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pendu le portrait d'un monarque, était la plus digne parure des Titien et des Rubens; elle suffisait pour les exciter à produire des chefs-d'œuvre. Un pinceau tombe des mains du Titien, occupé à faire le portrait de Charles-Quint. L'empereur le relève, en lui disant qu'il en avait reçu trois fois l'immortalité. Louis-le-Grand, en voyant peindre par Lebrun la famille de Darius aux pieds d'Alexandre, et réfléchissant sur la réputation des grands peintres, qui ne s'accroît qu'après qu'ils ont cessé de vivre, dit à son premier peintre de ne pas se presser de mourir, parce qu'il en faisait autant d'estime qu'on pourrait jamais en faire dans la postérité.

Mais rien n'a égalé la libéralité de la Grèce envers les artistes; habile à saisir, dans sa législation, tous les moyens d'élever l'homme à la plus baute dignité de son être, elle en trouva de puissans dans l'emploi qu'elle fit des beaux-arts. Il est inutile de rappeler les prodiges qui en furent la suite. La libéralité nationale fonda les prytanées, afin que les artistes, exempts de toute inquiétude sur leurs moyens d'existence, pussent se livrer entièrement à leurs sublimes travaux, dont le but principal était de créer des dieux, de célébrer l'héroïsme et les talens.

Au même FERRANTE CARLO, à Crémone.

Bologne, 18 décembre 1608.

Je me réjouis avec vous de l'acquisition que vous me marquez avoir faite pour votre cabinet; et, si j'étais certain qu'il ne vous manquật qu'un de mes tableaux, afin de le rendre complet, je voudrais y aller en personne pour le faire. Je ne pourrai pas satisfaire en cela mon désir; mais, quoique cela me soit impossible, je ne m'occuperai pas moins de vous, ainsi que cela a toujours été dans mes intentions; j'ai même déjà commencé un tableau qui ne sera pas carré, mais rond: tel est mon caprice. L'invention pourrait bien ne pas être de votre goût, le sujet étant tiré de l'Ancien Testament. C'est le jeune Isaac qui s'entretient avec Rebecca, son épouse; ces

deux demi-figures sont de proportion naturelle. Je ne laisserai pas pour cela de les terminer, puisque je m'y trouve disposé. Vous me ferez plaisir de me dire si vous les voulez, parce que je vous peindrais quelque autre sujet; je trouverai ici assez d'amateurs qui prendront la Rébecca et l'Isaac. Je suis satisfait d'apprendre que M. Lorenzo ait des travaux. Il est dans ce moment occupé à Reggio pour un ouvrage que je lui ai envoyé. Je suis, etc.

LOUIS CARRACHE.

A M. le chanoine BARTHOLOMEE DULCINI, à Bologne.

Rome, 12 décembre 1609.

M. JEAN-BAPTISTE CARRACHE, pour lequel V. S. m'a écrit quand il vint à Rome, est parti avanthier, ayant avec lui non seulement M. Antoine, son cousin, mais M. Sixte Rosa, jeune homme de Parme, qui a été élevé dans la maison de M. Annibal, d'heureuse mémoire. Ces deux derniers, après y avoir bien réfléchi, se sont finalement décidés à venir à Bologne pour faire des progrès dans leur art, avec l'agrément de M. Louis Carrache; ils veulent, parce qu'il est déjà vieux, se rendre capables, lorsqu'il cessera de travailler, de soutenir l'école des Carraches,et la maintenir dans son premier crédit. QuoiM. Sixte fasse non-seulement partie de cette école, mais même de leur maison, ils sont comme d'accord qu'il prenne pour épouse une sœur de D. Jean

que

Baptiste; il le fait avec plaisir, autant parce que cela lui est avantageux, qu'à cause de la mémoire d'Annibal, auquel il a tant d'obligations. Ayant été élevé avec M. Antoine, ils sont ainsi d'accord en tout, surtout pour ce qui regarde leur art; ce qui fait que j'espère qu'il s'ensuivra un grand bien d'un semblable événement. M. Sixte est un bon jeune homme, de mœurs faciles et agréables, de beaucoup d'esprit, et apte à tous beaux arts, mais principalement à la peinture; il a pour cette dernière le don extraordinaire d'une facilité admirable, avec laquelle il est parvenu à mieux dessiner qu'aucun qui fût à Rome; ce qui faisait dire à Annibal qu'il dessinait mieux que lui. Il aura besoin, selon moi, de joindre à cette facilité un peu de soin et de diligence; deux choses dont il manque véritablement à tel point, qu'il paraît travailler plutôt par un don de la nature que par l'étude de l'art. S'il veut mettre plus de temps et plus d'étude à ses ouvrages, il fera sans doute de grands progrès, et cela avec d'autant plus de raison, qu'il s'est comme imprégné de l'esprit d'Annibal, auquel il plaisait encore davantage que ses autres élèves, à cause de cette facilité naturelle dont j'ai déjà parlé.

Quant à Antoine, on ne peut encore savoir parfaitement ce qu'il fera, sinon, généralement, qu'il fera bien, parce que son travail est en mouvement; qu'il s'applique beaucoup en suivant son naturel, et qu'il n'a pas reçu des principes ordinaires de son art: cependant son faire ressemble à un commen

çant, si l'on veut, mais qui a des pensées élevées et la ferme résolution de faire son chemin, parce qu'il tend au beau et au grand. Il serait donc possible qu'il réussit un jour parfaitement, et qu'il fit revivre le talent de ses ancêtres. Si donc l'un et l'autre s'appliquent, comme je l'espère, et savent donner de la satisfaction à Louis, et si, d'un autre côté, M. Louis s'y attache comme à des parens qui lui sont chers, et cherche à provoquer leur avancement, je suis certain, comme je l'ai déjà dit, que l'école et le nom des Carraches conserveront leur splendeur accoutumée. C'est parce que je connais combien vous pou vez disposer de M. Louis Carrache, que je vous prie, dans toutes les occasions, de faire en sorte qu'ils avancent dans leur carrière : ce sera un service, un honneur pour Bologne, et une satisfaction pour nos amis, outre le bénéfice que l'art lui-même en recevra.

J.-B. AGUCCHI.

NOTE DU TRADUCTEUR. Quand Mgr. Agucchi n'aurait écrit que cette lettre, elle suffirait pour que le nom de ce respectable amateur ne fût jamais oublié des artistes. Celle qu'on va lire laissera dans leur âme des souvenirs bien pénibles.

A M. le chanoine DULCINI, à Bologne.

M. ANNIBAL CARRACHE vient de faire paraître un tableau qu'il a fait, par ordre de monseigneur le cardinal Farnèse, pour M. Mattei; il est placé à Saint-François in transtevere, dans leur vieille cha

pelle, dont le jour est faux, c'est-à-dire, de reflet, mais non pas tout-à-fait mauvais. Cette église, comme vous le savez, est très-éloignée; le lieu n'est pas beau, et le jour n'est pas entièrement bon: Annibal en cela n'est pas heureux; mais son ouvrage, selon le jugement des plus grands connaisseurs, est par bonheur le plus rare et le plus parfait qu'il ait peint jusqu'à ce moment. Je puis vous affirmer qu'il s'est tellement approché de Raphaël, que, si ce tableau était mis à côté de ses meilleures productions, il faudrait plutôt avouer qu'il l'a surpassé en quelques parties, et qu'il ne lui a été inférieur dans aucune.

Le sujet est une Vierge d'un aspect grave et majestueux; elle tient le Christ mort, appuyé sur ses genoux et sur son bras droit. Elle exprime la douleur intérieure dans toute son étendue, sans apparence de larmes. Le corps du Christ représente la Divinité elle-même; la mort n'a pu en dénaturer les traits. Certes il ne paraît pas que la pensée de l'homme puisse s'en faire une plus grande, une plus sublime idée, afin d'exciter à la fois le respect et la douleur. Du côté gauche de la Vierge, et près du sépulcre de marbre, Madelène est debout, mais inclinée et fondant en larmes. Elle devait avoir pendant sa vie ces beautés du premier ordre qui appartiennent à la force et à l'héroïsme. Les maîtres de ce tableau ont voulu qu'il y eût un Saint-François. C'est une parfaite expression de l'humilité; il a les bras croisés sur la poitrine, et l'on voit qu'il se meurt de compassion et de douleur. En bas sont deux anges, assis

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