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après avoir renversé certains bouviers, en attaque d'autres, dont les uns se défendent, et les autres, piquant leurs bœufs, tâchent de se sauver. Dans ce désordre, la poussière s'élève par gros tourbillons. Un chien assez éloigné aboie, hérisse son poil sans oser approcher.

» Sur le devant du tableau on voit Pyrame mort et étendu par terre, et auprès de lui Thisbé qui s'abandonne à la douleur (1). »

Lettre du POUSSIN, à STELLA son ami.

LE POUSSIN ayant traité une seconde fois le frappement du rocher pour cet artiste, voici ce qu'il lui marque au sujet de ce tableau :

« Je suis bien aise d'apprendre qu'on en est content, et d'avoir su ce que vous en pensez vousmême. »>

Cependant, comme l'on avait trouvé à redire sur la profondeur du lit où l'eau coule, en pensant qu'il n'avait pu être fait en aussi peu de temps, il répondit « Qu'on ne devait pas s'arrêter à cette difficulté; qu'il était bien aise que l'on sût qu'il ne travaille point au hasard, et qu'il est en quelque manière assez bien instruit de ce qui est permis à un peintre dans les choses qu'il veut représenter, lesquelles se peuvent prendre et considérer comme elles ont été, comme elles sont encore, ou comme

(1) Ce tableau a été mal gravé à Londres.

elles doivent être; qu'apparemment la disposition du lieu où ce miracle se fit devait être de la sorte qu'il l'a figuré, parce qu'autrement l'eau n'aurait pu être ramassée, ni prise pour s'en servir dans le besoin qu'une si grande quantité de peuple en avait, mais qu'elle se serait répandue de tous côtés; que si, à la création du monde, la terre eût reçu une figure uniforme, et que les eaux n'eussent pas trouvé de lits, ni des profondeurs, sa superficie en aurait été toute couverte et inutile aux animaux; mais que, dès le commencement, Dieu disposa toutes choses avec ordre et rapport à la fin pour laquelle il perfectionnait son ouvrage.

Ainsi, dans des événemens aussi considérables que le fut celui du frappement du rocher, on peut croire qu'il arrive toujours des choses merveilleuses de sorte que, n'étant pas très-aisé à tout le monde de bien juger, on doit être fort retenu, et ne pas décider témérairement.

Lettre du POUSSIN, à M. DE CHANTELOU.

LE POUSSIN ayant peint, en 1655, une Vierge comme nature pour cet amateur distingué, il lui écrivit « Qu'il le priait de lui en dire librement son avis; mais qu'il le priait aussi de considérer que tous les talens de la peinture ne sont pas donnés à un seul homme; qu'ainsi il ne faut pas chercher dans son ouvrage ceux qu'il n'a pas reçus; qu'il sait bien que toutes les personnes qui le verront ne seront pas du

même sentiment, parce que les goûts des amateurs de la peinture ne sont pas moins différens que ceux des peintres, et cette différence de goûts est la cause de la diversité qui se trouve dans les travaux des uns et dans les jugemens des autres; que les peintres de l'antiquité ont excellé chacun en quelque partie, mais qu'il ne s'en est pas trouvé un seul qui les ait toutes possédées dans leur perfection; qu'il en est de même à l'égard des anciens sculpteurs, et qu'enfin on peut voir encore de pareils exemples de cette vérité dans les peintres qui out eu de la réputation depuis trois cent cinquante ans, parmi lesquels il ne désavoue pas qu'il croit avoir rang, si l'on considère bien tout ce qu'ils ont fait. >>

Nota. Le dernier tableau que fit le Poussin, fut une Samaritaine pour M. de Chantelou. Il lui écrivit, en la lui envoyant, « que c'est le dernier ouvrage qu'il fera, et qu'il touche à sa fin du bout du doigt.

Lettre du POUSSIN, écrite le 7 mars 1665, à M. de CHAMBRAY, sur son livre intitulé, De la parfaite idée de la peinture.

que

MONSIEUR,

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Il faut, à la fin, tâcher de se réveiller après un aussi long silence; il faut se faire entendre pendant le pouls nous bat encore un peu. J'ai eu tout le loisir de lire et d'examiner votre livre De la parfaite idée de la peinture; il a servi d'une douce pâture à mon âme affligée, et je me suis réjoui de ce que vous êtes le premier des Français qui avez

ouvert les yeux à ceux qui ne voient que par les yeux d'autrui, en se laissant abuser par une fausse opinion commune. Or vous venez d'échauffer et d'amollir une matière rigide et difficile à manier: de sorte que désormais il se pourra trouver quelqu'un qui, en vous imitant, pourra donner quelque chose au bénéfice de la peinture.

Après avoir considéré la division que fait le sieur François Junius des parties de ce bel art, j'ai osé mettre ici brièvement ce que j'en ai appris.

Il est nécessaire 1°. de savoir ce que c'est que cette sorte d'imitation, et de la définir.

Définition.

C'est une imitation faite avec signes et couleurs sur quelque superficie de tout ce qui se voit sous le soleil. Sa fin est la délectation.

Principes que tout homme capable de raison
peut apprendre.

Il ne se donne point de visible sans lumière.
Il ne se donne point de visible sans forme.
Il ne se donne point de visible sans couleur.
Il ne se donne point de visible sans distance.
Il ne se donne point de visible sans instrument.
Choses qui ne s'apprennent pas, et qui sont des
parties essentielles de la peinture.

1o. Pour ce qui est de la matière ou du sujet, il doit être noble; il faut qu'il n'ait reçu aucune qualité de l'ouvrier. Afin de donner lieu au peintre de

montrer son esprit et son industrie, il doit choisir un sujet capable de recevoir la plus excellente forme; 2°. il faut commencer par la disposition; ensuite venir à l'ornement, au décor, à la beauté, à la grâce, à la vivacité, au costume, à la vraisemblance, et que le jugement se montre par

tout.

Ces dernières parties tiennent à l'intelligence du peintre et ne se peuvent enseigner. C'est le rameau d'or de Virgile, que nul ne peut trouver ni cueillir s'il n'est conduit par le Destin. Ces neuf parties contiennent plusieurs choses dignes d'être écrites de bonnes et de savantes mains.

par

Je vous prie de considérer ce petit échantillon, et de m'en dire votre sentiment sans aucune cérémonie. Je sais fort bien que non- seulement vous savez moucher la lampe, mais encore y verser de la bonne huile. J'en dirais davantage; mais, quand je m'échauffe maintenant le devant de la tête par quelque forte attention, je m'en trouve mal. Au surplus, j'ai toujours honte de me voir placé avec des hommes dont le mérite et la vertu sont plus au-dessus de moi, que l'étoile de Saturne n'est au-dessus de notre tête.

C'est un effet de votre amitié, dont je vous suis redevable, etc.

NICOLAS POUSSIN.

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