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peintre se soit éteinte avec eux, et qu'elle n'ait pu être bien entendue que par ceux qui les ont vus travailler. Voyez Raphaël (je vous le propose en exemple), y a-t-il eu depuis Marc-Antoine, son contemporain, aucun graveur, qui ait saisi le sublime du caractère qui lui était propre? J'ai toujours eu cette opinion; et lorsque quelqu'un m'a dit qu'un bon graveur moderne voulait publier les ou. vrages des peintres morts depuis long-temps, je lui ai répondu, sans jamais me tromper, que les copies scraient infidèles. J'en ai vu une nouvelle preuve : j'ai reçu les estampes des belles peintures du Dominiquin, faites à Grotta-Ferrata ; j'en suis content si vous voulez, parce qu'elles sont dessinées et gravées raisonnablement, et qu'elles donnent une idée de la composition: c'est quelque chose de plus qu'une simple description; mais on n'y retrouve pas tout le caractère de ce grand maître, et ce je ne sais quoi, de particulier que l'on remarque dans cet excellent peintre.

J'espère vous envoyer une lettre de Rubens; elle est dans les mains d'une personne qui, certainement, ne me refusera pas de me la communiquer: je l'ai lue autrefois, et, autant que je puis m'en rappeler, elle mérite d'être imprimée. Quant à celles que je puis avoir écrites, comme je n'ai jamais pensé qu'elles seraient, un jour, rendues publiques, je vous supplie instamment, s'il vous en tombait quelques-unes dans les mains, de n'en faire aucun usage. Je ne dis pas

cela par amour-propre, mais pour le public, qui ne lit que pour s'instruire. Je suis, etc.

P. MARIETTE.

Nota. Les extraits suivans sont tirés de quelques lettres de M. Mariette; ils nous ont paru mériter d'être conservés.

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A monseigneur JEAN BOTTARI, à Rome.

J'ai jeté les yeux, aussitôt que je l'ai pu, sur votre Vasari, et j'ai trouvé une erreur qui demande à être corrigée, page 202. Cet écrivain parle des ouvrages en terre cuite, vernissée comme le sont les faïences blanches; et il dit que Luca della Robbia fit pour le roi François Ier. un palais à peu de distance de Paris, qu'il nomme Madrid. Vous supposez que Vasari s'est trompé, et qu'au lieu de ce nom il faut appeler ce château Marly; mais Marly est un ouvrage de Louis XIV, et Madrid, situé dans le bois de Boulogne, à deux lieues de Paris, est le palais que François Ier. fit élever en mémoire du séjour qu'il avait fait en Espagne, étant prisonnier : ce fut en ce lieu que travailla Luca della Robbia.

J'espère que vous aurez reçu deux petits ouvrages: l'un est l'Essai sur la peinture, fait par un amateur, homme d'esprit et mon ami; il s'appelle M. de Bachaumont. L'autre est intitulé: Les beaux-arts réduits à un même principe, de M. le Batteux, professeur royal d'éloquence et de l'académie des belles-lettres. Je crois devoir vous les nommer, afin que vous ne croyiez pas qu'ils sont de M. le comte de

Caylus. Vous désirez une copie de mon dessin du tombeau de Jules II, de la main de Michel-Ange, pour le faire graver et en enrichir votre nouvelle édition de Vasari: il est bien facile de vous sati sfaire, et je vais le faire copier tout de suite. Vous seriez également certain d'avoir bientôt le catalogue des estampes de l'abbé de Marolles; mais ce livre, qui n'est rempli que d'erreurs, et qui n'apprend absolument rien, est devenu si rare, qu'il est impossible de le trouver.

P. MARIETTE.

NOTE DU TRADUCTEUR. Il faut parcourir la Toscane, si l'on veut connaître tout le mérite de Luca della Robbia. On y voit une quantité de bas reliefs en terre cuite vernissée comme nous l'avons dit; ils tiennent lieu de tableaux d'autels; il y en a dans de simples villages; et partout, ils sont admirables. Cette forte couche de vernis blanc n'ôte rien à l'expression des figures: Florence en abonde, et l'académie de dessin en possède un grand nombre. Ses vierges ont le noble caractère de celles de Raphaël et sa grâce inimitable. Le talent unique della Robbia n'a pas eu d'imitateurs, et n'en aura probablement jamais.

Nous allons parler maintenant d'un autre genre de talent, aussi singulier que rare. C'est le pavé du dôme de Sienne, fait sur les dessins du grand peintre Beccafumi, autrement Micarino. Afin d'avoir une idée juste de cet ouvrage important, on peut s'imaginer voir des compositions de figures plus grandes que nature, tracées sur du papier blanc avec une plume dont les traits sont fortement prononcés et dont les hachures, qui le seraient encor plus, formeraient les ombres; ici c'est du marbre blanc qui sert de surface, et sur lequel le ciseau le plus habile a gravé des traits, comme le ferait un graveur sur une planche de cuivre. Les hachures pour former les ombres sont faites avec la même élégance, avec la même facilité que les ferait, avec une plume nourrie, un grand dessinateur. L'ouvrage étant ainsi préparé, on a deux manières d'en faire ressortir les traits ou les hachures. On peut remplir ces traits avec du mastic noir, ou bien employer une impression noire que fixerait une liqueur mordante. On sent combien il serait facile de varier cette couleur, en imitant les diverses teintes bleues, bistrécs, violettes, etc., dont se sont servis les grands peintres

pour leurs dessins à la plume. Ce genre peu connu de tracer d'une manière extrêmement durable toutes sortes de compositions, avait été pratiquée autrefois par Duccio, ancien peintre de l'école de Sienne. C'est avec le même procédé que Beccafumi a fait ce bel ouvrage, qui seul suffirait à sa réputation. Ce pavé, ainsi décoré, est toujours recouvert par une espèce de parquet, afin de le préserver du frottement des souliers. On le découvre seulement les jours de fêtes, ou pour le montrer aux étrangers. L'on tenta, du vivant de M. Mariettei d'en faire des essais à Paris, auxquels on n'aura pas donné de suite, cet amateur zélé et plein de goût était sans doute le moteur de cette entreprise. Il possédait deux grands volumes de dessins du Poussin, faits d'après les ornemens des portes et des fenêtres du Vatican (1), avec une précision et une intelligence rares. Cette collection précieuse avait fait partie des richesses de la bibliothéque du grand Colbert.

A M. JEAN-PIERRE ZANNOTTI, à Bologne.
Rome, le 1. mars 1764.

Vous me demandez si j'ai lu l'essai sur l'académie de France, etc., qui m'a été envoyé la semaine dernière. Vous savez combien j'aime les beaux-arts, et vous voulez que je l'aie laissé dormir tranquille pendant huit jours entiers sur ma table? Je me suis mis tout de suite à le lire d'un seul trait, autant par l'estime très-grande que j'ai pour son auteur (2) que par la curiosité de ce qu'on y traite; je l'ai lu avec un très-grand plaisir, à cause de son style agréable, de la justesse des pensées, de la quantité de notes, et du sujet par lequel il entreprend de dissiper une erreur qui pourrait nuire beaucoup

(1) Les portes et les fenêtres du Vatican furent faites d'après les dessins de Raphaël et de ses élèves.

(2) Le comte Algarotti, auquel le grand Frédéric a fait élever un beau tombeau dans le Campo-Santo de Pise.

à la nation française. Si vous voulez, après cela, savoir ce que j'en pense, comme vous me le demandez à la fin de votre lettre, je vous dirai qu'autant que je le sais et que je le puis, j'ai cherché, en toutes choses, à étudier l'homme: par là je trouve toujours à apprendre et à découvrir de nouvelles vérités.

L'une des plus utiles et des plus glorieuses entreprises de Louis XIV fut la pensée de fonder une académie; cet établissement paraissait devoir être loué dans tous les siècles, et plus encore par tous les Français. J'ai au contraire appris qu'ils critiquent cet établissement et qu'ils le blåment; la différence des cerveaux est si grande, qu'il n'y a chose tortue, extravagante et absurde qu'on puisse imaginer, qui ne trouve des avocats bénévoles; ils l'embrassent, l'épaulent et trouvent des raisons plausibles en apparence, qui séduisent ceux qui s'arrêtent à la première auberge, sans penser à aller plus loin ni à examiner les raisons, ni le poids qu'elles peuvent avoir; erreurs dans lesquelles tombent la plupart des hommes.

M. le comte Algarotti met avec courage dans leur plus grand jour ces faux raisonnemens, sans en oublier un seul; il les combat d'une manière claire, vigoureuse et convaincante. Il profite de cette occasion pour tracer le caractère de beaucoup d'illustres professeurs français connus, mais dont les ouvrages ne le sont pas autant, sinon de ceux qui ont voyagé commodément en Europe avec la tête et les yeux de M. le comte. Je connaissais, par

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