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l'usage des idées. Le style, la manière ou le goût particulier, viennent de la nature et du génie.

De l'idée de la beauté.

L'idée de la beauté ne se montre pas dans un sujet; si l'artiste n'a pas fait tout ce qu'il est possible pour en préparer les élémens. Cette préparation consiste en trois choses : l'ordre, le mode, la figure ou la forme.

L'ordre signifie l'intervalle des parties.

Le mode regarde la quantité.

La forme consiste dans les traits et les couleurs. Il ne suffit pas que l'ordre et l'intervalle des parties et que tous les membres du corps occupent la place que la nature leur a donnée; il faut y ajouter le mode, qui donne à chaque membre la grandeur due et proportionnée au corps; il faut aussi que la forme y concoure également, afin que les traits en soient faits avec grace, et avec la suave harmonie des lumières près des ombres.

Après tout ce qu'on vient de dire, l'on voit évidemment que la beauté est en tout éloignée de la matière des corps; et qu'elle ne s'en approchera jamais, si elle n'est disposée à y venir par les préparations incorporelles.

Il faut donc conclure que la peinture n'est que l'idée des choses incorporelles; car, quelque objet que représentent les corps, ils en représentent seulement l'ordre et le mode de leur espèce, tandis que la peinture tend toujours plus à l'idée du beau

qu'à toutes les autres. C'est par cette raison que quelques personnes ont voulu que la seule idée du beau fût le signe auquel on reconnaissait tous les grands peintres, et qu'elle fût comme la fin que tous ceux dignes de ce nom s'étaient proposée. Aussi c'est ce qui a fait dire que la peinture, amante passionnée de la beauté, était la reine des beaux-arts.

De la nouveauté.

La nouveauté dans la peinture ne consiste pas principalement dans un sujet qu'on n'a pas encore vu représenté, mais dans sa bonne et nouvelle disposition et expression; c'est ainsi qu'un sujet, de commun et rebattu qu'il était, devient nouveau et singulier. Cela rappelle le sujet de la communion de saint Jérôme du Dominiquin, dans lequel les expressions et les mouvemens des figures sont différens de ceux de l'autre invention du même sujet composé par Augustin Carrache.

Comment l'on doit suppléer à ce qui manque à

un sujet.

Si un peintre veut exciter des effets merveilleux dans les esprits, quoique le sujet qu'il a à traiter ne présente pas de grands moyens pour cela, ce ne sera pas en y faisant entrer des choses nouvelles, extraordinaires et hors de raison; mais en portant tout son génie à rendre son ouvrage admirable par l'excellence de la matière, afin qu'on puisse dire: Materiam superabat opus.

De la forme des choses."

La forme de chaque chose se distingue par leur propre opération, ou par leur fin. Quelques-unes opèrent le rire, la terreur, etc.; et ce sont là leurs formes.

De ce qui séduit dans les couleurs.

Les couleurs dans la peinture ressemblent à des flatteries qu'on emploie pour persuader les yeux, comme la beauté des vers le fait dans la poésie.

NOTE DU TRADUCTEUR. Nous n'avons pas cru devoir séparer des lettres du Poussin ses observations sur la peinture. Contenues dans Bellori, et écrites en italien, langue que le Poussin parlait très-bien, eiles sont comme inconnues parmi nous. Trop essentielles aux progrès, au véritable enseignement de ce bel art, elles devaient trouver, dans un recueil qui a pour objet ce but essentiel, la place qu'elles méritent d'y occuper.

Si le Poussin eût pu jouir des tranquilles années d'une vieillesse exempte de grandes infirmités, nous aurions eu de lui, comme il se l'était proposé, un traité complet composé dans la manière de celui de Léonard de Vinci, à la publication et à l'illustration duquel il avait beaucoup co-opéré. Mais on peut dire que le peu d'articles que nous avons de sa main sera suffisant pour former de grands artistes, s'ils veulent se pénétrer des principes excellens qu'ils contiennent. Également beaux et simples, ils sont ceux des artistes grecs, qu'il suivit tellement que le Poussin, seul parmi les grands maîtres modernes, a dans ses productions l'aspect d'un peintre de l'antiquité. Singulière ment instruit de ses usages, des mœurs et des coutumes des peuples anciens, de la fable et de l'histoire, son pinceau reproduisait toutes les formes avec une égale facilité. Les fabriques et les monumens dont il a enrichi ses tableaux, le mettent au rang des architectes les plus fameux; et les élèves de cet art ne sauraient trop les étudier.

A l'exemple des grands peintres modernes, il joignit l'ébauchoir à la règle et aux pinceaux. Il regardait la peinture et la sculpture commė un seul art d'imitation dépendant du dessin, lequel, disaît-il, ne dif

férait que par la manière d'opérer : mais il ajoutait que la peinture était plus difficile et plus artificieuse, à cause de ses feintes apparences. Il modela beaucoup avec son ami François de Quesnoy, et montra à Rome quel était son savoir dans la sculpture lorsqu'on le vit, dans les ateliers des sculpteurs, faire en terre les grands modèles des Thermes, et autres figures destinées à embellir la maison de campagne de M. Fochet Ces statues, portées en France, et exécutées en marbre sous ses yeux par divers sculpteurs, sont peut-être détruites ou inconnues aujourd'hui.

Le Poussin affectionnait le Dominiquin, qu'il consola, et dont il plaignit la triste destinée. C'était dans l'académie de ce peintre célèbre qu'il allait dessiner le nu; il défendit courageusement son bel ouvrage de la Communion de saint Jérôme, contre l'envie des Lanfranc et autres que nous avons signalés à la postérité, afin que leurs noms soient couverts d'un opprobre éternel.

Le Poussin a eu, comme tous les artistes remarquables, trois manières : la première est celle qu'il avait prise de Quintin-Varin, avant d'aller en Italie; la seconde, qu'on veut méconnaître à Paris, parce qu'on ne la connaît pas, est hardie, faite au premier coup avec un sentiment de couleur qui tient au Titien, qu'il étudiait beaucoup alors Ensuite il négligea trop peut-être cette partie de son art; et, lorsqu'on lui en parlait, il disait qu'il avait craint que le charme du coloris ne lui eût fait oublier la nécessité du dessin. En effet, le haut style de l'histoire et sa sévérité peuvent et doivent même, à l'exemple de Tacite, se défendre du ton fleuri et brillant qui convient aux bacchanales, aux paysages, etc.

Nous ne devons pas omettre de dire que, malgré les efforts du Poussin et de beaucoup d'autres bons esprits, la Communion de saint Jérôme du Dominiquin fut reléguée dans un galetas du monastère dont il devait embellir l'église. Ce fut dans ce lieu que le Poussin, ayant su pénétrer pour en faire une copie, vit arriver le Dominiquin, surpris de ce qu'un peintre pouvait étudier un tableau dont on avait dit tant de mal. Le Poussin, après avoir exprimé au Dominiquin l'estime qu'il avait pour sa personne et ses talens, lui demanda la permission de baiser la main qui avait produit ce chef-d'œuvre.

Ce trait historique, et qui fait tant d'honneur à ces deux illustres peintres, n'a pas échappé au pinceau de M. Granet, artiste français, qui a su se frayer une route nouvelle dans son art, et qui jouit déjà d'une réputation qu'on ne voit s'attacher qu'aux noms des peintres qui font honneur à leur siècle.

Avant de cesser de nous entretenir du peintre des philosophes, met

tons sous les yeux de nos lecteurs l'épitaphe dont Bellori voulat honorer sa mémoire.

Parce piis lacrymis; vivit Poussinus in urná.

Vivere qui dederat, nescius ipse mori :
Hic tamen ipse silet; si vis audirc loquentem,
Mirum est, in tabulis vivit et eloquitur.

APRÈS les lettres de Nicolas Poussin, nous croyons faire plaisir aux amis des arts en leur donnant connaissance d'une description faite d'un tableau allégorique de ce grand peintre, par M. Marc Didot, qui en était alors le possesseur; il appartient aujourd'hui à M. Dufourny, membre de l'institut royal de France, et fait partie de sa belle collection.

Adieux de N. POUSSIN à ses ennemis de Paris, ou le coup de massue.

La scène se passe dans une plaine triste, et l'effroi des beaux-arts.

Une misérable habitation, en forme de grange, y donne la mesure du goût des architectes.

La reine de la Sottise (Lemercier, architecte de la galerie du Louvre) s'y trouve représentée sous les traits d'une femme stupide; aux joues bien rondes, au sourire bien niais; elle a pour couronne des pavots, et pour trône le dos d'un académicien à longues oreilles (Fouquiers, peintre de la galerie du Louvre); d'un bras elle entoure et presse le con du galant; de l'autre elle caresse la longue et triste figure du risible personnage. Sous les pieds de la Sottise sont des traités et des attributs des beaux-arts, qu'elle foule avec majesté.

L'œil du favori à longues oreilles s'anime; l'orgueil qui pénètre partout s'y glisse en tapinois; ses

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