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mais cependant beaucoup plus à Rome qu'ailleurs. Ce sont ces restes précieux qui, ayant enflammé quelques beaux génies par l'aspect imposant qu'ils présentent, les ont disposés à ressusciter de nouveau la noble étude de l'architecture; ils l'ont fait sortir des ténèbres parmi lesquelles elle était ensevelie, dans l'espoir que leurs efforts réunis ouvriront la carrière à beaucoup d'autres,qui pourront ensuite,à leur tour, faire arriver ce bel art à une plus grande splendeur.

Puisque tous les beaux-arts, et principalement l'architecture, sont composés de la théorie et de la pratique, il est nécessaire, pour leur faire faire quelques progrès, d'étudier non-seulement la première, mais aussi d'élever des édifices.

Les beaux génies que nous avons à citer (1) ne pouvant pas, dans le temps présent, élever des fabriques, ont dirigé toutes leurs études du côté de la contemplation théorique des édifices antiques; ils espèrent par là joindre les préceptes des écrivains avec les exemples et les beaux documens que l'on tire des magnifiques ouvrages de l'antiquité, en s'efforçant de tourner leurs regards tantôt sur l'une de ces parties, et tantôt sur l'autre, avec toute l'attention possible.

Les auteurs grecs et latins qui avaient écrit sur l'architecture, ayant presque tous été détruits, nous

(1) Entre autres Marcel Cervini, qui fut ensuite pape; Bernardin Maffei, devenu cardinal; Alexandre Manzuoli; Guillaume Philander ; Vignola; Louis Lucerna, Espagnol; et Claude Tolomei, auteur de cette lettre.

suivrons Vitruve, comme étant le seul qui nous soit resté et qui ait écrit, ainsi qu'il le dit lui-même, sur toutes les parties de cet art. Nous prendrons d'abord nos modèles sur ceux qui se voient à Rome, et qui sont généralement admirés, sans oublier pour cela de parler de ceux qui se trouvent ailleurs, et desquels il est possible d'avoir des notions aussi vraies que certaines de la manière dont ils ont été construits, avec les règles et l'art qu'on a employés dans leur construction.

L'homme étant porté naturellement à aider ses semblables, soit concitoyens ou étrangers, nos auteurs espèrent et pensent qu'il naîtra de leurs travaux des fruits utiles au monde, en en composant plusieurs livres, tant sur l'architecture que sur les autres objets qui ont des rapports avec elle; ils ont surtout pris à tâche d'éclaircir les paroles et le sentiment de Vitruve, lequel, comme auteur, est regardé, pour la difficulté de la matière, pour la nouveauté des mots, pour la construction dure et difficile de ses phrases, et pour la corruption des textes, plus obscur que tous les oracles.

On commencera donc à faire un ouvrage en latin, dans lequel, par le moyen de notes très-étendues, on fera mention de tous les passages difficiles de Vitruve qu'il est possible de comprendre, et principalement de ceux qui appartiennent aux règles de l'architecture, en dessinant des figures où elles seront nécessaires pour la plus grande clarté de ces passages.

Les textes de Vitruve étant très-rares, tant ceux qui ont été manuscrits que ceux qui ont été imprimés; ces sources fréquentes de confusion et d'obscurité seront la matière d'un ouvrage composé des notes sur la diversité de ces mêmes textes, surtout lorsqu'ils présenteront des différences remarquables ou de quelque importance, en y réunissant les raisons qui ont motivé la préférence que l'on a donnée à l'un d'eux. On a le projet de faire imprimer ensuite un Vitruve selon ces textes, qui mériteront, avec raison, d'être approuvés (1).

Il est certain que Vitruve joignit beaucoup de figures à son ouvrage, afin qu'il fût mieux entendu. Il les plaça à la fin de chaque livre, comme il le dit lui-même plusieurs fois; mais ces figures se trouvent perdues avec une infinité d'autres livres anciens: c'est ce qui fit que le frère Gioconde, de Vérone, pour être utile à ce bel art, plaça beaucoup de figures dans le Vitruve dont il fit paraître une édition, imprimée à Venise en 1511. Il mérite certainement beaucoup d'éloges, pour avoir, par son génie et par ses travaux, contribué beaucoup à l'intelligence de cet auteur. Mais, par la raison qu'aucune chose ne fut jamais commencée ni conduite à sa perfection par un homme seul, et que ses yeux ne peuvent tout voir parfaitement, il n'est pas extraordinaire

(1) Le marquis Bérard Galiani a traduit Vitruve, et y a fait, avec un soin extrême, toutes les notes dont parle ici Tolomei. Cette traduction a été imprimée à Naples en 1577.

que frère Giocondo se soit trompé dans quelques figures; il l'est encore moins qu'il ait passé quelques endroits sans en dessiner les figures, quoiqu'ils en eussent le plus grand besoin pour leur plus grande intelligence.

Nos auteurs, mus par ces raisons, veulent refaire toutes les figures, en rejetant celles où Giocondo a erré, et ajouter en divers lieux celles qui n'y sont pas ce qui sera d'un grand secours pour l'intelligence de Vitruve, dans lequel il y a un grand nombre de mots grecs et latins, lesquels sont rarement compris à cause de leur nouveauté.

On joindra ensuite, pour la plus grande utilité de ceux qui étudieront cet ouvrage, un vocabulaire latin très-étendu où l'on placera, selon l'alphabet, tous les mots latins (1), et principalement ceux qui présentent quelques doutes ou quelque obscurité.

Vitruve étant rempli de mots grecs sur les ordres et les règles de l'architecture, on fera un autre vocabulaire, dans le même ordre que le précédent, pour les mots grecs qui seront traduits en latin. Par ce moyen, une grande quantité de mots de Vitruve, qui paraissent à présent obscurs, seront éclaircis par des notes qui feront connaître à la fois leurs dérivations et leurs étymologies.

Comme la manière de parler de Vitruve paraît souvent extraordinaire à certaines personnes, étant

(1) On trouve un semblable vocabulaire à la fin du Vitruve imprimé par les Elzevirs, à Amsterdam, en 1649.

fort éloignée du langage des César, des Cicéron et des autres grands écrivains de Rome, on fera un ouvrage en latin sur sa manière d'écrire. On verra par là si beaucoup de mots durs, dont on l'accuse, peuvent être défendus par le témoignage d'autres bons auteurs; et ceux qu'on n'y trouverait pas seront notés comme étant son idiome particulier.

Cette idée a fait naître le désir de tenter si l'on ne pourrait pas, par ce moyen, donner à Vitruve un latin plus clair et plus pur, en se rapprochant, autant que possible, des paroles et de la contexture des autres bons écrivains latins. Si cela réussit, ce sera une fort belle chose de voir enfin cet auteur, d'âpre et de difficile qu'il était, devenir aisé et même agréable à lire.

Tout ce qui regarde l'architecture est aujourd'hui fort recherché et pratiqué par des personnes qui ont peu d'intelligence de la langue latine, tels que les sculpteurs, les peintres, les charpentiers et les architectes vulgaires : c'est par cette raison que jusqu'à présent Vitruve a été traduit au moins trois fois du latin, mais si mal et avec des paroles si inintelligibles, qu'il s'entend encore moins dans cet italien vulgaire que dans le latin (1), Cela devait être ainsi, puisque ces traducteurs ignoraient les véritables règles et la manière de traduire une langue dans une autre. Il n'est pas étonnant qu'ils n'aient

(1) Ces traductions doivent être, la première, de César Cesariani; la deuxième, de J.-B.Caporali; la troisième, de Daniel Barbaro.

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