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Je baise avec révérence la main de V. S., en me recommandant à ses bonnes grâces.

PIERRE BEMBO.

Au cardinal DE SAINTE-MARIE IN PORTICO, à Modène,

Rome, 25 avril 1516.

En bien, monseigneur! vous qui avez tant de bontés pour moi, et qui m'êtes si cher, comment vais-je faire? Je voudrais vous demander une grâce; mais je crains bien d'être présomptueux. En me rappelant cependant que la présomption de mon cher Sadolet vous plait beaucoup quelquefois, je reprends un peu de hardiesse; mais elle me rassure bien peu. Ainsi, ayant eu cette volonté il y a déjà quelques mois, je n'ai pu m'y résoudre que dans ce moment, parce qu'enfin j'ai pensé que la présomption doit vaincre la peur. La grâce que je désire obtenir de vous est que, Raphaël d'Urbin n'ayant pu trouver une place pour la petite Vénus en marbre dont M. Jean-George Cesarino vous a fait présent, parce qu'elle ne peut convenir au lieu auquel vous l'aviez destinée, vous vouliez bien me la donner. Elle me sera si chère, que je la mettrai dans ma petite chambre entre Jupiter et Mercure; et là, j'en jouirai tous les jours avec plus de plaisir que vous ne pouvez le faire, à cause de vos continuelles et infinies occupations: je la conserverai fidèlement; et,

toutes les fois que vous le voudrez, vous pourrez la reprendre ce qui n'arriverait pas si elle allait en d'autres mains, comme cela arrivera nécessairement si je ne la possède pas. Ah, monseigneur! ne me refusez pas cette grâce, et ne commencez pas, je vous prie, à détruire en moi cette noble habitude, et si digne de la grandeur de votre âme, qui ne vous permet pas de savoir refuser ce qu'on vous demande. Je dirais bien alors que j'ai été malheureux, puisque vous auriez commencé à être avare avec moi. Si, par hasard, je vous paraissais trop hardi dans ma demande, Raphaël, que vous aimez tant, dit qu'il m'en excusera auprès de vous: c'est lui qui a voulu que je la fisse, comme je le fais. Je pense que vous ne voudriez pas faire cette injure à votre Raphaël. J'attends une réponse favorable de V. S. J'ai déjà orné et préparé l'endroit de ma petite chambre dans lequel je veux placer la petite Vénus que vous me donnerez : j'en ai la certitude. S'il fallait cependant, pour obtenir cette faveur, que j'employasse un ami, je prierais mon cher Sadolet de le faire ; il s'en acquitterait volontiers, autant pour me faire ce plaisir que pour aider un présomptueux, tel que je le suis en effet cette fois. Mon cher Camille, je n'en doute pas, dirait aussi quatre mots pour moi..... ce bon Camille, qui m'est si cher et que tout le monde honore! J'en dirais autant de M. Latino et de M. Ermanno; mais je ne veux pas user de tant de personnes qui vous sont attachées et qui sont mes amis; je les réserve pour une au

tre fois. Je baise mille fois la main à V. S., et je me recommande à sa bonne grâce.

เห

PIERRE BEMBO.

Lettre de FRANÇOIS MELZI, élève de Léonard de Vinci, conservée dans la famille de cet illustre

artiste.

Amboise, le 1er, jour de juin 1519. Au seigneur Julien et autres honorables frères de Léonard.

Je crois que vous aurez eu connaissance de la mort de maître Léonard, votre frère, lequel eut toujours pour moi la tendresse du meilleur des pères. Il me serait impossible de pouvoir exprimer la douleur que me cause ce cruel événement; tout ce que je puis vous dire, c'est que tant que mon corps aura un reste de vie, j'éprouverai un chagrin mortel, comme je le dois, puisque Léonard ne passait aucun jour sans me donner des preuves des sentimens les plus affectueux. Cet homme si rare, qu'il n'est plus au pouvoir de la nature de reproduire, est regretté universellement. Que Dieu toutpuissant veuille bien lui accorder maintenant un éternel repos! Il mourut le 2 mai, bien disposé à recevoir les sacremens de l'église.

Léonard avait une lettre du roi très-chrétien, qui lui permettait de faire un testament, et de laisser son bien à qui il voulait, exempto quòd haeredes supplicantis sint regnicola; ce qu'il n'aurait pu faire sans cette lettre, qu'il avait obtenue de la bonté de

François Ier. Tout son héritage eût été perdu, quant à ce qu'il possédait en France, puisque telle est la coutume de ce pays. Maître Léonard fit donc son testament, que je vous aurais envoyé si j'avais pu le confier à une personne sûre. J'attends un de mes oncles qui vient me voir, lequel repartira d'ici pour Milan je le déposerai en ses mains; et, de cette manière, il vous sera remis fidèlement, ne trouvant, jusqu'à cette époque, aucun autre moyen de vous le faire parvenir.

Voici ce que contient ce testament pour ce qui vous concerne. « Maitre Léonard possède à SainteMarie-Nouvelle, dans les mains du camerlingue, en billets, quatre cents écus, lesquels sont au cinq pour cent, et cela depuis six ans passés, à compter du 1er octobre prochain; il avait aussi un domaine à Fiesole, qu'il donne à ses frères par portions égales. » Son testament ne contient aucune autre disposition qui vous concerne.

Je ne vous dirai rien de plus, sinon que je vous offre à tous ce que je vaux et ce que je puis: vous me trouverez toujours très - disposé et tout prêt à seconder vos volontés. Je me recommande à vous continuellement. Faites-moi réponse par les Gondi, comme votre frère,

FRANÇOIS MELZI.

Nota. On voit, par la copie du testament de Léonard, expédiée en bonne forme et envoyée par Melzi aux frères de Léonard, qu'il l'avait fait aux Cloux, près d'Amboise, le 23 avril 1518, et que cet acte fut dressé par Guillaume Boréan.

Entre autres dispositions, Léonard veut être enseveli dans l'église de

Saint-Florentin de cette ville, après que son corps aurait resté trois I jours entiers dans la chambre dans laquelle il serait mort, en lui faisant faire des prières dans ladite église et ailleurs. Il laisse tous ses livres et les instrumens de son art à François Melzi, gentilhomme milanais, qu'il fait exécuteur de son testament pour les autres legs qu'il contient. Il lègue, en faveur de ses deux domestiques, un jardin situé hors des murs de Milan, qu'ils se partageront par égales portions. Il lègue également en faveur de ses frères, demeurant à Florence, les quatre cents écus précités avec les intérêts depuis six ans, et le domaine qu'il avait à Fiesole, comme nous l'avons dit.

NOTE DU TRADUCTEUR. Vasari, dans la première édition de sa Vie des Peintres, rapporte l'épitaphe suivante, faite en l'honneur de Léonard,

LEONARDUS VINCIUS. QUID PLURA? DIVINUM INGENIUM,

DIVINA MANUS

EMORI IN SINU REGIO MERUERE,

VIRTUS ET FORTUNA HOC MONUMENTUM CONTINGERE GRAVISS.

IMPENSIS CURAVERUNT.

Et gentem et patriam noscis : tibi gloria et ingens
Nota est; hác tegitur nam Leonardus humo.
Perspicuas picturæ umbras, oleoque colores

Illius ante alios docta manus posuit.

Imprimere ille hominum, divum quoque corpora in aëre,
Et pictis animam fingere novit equis.

Cette épitaphe serait une nouvelle preuve que Léonard mourut entre les bras de François Ier, à Fontainebleau. Son testament, fait aux Cloux, près d'Amboise, aura été dicté pendant quelque maladie grave qu'il y avait eue. On peut même croire que sa santé ne se rétablit pas, et que l'année qu'il vécut encore ne fut qu'une longue et mortelle convalescence, puisque la date du testament est du 23 avril 1518, et que Léonard mourut le 2 mai 1519, à l'âge de soixante-sept ans.

Nous sommes redevable de ces détails authentiques et précieux à M. l'abbé Fontani, de Florence, amateur et savant très-distingué, avec lequel nous avons eu ces relations amicales et intéressantes que donne le goût des beaux-arts; avec lequel nous pleurions la perte récente qu'avaient faite les muses d'Italie, del nostro Caro Labindo, o Fantoni, l'Horace de l'Italie, dont les månes attendent peut-être encore un tombeau de la Toscane, sa chère patrie. Nous voulions le faire élever à nos frais, lorsque les tempêtes politiques nous ont séparés.....

Afin de donner un libre cours à ma juste douleur, je voulus revoir

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