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soient déjà vieillies, ou soient chancies, et que les autres ne soient pas encore finies. La coupole est à moitié faite, mais c'est le moindre défaut qu'il y ait; le travail en est très-ordinaire et fini de manière que l'on juge à proportion des autres choses faites, qu'il devait demeurer autant de temps pour terminer celles qui ne le sont pas. Il y a aussi une grande faiblesse dans l'exécution : c'est à cause de cela, comme je le dis, que les commissaires se conduisent avec une grande douceur, quoiqu'ils eussent eu de grands dégoûts avec le mort, à cause qu'il n'allait pas assez vite, et parce qu'ils ne voyaient pas qu'il eût fourni les ors et les stucs qui son'tnécessaires. Le Dominiquin ne voulait pas que d'autres que les Bolonais entrassent pour travailler dans ladite chapelle, regardant tout le reste comme suspect. Cela était à tel point, que, de désespoir, ces commissaires voulaient l'ouvrir et en jouir plutôt dans cet état d'imperfection, que d'attendre de donner de semblables travaux à des gens de Bologne, d'autant plus qu'à Naples il y a des hommes excellens, comme ils l'ont prouvé ces jours derniers, en faisant déjà de grandes choses, et en les faisant bien. Je finis, etc. JEAN LANFRANC.

NOTE DU TRADUCTEUR. Comment contenir son indignation après la lecture de semblables lettres? C'est elle qui nous force de prendre la plume une seconde fois pour citer de nouveau le perfide Lanfranc au tribunal de la postérité.

Le voilà ce faux dénonciateur que déjà nous avons signalé, lorsque, partageant les malheurs du Dominiquin, nous avons retracé sa fuite précipitée et nécessaire de Naples à Frescati, ses fatigues, ses périls et

ses craintes...... lorsqu'enfin il se résout, avec le chagrin dans le cœur, à abandonner son ouvrage déjà attaqué et souillé par l'envie, avant qu'il fût terminé, avant qu'il pût être jugé.

Le voilà ce faux témoin, qui, s'accusant lui-même, va, quatre jours après, se rétracter par écrit de tout ce que, dans les premiers transports de sa joie, sa haine et sa jalousie avaient cru pouvoir se permettre.... Quels ménagemens aurait-il à garder? Sa victime enfin a succombé sous le poids des chagrins multipliés..... Non, jamais l'envie ne sacrifia à sa vengeance une victime plus pure et plus digne de nos regrets.... O Dominiquin! ô grand homme! vous qui, fuyant la célébrité et vivant dans la retraite, n'étiez occupé que de votre talent enchanteur ! vous qu'on ne vit jamais désireux de la gloire et du bonheur d'autrui! vous enfin, dont la musique charmait les loisirs ou dissipait les chagrins, ne deviez-vous pas échapper à une aussi eruelle destinée !

Cependant l'infâme Lanfranc, avec ses dignes satellites, avait poursuivi le Dominiquin et l'avait obligé de s'éloigner de Rome. Il se rendit à Naples, où ses intrigues lui avaient obtenu quelques travaux; mais le véritable but de son voyage n'était que pour y continuer ses persécutions. Ce fut dans cette ville qu'il parvint à consommer ses horribles projets....

Il apprend la mort du Dominiquin; il jette le masque dont il s'était couvert; il n'a plus rien à craindre. Sa turpitude paraît dans tout son jour; elle va jusqu'à insulter celui dont elle a causé le trépas. Il ne l'accuse pas d'abord; il fait parler son frère, et l'infâme Lanfranc ne rougit pas de se mettre au nombre des juges des talens du Dominiquin ; il oublie qu'il aurait dû se récuser. Il le charge comme un criminel, et feint de le défendre. Aujourd'hui le Dominiquin n'a fait que retoucher sa fresque avec du pastel, elle tombe de tous côtés; rien enfin n'est plus médiocre. Quatre jours après, il écrit: J'ai vu les choses de près; il n'y a pas tant de mal qu'on le disait, c'est un ouvrage bien oonduit ; c'est un bel ouvrage. Comme si le grand peintre des fresques de Saint - Grégoire, de Grotta ferrata, de Saint-André della Valle et de tant d'autres peintures admirables, pouvait avoir oublié son art! comme s'il en était à ses essais! comme si sa réputation pouvait dépendre de l'opinion d'un misérable tel que Lanfranc!·

Enfin, qui le croirait? L'envie poussa sa fureur au point de faire douter le Dominiquin lui - même de son talent. Il passait assez souvent dans l'église de Saint-André della Valle avec ses élèves. Après avoir examiné ses ouvrages, il se tournait vers eux et leur disait: Je ne sais ; j'ai beau regarder, il me semble que ce n'est

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pas

mal,

Eh bien! infâme Lanfranc! toi et tes complices, êtes-vous satisfaits? Vos noms seront-ils assez en exécration chez les races futures? Que ne conservais-tu du moins, à Naples, la moitié précieuse de cette coupole, au lieu de la faire abattre? Mais, en effet, tu ne pouvais mêler tes pinceaux, trempés dans le fiel de l'envie, avec les pinceaux si purs du Dominiquin.

Tes lettres vont reparaître dans une langue répandue chez les nations. Elles y verront ta scélératesse; et nous nous applaudirons, si l'horreur que mérite ton nom odieux passe jusqu'à tes ouvrages, tandis que celui du Dominiquin, toujours plus chéri, toujours plus révéré, brillera dans tous les temps d'une gloire immortelle.

A M. LOUIS CARRACHE, peintre, à Bologne.

VOTRE dessin est si beau, qu'il a excité plus d'admiration qu'il n'a reçu de louanges. La manière dont il est fait a plu tellement au grand personnage qui le désirait, qu'il a formé aussitôt le dessein de vous employer à de grands ouvrages. Je crois qu'il vous écrira de Gênes des lettres particulières à ce sujet. Afin que vous connaissiez ses qualités, je ne veux pas oublier de vous dire que c'est un homme qui mérite que vous le favorisiez, il est riche et puissant autant que poli et généreux, de manière qu'il saura très-bien connaître vos travaux; et même, en attendant, si, goûtant les douceurs du repos, il vous arrivait de lui faire quelque autre sujet folâtre de son invention, qui fut un peu libre, celamettrait le comble à mes obligations, parce que cela lui fournirait l'occasion d'en manifester quelque effet de sa reconnaissance. Il suffirait, afin d'épargner le travail, que ce dessin fût fait au crayon ou à l'aquarelle: on pourrait s'exercer en jouant,

sur quelque petite fable antique, comme serait, par exemple, celle de Salmacis et d'Hermaphrodite, en les représentant nus et s'embrassant au milieu de la fontaine. Vous ne devez pas, cette fois, avoir une opiniâtre modestie, en vous faisant un scrupule d'exercer par hasard votre main sur des sujets un peu libres, puisque la chose doit demeurer dans le cabinet d'un seigneur, et qu'on ne la montrera qu'à des personnes qui lui sont chères. D'ailleurs, Frédéric Baroche et Jacques Palme, qui sont les plus modérés des six autres, n'ont pas refusé d'avoir cette complaisance. Vous excuserez ma hardiesse et mon importunité, en pardonnant à l'une et à l'autre, par la confiance que j'ai dans votre grande bonté; elle va chez vous de pair avec le mérite. Je finis en vous baisant les mains de tout J.-B. MARINO.

mon cœur.

A M. LOUIS CARRACHE, à Bologne. Je croyais passer en ce moment à Rome; mais arrêté ici par quelques affaires, je me suis laissé devancer par le temps des chaleurs de sorte qu'il me conviendra d'attendre qu'elles soient passées. Je croyais pouvoir enlever votre Salmacis, et être moi-même son conducteur: car ce n'est pas une conquête que l'on puisse confier à d'autres mains, ni qu'on veuille exposer aux accidens fàcheux des muletiers. Telle est mon impatience de l'obtenir, pour l'avoir vue à peine ébauchée, que je doute

qu'Apollon lui-même n'en devint pas amoureux s'il la voyait achevée. Je ne voudrais pas que, si elle eût plus d'un sexe, elle eût aussi plus d'une personne qui en jouît. Lorsque j'ai attendu trèslong-temps, en réprimant le désir que j'en avais, par l'espoir de la posséder, qu'il vous plaise donc d'attendre encore quelque temps jusqu'à mon passage; gardez-la, je vous prie, très - prudemment, afin qu'elle n'aille pas encore faire quelque métamorphose, parce que je sais que les tableaux de Salmacis ont le pouvoir de changer les hommes en statues, par l'étonnement merveilleux qu'ils causent à ceux qui les regardent.

Si, dans cet intervalle, vous aviez besoin d'argent, vous n'avez qu'à dire un mot à M. Rinaldi, ou à M. Rabbia, pour ce qui me reste vous devoir, et je remettrai cette somme à l'un ou à l'autre, non comme prix de paiement, mais comme une reconnaissance de ce que je vous dois, parce que, quoique vous soyez un nouvel Aristide, ou un autre Bularis, je ne suis ni le roi Attale, ni le roi Candaule, qui payèrent leurs ouvrages avec de si grosses sommes. Il est bien vrai que la grande estime que j'ai de vos talens est d'un plus grand poids que celui de tout l'or qu'on pourrait imaginer; d'après cela, je vous assure que, quoique votre ouvrage ne soit soutenu que par une toile fragile, mon obligation n'en est pas moins gravée sur un monument éternel; et si vos couleurs venaient à être détruites par le temps, l'oubli n'effacera jamais ma reconnais

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