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exemple, Jouvenet et le Sueur, parce que j'ai, du premier, plusieurs gravures de ses ouvrages, et du second, la Vie de saint Bruno, et quelques autres estampes. Dans celle d'après Jouvenet, on remarque de l'esprit et du feu, avec quelque peu de manière. Les estampes d'après le Sueur me donnaient au contraire une très-grande opinion de ce peintre, quoique je visse que le Poussin lui était supérieur. Je ne savais pas si les peintures étaient ce que promettaient les gravures, puisque le Sueur est mort à 38 ans. Mais à présent je suis très-satisfait d'apprendre que le coloris et les autres parties de la peinture correspondent à l'excellence de l'invention de ce grand peintre.

Je suis fàché que M. le comte Algarotti soit parti de Rome avant que Clément XII eût orné le Capitole de tant de beaux marbres antiques, achetés de M. le cardinal Alexandre Albani, grand amateur; collection que ce souverain pontife accrut beaucoup encore par des acquisitions nouvelles, ainsi que son successeur Benoit XIV, d'heureuse mémoire.

La réflexion que fait M. le comte est excellente, judicieuse et très-vraie, lorsqu'il dit qu'il faut voir la patrie des grands artistes pour juger de leur mérite, parce que c'est là qu'ils ont travaillé dans la vigueur de leur talent, avec plus d'étude, et qu'ils cherchaient à se faire une réputation c'est à Florence qu'il faut voir Michel-Ange; c'est là qu'il y a plus de statues de sa main et de plus belles qu'à

Rome. Le seul Bacchus, qui est dans la galerie de Médicis, est plus beau que le Christ de la Minerve; la chapelle et la bibliothéque de Saint-Laurent font mieux voir quel était son talent dans l'architecture, que les fabriques qu'il a faites à Rome, excepté la partie de Saint-Pierre qui a été ensuite altérée par cet ordre attique; il est si différent de son goût, qu'il fait voir clairement que cette farine n'est pas sortie du même sac.

L'observation que fait M. le comte sur les plâtres moulés sur les statues, en disant qu'ils ont la même valeur pour l'étude quand ils sont bien jetés, est aussi très-sage. Il a dit peu, mais il a voulu dire beaucoup pour celui qui le comprend bien. Cependant les statues ne peuvent être moulées d'un seul jet, mais en plusieurs pièces; or il est comme impossible, ou au moins très-difficile, de bien réunir ces parties dans la même forme qu'elles ont dans les originaux ; cela fait une différence très-remarquable.

Je me rappelle qu'étant allé voir l'Apollon du Belvédère avec Hercule Lelli, sculpteur célèbre et très-instruit, de Bologne, il s'arrêta quelque temps à le contempler en silence. Sachant qu'il en avait un beau plâtre, dans son atelier, fait sur le marbre original, je lui dis : Il me semble que cette statue vous paraît nouvelle, quoique vous l'ayez toujours sous les yeux; cela est vrai, me répondit-il, mais celle-ci est autre chose; chez moi, elle est du mouleur, içi elle est du maître grec,

M. le comte parle aussi des estampes avec beau

coup d'érudition; il a raison de remarquer que l'Italie manque de beaucoup de graveurs, et que cela a presque toujours existé. Il y a eu plus de gravures d'architectures que de peintures. L'on peut dire qu'à Florence, où l'architecture a pris naissance, il n'y a cependant pas eu une porte ni une fenêtre bien gravées jusqu'en l'an 1718; je pressai alors le célèbre architecte Ferdinand Ruggieri de les mesurer lui-même et de les graver; ce qu'il fit avec le titre d'Etudes de portes et fenêtres. Combien n'y a-t-il pas d'autres beaux édifices dans cette ville, qu'on a depuis si long-temps surnommée la belle, et qui, s'ils étaient gravés, formeraient plusieurs volumes! On peut en dire autant des églises, des chapelles, des palais, et des maisons de campagne, etc., élevés par tous les grands architectes de Rome et de Florence, dont on n'a ni les plans ni les élévations, mesurés avec précision. On pourrait en dire autant des peintures; il est difficile de concevoir comment tant de graveurs ont employé leur temps à graver beaucoup de choses ordinaires et ont souvent préféré refaire ce qui avait été mieux exécuté, plutôt que de s'occuper d'un si grand nombre d'ouvrages excellens qui n'ont jamais été gravés.

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Je crois que l'extrême décadence des beaux-arts ne vient en grande partie que de la routine que suivent constamment les élèves, et de ce qu'ils ne savent mettre leurs pieds uniquement que sur l'impression que laissent les pas de leurs maîtres. Ils

auraient du talent s'ils savaient suivre la tendance et l'impulsion de la nature. Les écoles sont mieux pourvues encore qu'autrefois de tout ce qui est nécessaire à l'étude; et cependant on ne voit aucun artiste qui parvienne à l'excellence de son art; on voit au contraire une armée d'artistes aussi malheureux que médiocres. Je suis, etc.

JEAN BOTTARI.

NOTE DU RÉDACTEUR. Depuis l'époque où fut écrite cette lettre, il s'est formé une grande quantité de bons graveurs en Italie; il en est même de très-habiles, parmi lesquels on distingue Raphaël Morghen, etc.

A M. JEAN-BAPTISTE PONFREDI, peintre (1).

Rome, le 20 octobre 1765.

Je vous promis, il y a plusieurs jours, de vous donner quelques notices sur les peintres qui eurent le plus de réputation en Espagne, et desquels on n'a qu'une très-légère connaissance en Italie; ils ne sont appréciés que de leurs compatriotes, et des étrangers qui viennent accidentellement dans leur contrées, lorsqu'il arrive qu'ils ont quelque connaissance de la peinture.

Leurs ouvrages sont d'autant moins connus et appréciés, qu'ils sont ordinairement placés dans les églises, ou cachés dans les palais, et dans les maisons particulières, dont l'accès n'est pas aussi facile que dans ceux des princes d'Italie; ce qui fait qu'ils y sont comme ensevelis, qu'on ne les vend jamais

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Élève de Marco Benefial, né à Rome, de parens originaires de la Gascogne, en 1684, et mort en 1764 dans la même ville.

et qu'on ne les voit pas comme ceux des autres grands peintres étrangers qui ont l'habitude d'aller à Rome. Cependant je puis vous assurer qu'il y a eu en Espagne des professeurs d'une telle perfection, que leurs ouvrages mériteraient d'être placés à côté des plus grands artistes, dans les galeries des princes ou des amateurs,

Je ne voudrais pas que vous crussiez qu'étant espagnol et né dans la ville de Séville, où beaucoup de grands peintres ont vu le jour et ont vécu, je fusse dominé par le doux amour de ma patrie, parce que, quoique ce sentiment soit bien naturel, la demeure que j'ai faite à Rome pendant 34 ans, fait qu'il ne m'offusque pas la raison, et ne me transporte pas lorsqu'il m'est permis de donner mon avis. Après vous avoir fait cette déclaration, je vous prie d'avoir quelques égards pour ma plume, laquelle, écrivant dans une langue qui n'est pas la sienne, doit nécessairement vous paraître défectueuse.

Afin de commencer par les temps les plus reculés, je vous dirai que, l'Espagne ayant été envahie et dominée par les Maures d'Afrique, comme vous le savez par l'histoire, pendant près de huit siècles, les Espagnols, jusqu'à leur expulsion totale, eurent à endurer beaucoup de fatigues, la perte presque totale des lettres et celle des beaux-arts. Plus on était alors adonné aux armes, et moins on s'occupait des délices de la peinture.

Cependant il paraît qu'il y eut, parmi les chrétiens, quelques peintres tolérés par les Maures;

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