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dra votre seigneurie au jeune Raphaël : elle ne pourrait rien faire qui me fût plus agréable.

Je me recommande, etc.

JEANNE FELTRE DE LA ROVÈRE,

Duchesse de Sora et gouvernante de la ville.

NOTE DU TRADUCTEUR. Rien n'est plus intéressant que cette lettre pour les artistes et pour tous les amateurs des beaux-arts. Qui pourrait ne pas aimer la duchesse d'Urbin, en lisant ses pressantes recommandations pour le jeune Raphaël?

Cette lettre date du moment où Raphaël venait de quitter Pérouse, où, jouissant déjà d'une grande réputation, il avait surpassé son maître à l'âge de dix-sept ans. La mort de son père, arrivée dans ces entrefaites, hâta son départ pour Urbin, où quelques affaires de famille l'appelaient. Ce fut alors qu'il peignit son portrait sur l'un des murs intérieurs de la maison de ses pères qui lui était échue en héritage. Cet ouvrage est le seul de sa main que l'on conserve dans sa patrie. Une inscription touchante en orne la surface. Cette petite maison rappelle le peu d'étendue qu'avait celle du Corrège.

Le jeune Raphaël ne pouvait demeurer long-temps à Urbin. Son génie l'appelait, l'entraînait à Florence, pour y voir Léonard de Vinci et frère Bartholomée de Saint-Marc, qu'il prit pour ses nouveaux maîtres.

Ce ne fut que pour intéresser davantage le gonfalonier Soderini en faveur de Raphaël, que la duchesse d'Urbin lui dit que son père avait beaucoup de talent. La vérité est qu'il était arrivé à une bonne médiocrité. Ce qui le prouve, c'est qu'il fut employé pendant quelques mois à Pérouse par le Perugin : lorsqu'il fut lui présenter son fils Sanzio (nom de leur famille), afin qu'il l'admît au nombre de ses élèves, il avait alors douze ans.

La nature de l'ouvrage que nous avons entrepris de traduire, demandera quelquefois des notes. Elles auront pour objet quelques réflexions critiques, quelques faits trop ignorés sur la vie ou sur les ouvrages des artistes ou des amateurs, ou des réflexions sur les différens âges de l'art moderne.

Nota. On trouvera l'inscription mise sur la façade de la maison des Sanzio, en l'honneur de Raphaël, dans une lettre écrite par le chanoine Crespi à M. Bottari, le 28 juin 1560 : elle fait partie de ce recueil.

A M. POMPONIO TRIVULZIO, à Milan.

Rome, 1. juin 1506.

Je ne vous aurais pas encore écrit, sans un sujet qui est venu à ma connaissance : je pense que vous éprouverez autant de plaisir à le lire que j'en ai à vous l'écrire. Vous aurez peut-être ouï dire de quelle manière on a trouvé la statue du Laocoon avec ses deux enfans, dans les ruines du palais de l'empereur Titus. Pline en fait mention dans son 36°. livre, chap. 5. Ce que cet auteur en a écrit est d'une telle autorité, que le citoyen romain qui l'a déterrée dans ses jardins n'a pas voulu la vendre au cardinal de Saint-Pierre in vincola, pour soixante écus d'or.

Le souverain pontife voulut la posséder pour la mettre dans son petit palais du Belvédère, où il a fait faire tout exprès un petit temple. Plusieurs poëtes ont célébré cet événement. J'ai rassemblé toutes leurs rimes, afin de faire une chose qui vous fût agréable, ainsi qu'à vos académiciens.

Jean Angelo, Romain, et Michel Cristophano, de Florence, qui sont les deux premiers sculpteurs de Rome, disent que cette statue avec ses enfans n'est pas faite d'un seul bloc de marbre, comme l'assure Pline; et ils font voir que ce groupe est composé de trois ou quatre pièces jointes en des endroits qu'on a de la peine à apercevoir, mais si bien unies et réparées, qu'on ne les peut faire reconnaître facilement, à moins que ce ne soit par des personnes versées dans cet art. Ils disent aussi

que Pline s'est trompé, ou qu'il a voulu tromper les autres, pour rendre cet ouvrage plus admirable. L'autorité de Pline est grande, sans doute; mais nos artistes ont leurs raisons: et l'on ne doit pas mépriser ce mot d'un ancien Felices fore artes, si de iis soli artifices judicarent.

D'après cela, je ne sais en vérité qui croire, ni sur quel fondement je dois m'appuyer. Quoi qu'il en soit, l'ouvrage est parfait et digne de toute louange. Vous croirez voir certainement l'infortuné Laocoon avec ses enfans, en lisant les beaux vers latins de Jacques Sadolet, l'homme le plus instruit de cette ville, lequel, à mon avis, l'a décrit avec sa plume non moins élégamment que les habiles statuaires Agésander, Polydore et Athénodore, Rhodiens, l'avaient fait avec leur ciseau. Ceux qui liront les vers de Sadolet n'auront pas grande envie de voir ce groupe, tant il a si bien su le représenter.

J'y joins l'églogue de Jacques Sincero, quoique je m'imagine que Jacques Puteolano vous l'ait envoyée, avec quelques épigrammes de Philippe Beroaldo le jeune, Romain très-érudit et mon ami intime, comme vous le verrez dans ses vers. Faites en sorte de m'envoyer en échange quelque chose qui soit de mon goût. Nous vous promettons d'en faire autant, si l'on imprimait ici quelque chose qui pût vous plaire. Nous jouissons tous d'une bonne santé; ayez bien soin de la vôtre, et présentez nos amples salutations à nos parens et à nos frères.

CESAR TRIVULZIO.

NOTE DU TRADUCTEUR. Nous avons voulu juger, d'après l'assertion de l'auteur de cette lettre, si en effet, après avoir lu les vers de Sadolet, on pouvait se dispenser de voir le Laocoon; et nous avons répété: Felices fore artes, etc.

Bref de JULES II aux prieurs de la liberté et au gonfalonier de justice du peuple de Florence.

A mes chers fils, salut et bénédiction apostolique. Michel-Ange, sculpteur, qui s'est éloigné de nous sans motif et par caprice, autant que nous avons pu le savoir, craint de revenir auprès de nous, quoique nous n'ayons pas à nous plaindre de lui. Nous connaissons l'humeur des hommes d'une telle espèce; mais cependant, afin qu'il bannisse tout soupcon, nous vous exhortons, par cette affection que vous avez pour nous, de vouloir lui promettre de notre part que, s'il revient auprès de nous, il ne lui sera fait aucun mauvais traitement, et que nous lui rendrons cette même grâce apostolique que nous avions pour lui avant son départ,

Donné à Rome, le 8 juillet 1506, l'an 3 de notre pontificat.

Note du TRADUCTEUR. Voilà, il faut en convenir, un bref du fougueux Jules II, extrêmement curieux! Il attaque non-seulement le caractère de Michel-Ange, mais celui de tous les artistes. Nous chercherons à oublier toute la rudesse d'une expression semblable, pour nous attacher à la recommandation de l'oubli et même du pardon des injures. Certainement nous ne serions pas les seuls à désirer qu'il naquît plus souvent des hommes de l'humeur et du caractère de Michel-Ange, et fort rarement de Jules II. Comme l'on pourrait penser que nous n'avons pas traduit littéralement la phrase « parce que nous connaissons l'humeur des hommes d'une telle espèce », nous avons cru devoir la transcrire telle qu'elle est dans la langue italienne, « perchè conosciamo

l'umore degli uomini di tal fatta ». Afin d'ôter au lecteur toute défiance, nous ajouterons que la fuite de Michel-Ange provint des démêlés trèsvifs qu'il avait eus avec Jules II. Ce pape, en étant averti, envoya cinq courriers après lui, et expédia trois lettres ou brefs aux chefs de la république de Florence, afin qu'ils voulussent bien engager Michel-Ange à retourner à Rome. Ce grand artiste se rendit enfin aux instances du gonfalonier Pierre Soderini; il vint à Bologne, où Jules II s'était rendu pour d'autres affaires. S'étant présenté au souverain pontife, il le reçut avec colère et mépris, en lui disant : Au lieu de venir à nous, tu as attendu que nous soyons venu te trouver! Le prélat, qui avait introduit Michel-Ange, voulut l'excuser, en alléguant que, hors de leur art, ces gens-là étaient des ignorans, et qu'il fallait leur pardonner. Jules II, indigné contre ce prélat, lui donna quelques petits coups d'une baguette qu'il tenait à la main, et lui dit : C'est toi qui es un ignorant, puisque tu lui dis une injure que nous ne lui disons pas. La colère du pape s'étant apaisée, il lui donna sa bénédiction, lui rendit ses bonnes grâces, et le combla ensuite de bienfaits.

ALBERT DURER à M. WILIBALDE PIRCK HEYMER (1).

De Fenedig, le 9 août 1506.

TRÈS-GRAND et premier homme du monde, votre serviteur et votre esclave Albert Durer souhaite le bonjour à son magnifique M. Wilibalde Pirckheymer.

Je vois toujours avec un nouveau plaisir que vous jouissez d'une bonne santé et de grands honneurs ; mais je suis étonné de voir qu'un homme tel que vous puisse tenir contre le plus sage Thrasybule, contre ce militaire qui ne l'est cependant que par la

(1) Cette lettre d'Albert Durer, écrite en mauvais italien, est conservée dans la bibliothéque de l'illustre Christophe Joachim Haller d'Harlestein, sénateur de la république de Nuremberg.

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