vérité; mais je dis toujours, quant à mon goût, que le Parmesan n'a rien de commun avec le Corrége, parce que les tableaux de ce grand peintre sont sortis de sa pensée et de son entendement: l'on voit que tout est tiré de sa tête et inventé par lui. Il s'appartient tout entier, il est seul original, tandis que les autres s'appuient tous sur quelque chose qui ne leur appartient pas, celui-ci sur le modèle, celui-là sur les statues, un autre sur les estampes. Enfin tous les ouvrages des autres sont représentés comme ils peuvent être, et ceux du Corrége comme ils sont réellement. Je ne sais pas bien m'expliquer ni me faire comprendre ; mais je m'entends

bien moi-même.

Augustin en saura bien tirer la quintescence, et en parler selon sa manière. Je prie V. S. de le presser de venir et d'achever promptement ses deux gravures; rappelez-lui d'une belle manière quel service il rend ainsi à notre père; je ne puis faire moins que de vous le dire, mais je ne lui en parlerai pas davantage. Aussitôt que j'aurai touché quelque argent, comme je l'espère, j'en enverrai ou j'en porterai moi-même. Craignant de vous ennuyer, je suis de V. S., etc.

ANNIBAL CARRACCI.

Au très-illustre et révérendissime M. le cardinal PALEOTTI.

De l'an 1581.

MONSEIGNEUR, la promptitude que j'ai de servir V. S. est si grande, qu'ayant pressenti que vous verriez avec plaisir une gravure distincte du dessin de cette ville de Bologne, dont vous êtes à la fois le fils et le pasteur, je me suis efforcé tout de suite de satisfaire votre désir, en la dessinant. Je vous la présente en ce moment, gravée avec tous les détails des églises, des quartiers, et de tout ce qu'elle a de remarquable. Des numéros séparés indiqueront leurs nom. Si je pouvais de la même manière servir V. S. illustrissime dans des choses de plus grande importance, je le ferais d'autant plus vite, qu'il serait plus conforme à la considération distinguée que j'ai pour vous. Mais, puisque mes faibles talens ne m'en donnent pas le pouvoir, acceptez, je vous prie, avec votre bonté ordinaire, l'esprit qui m'anime, plutôt que le petit don que j'ai l'honneur de vous présenter. Je vous baise humblement les mains, en priant Dieu de vous accorder une parfaite félicité.

De V. S. illustrissime et révérendissime,

Le dévoué serviteur,

AUGUSTIN CARRACHE.

Note du traducTEUR. Ce recueil offre une trop petite quantité de lettres du fondateur de l'école de Bologne. Celles de Louis Carrache annoncent un beau caractère de franchise et d'indépendance; mais il parle trop rarement de son art. Celles d'Annibal, pleines de feu et de senti

« IndietroContinua »