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Dernière lettre de NICOLAS POUSSIN, à FÉLIBIEN, auteur de plusieurs ouvrages sur les beaux-arts.

Rome, 1666.

Je n'ai pu répondre plus tôt à celle que M. le prince de Saint-Clémentin, votre frère, me rendit quelques jours après son arrivée dans cette ville. Mes infirmités ordinaires se sont accrues par un rhume très-fâcheux, qui est long et m'afflige beaucoup. Je dois maintenant vous remercier de votre souvenir, et tout ensemble du plaisir que vous m'avez fait de n'avoir pas réveillé le premier désir qui était né en M. le prince, d'avoir de mes ouvrages. Il était très-tard pour être bien servi. Je suis devenu très-infirme, et la paralysie m'empêche d'opérer. Aussi y a-t-il quelque temps que j'ai abandonné les pinceaux, ne pensant plus qu'à me préparer à la mort. J'y touche du corps, c'est fait de moi.

Nous avons N., qui écrit sur les OEuvres des peintres modernes et de leur vie. Son style est ampoulé, sans sel et sans doctrine. Il écrit sur l'art de la peinture comme celui qui n'en a ni théorie ni pratique. Plusieurs de ceux qui ont osé y mettre la main ont été récompensés de moqueries, comme ils l'ont mérité, etc.

A M. le POUSSIN, premier peintre du Roi.

MONSIEUR ET TRÈS-CHER AMI,

1561.

:

Si un enfant pouvait être à plusieurs pères autrement que par l'adoption, j'aurais grand sujet de dire ici de ce livre qu'il en a deux, puisqu'il est si partagé entre vous et Léonard de Vinci, qu'on a de la peine à juger duquel des deux il a plus reçu car, quoiqu'il ait pris son premier être et pour ainsi dire sa naissance de cet ancien peintre; néanmoins, si on l'examine par les parties qui contribuent davantage à son excellence, et saus lesquelles il fût assurément demeuré sans aucune recommandation et presque inutile, il est certain qu'il les tient de vous; et c'est une des raisons qui m'ont porté à le mettre au jour avec l'adresse de votre nom, pour vous en faire, par ce moyen, une espèce de restitution plutôt qu'un présent, n'étant pas juste que le public en jouisse sans savoir à qui il en doit la reconnaissance. Pour moi, qui n'en ai été. que le traducteur, je ne prétends rien ni à l'honneur qui en reviendra à ses auteurs, ni même à la gratitude des studieux, qui en recevront de l'utilité. Votre modestie et mon humeur, éloignées de toute sorte de flatterie, ne me laissent pas la liberté de dire ici, en parlant à vous, ce que je pense de vos ouvrages, ni d'en faire comparaison avec ceux de ce vénérable maître, dont le grand mérite, et la déférence générale que toute l'académie des peintres modernes lui

a voulu rendre, en l'égalant même aux plus célèbres de l'antiquité, me ferment la bouche, outre que ce serait m'exposer assez vainement à la censure et à la mordacité des critiques, et ne faire qu'irriter la jalousie de vos ennemis. Il suffira donc de dire, en passant, qu'il n'a pas été, à mon avis, désavantageux à cet ouvrage; que l'auteur l'ayant laissé imparfait, quoiqu'en sa partie la plus essentielle, vous nous ayez suppléé ce qui restait à désirer; car, outre que vous avez donné la dernière perfection à ce livre rare, qui doit être dorénavant la règle de l'art et le guide de tous les vrais peintres, vous avez montré encore en cela l'estime que vous faisiez de l'auteur et de son ouvrage; et, comme vous savez mieux que personne les qualités excellentes de ce grand génie, qui a été le restaurateur de la peinture et l'ornement de son siècle, vous ne faites point aussi de difficulté de le nommer votre maître; et il vous est honorable de parler ainsi d'un si illustre et si digne personnage, de même qu'il lui sera glorieux d'avoir aidé à former un si grand peintre.

Après vous avoir rendu en général, avec tous les vertueux, les reconnaissances qui vous sont dues pour l'utilité et le mérite de votre travail en cet ouvrage, qui est la démonstration linéale de tous les chapitres qui avaient besoin d'être éclaircis et représentés par des figures, je veux encore ajouter ici, et témoigner au public, pour mon frère de Chantelou et pour moi, les obligations particu

lières que nous avons à la courtoisie de M. le chevalier del Pozzo, l'esprit le mieux fait, le cœur le plus noble, et en vérité le plus galant homme que nous ayons abordé en Italie; lequel, parmi un grand nombre de régals dont il nous combla à Rome, au voyage que nous y fîmes en l'année 1640, nous fit présent de ce rare manuscrit avec vos dessins.

Si j'avais eu le bonheur de me rencontrer auprès de vous deux quand j'ai entrepris de la traduire et d'en enrichir notre bibliographie française, ce travail, que j'ai trouvé grand et fort épineux, par l'obscurité du style de cet auteur, et plus encore par l'ignorance du copiste qui l'a transcrit, me fût devenu facile, pouvant aller éclaircir mes doutes chez vous, à la source de l'intelligence et des oracles de la peinture.

Je regrette aussi extrêmement pour ce livre qu'il n'ait pas eu l'avantage de venir au jour pendant l'illustre ministère de Mgr. des Noyers, où toutes les belles choses étaient en leur règne, parce qu'en en sachant le prix et l'utilité, il l'eût sans doute honoré des caractères de l'imprimerie royale; et comme vous eussiez eu l'œil vous-même à l'exécution de vos dessins (car nous avions le bonheur de vous posséder pour lors en France), c'aurait été un ouvrage bien plus accompli. Mais les fàcheuses révolutions qui sont arrivées depuis lui ont causé ce notable préjudice, et ont étouffé encore beaucoup d'autres productions qu'on aurait vues naître en peu de temps, par les soins que les vertueux

prenaient de se signaler auprès de ce Mécène notre très-honoré maître, et par l'honneur et les grâces qu'il faisait libéralement à tous ceux qui excellaient en leur profession.

Mes frères de Chantelou vous saluent, et vous offrent avec moi ce commun gage de notre amitié. Je suis, etc.

DE CHAMBRAY.

Nota. Nous avons parlé ailleurs des qualités d'un véritable amateur des beaux-arts. Le goût, le zèle, et les beaux ouvrages que MM. de Chantelou ont écrit sur la peinture et sur l'architecture, les placent au rang des plus illustres amateurs de la France.

Lettre de M. DUGHET surnommé le GUASPRE, à M. DE CHANTELOU.

Rome, 13 janvier 1666.

V. S. ILLUSTRISSIME m'écrit que M. Cerisiers lui a dit avoir vu un livre fait par le Poussin, lequel traite des lumières et des ombres, des couleurs et des proportions. Il n'y a rien de vrai dans tout cela. Cependant il est constant qu'il est resté dans mes mains certains manuscrits qui traitent des lumières et des ombres; mais ces écrits ne sont pas du Poussin. Il me les avait fait copier d'après un livre original qu'a le cardinal Barberini, dans sa bibliothéque. L'auteur de cet ouvrage est le père Matthieu, maître de perspective du Dominiquin. Il y a plusieurs années que le Poussin m'en fit copier une bonne partie avant que nous partissions pour Paris.

Il me fit aussi copier quelques règles de perspec

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