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pas pu comprendre une quantité de passages obs

curs.

Ce sera donc faire une chose utile au monde que de donner une traduction nouvelle de Vitruve dans la belle langue toscane, afin que cet auteur si difficile soit mieux entendu. Elle sera suivie d'un vocabulaire toscan pour tout ce qui a rapport à l'architecture, qui donnera à ses termes leurs véritables noms et significations (1).

Il y aura ensuite un recueil des règles de Vitruve, avec des exemples pris dans ses ouvrages. Si l'on trouve que, dans quelques autres édifices antiques, l'architecte ne s'en soit pas servi, on pourra mieux arriver à connaître pourquoi les règles de Vitruve n'y ont pas été observées; et, joignant la pratique à la théorie, on pourra par là s'élever à de belles et utiles contemplations.

On fera une autre étude non moins utile si l'on conçoit bien, à travers leurs ruines, les anciens édifices de Rome, en s'aidant des historiens. On saura par là que l'ancienne Rome était de forme carrée, et l'on verra distinctement les autres accroissemens successifs de la ville éternelle, par le moyen des portes et des chemins dont on a conservé des notions; l'emplacement des temples, des portiques, des théâtres, des amphithéâtres; les arcs de triomphe, les thermes, les cirques, les ponts et tous les

(1) Cela a été fait depuis par Philippe Baldinucci dans son Vocabulaire de l'Art du Dessin; et ensuite par Milizia.

autres édifices dont il reste quelques vestiges, peuvent être singulièrement utiles à ces sortes de recherches. On pourra même parvenir à en connaître beaucoup d'autres dont il ne reste plus aucune trace, en enseignant le lieu dans lequel ils étaient placés; enfin, on n'oubliera aucune de leurs parties dont l'histoire peut démontrer la vérité, en disant en quels temps ils furent faits et quel fut leur usage. Ces divers monumens étant bien démontrés et mis en bon ordre, ils seront agréables et utiles à connaître. On apprendra par eux à mieux entendre beaucoup de passages des poëtes, des historiens, et des orateurs grecs ou latins.

Les dessins de leurs plans, de leurs profils et des autres parties de l'architecture faits avec soin; leurs mesures prises exactement, comparées avec celles de notre temps, exposeront les raisons, les règles et les ordres de ces grands édifices : outre leur utilité très-essentielle pour tous les arts du dessin, cette collection aura encore l'avantage de faire sortir, pour ainsi dire, Rome de son tombeau, en lui donnant une nouvelle vie, bien éloignée sans doute de sa première beauté; mais elle en offrira du moins une ressemblante image.

On pourra, après avoir traité des grandes parties de l'architecture, venir aux tombeaux, aux bas-reliefs, aux statues, aux vases funéraires ou autres, aux instrumens divers des sacrifices, ou autres ustensiles, qui tous peuvent entrer dans ses compositions. Les médailles peuvent aussi être consultées

avec fruit, puisque beaucoup ont été frappées pour l'érection d'un monument, et que sa forme y est clairement exprimée.

De quelle étendue n'est pas l'art de l'architecture, puisqu'il comprend les aquéducs dont les Romains ont fait un si admirable usage, les leviers, les machines de guerre, les fortifications, l'élévation des eaux et leur conduite (1).

Des personnes trouveront sans doute que cette entreprise est trop grande et trop difficile, et qu'elle embrasse trop de choses pour qu'il soit possible de les conduire à leur fin, sans parler des choses demeurées trop obscures, malgré tant d'efforts. Mais quand elles sauront que ce n'est pas l'ouvrage d'un seul, mais celui de beaucoup de savans qui s'occupent de cette noble et grande entreprise, et que chacun d'eux a son travail particulier, alors elles ne seront pas plus étonnées que si elles voyaient une ville entière s'occuper de tous les beaux-arts en même temps. Un grand travail, réparti de cette manière, devient plus facile et plus léger qu'on ne pense. Il n'est pas douteux que les travaux ainsi divisés parmi tant d'hommes instruits, ne soient terminés en trois années.

Qu'on ne croie pas cependant qu'ils aient la témérité de penser à illustrer des objets dont il ne resterait plus le moindre vestige.

(1) Nous avons heureusement l'ouvrage de Frontin sur les aquéducs de Rome, dont il avait l'intendance sous Nerva.

Voilà, cher comte, quels sont les travaux qu'ont embrassés avec ardeur des hommes dont vous estimez et honorez le zèle, le courage et les lumières. Ils ont le plus grand besoin d'être aidés, comme vous le pensez, et d'être soutenus par la faveur de quelque prince dont l'esprit soit instruit et élevé. Je ne sais s'il renaîtra un nouvel Alexandre qui, par ses éloges et par ses largesses, ne permettra pas que ces génies, brûlant de l'ardeur de se signaler, tombent dans la langueur, n'étant pas soutenus dans leur entreprise honorable. Si cela arrive, vous verrez, je l'espère, de nobles dessins ornés de toutes leurs richesses, être conduits bientôt à leur

terme.

Si Alexandre båtit en dix-huit jours la ville de Seizia, comment un autre Alexandre ne pourrait-il pas parvenir à faire terminer en trois ans l'ouvrage dont je vous transmets le plan et la manière de l'exécuter? Cependant, si ce plan n'était pas secondé par la fortune et l'appui des princes ( ce qui ne serait ni nouveau ni extraordinaire), cela n'empêchera pas que le peu qui pourrait se faire sans eux n'obtînt son exécution. Les beaux génies à qui ce travail est confié ne se laisseront point abattre par les obstacles : ils liront, reliront Vitruve; ils parviendront à le rendre utile et intelligible; et leurs nobles efforts prouveront au monde ce qu'ils sont capables de faire par eux-mêmes. J'espère, au contraire, que tout esprit raisonnable les remerciera plutôt du peu qu'ils auront fait, que de vouloir les inculper de ce qu'ils

n'auront pu

terminer tout leur dessin, étant réduits

à leurs seuls moyens.

Continuez à être heureux; donnez-moi vos ordres, si je puis vous être utile. Il y a long-temps que je n'ai eu des nouvelles du comte Jules; cependant je désirerais en avoir, car je l'aime beaucoup. CLAUDE TOLOMEI (1).

NOTE DU TRADUCTEUR. On aurait lieu de s'étonner de l'entreprise immense pour ainsi dire, dont cette lettre offre le projet, si l'on ne se reportait pas au seizième siècle qui l'enfanta. Ce siècle, plus fécond en prodiges que celui qui l'avait devancé, est celui de Léon X ; c'est celui des merveilles les plus étonnantes de l'esprit humain ; et le respect qu'il imprime est semblable à celui qu'on éprouverait à l'aspect d'une di

vinité.

Malgré tout le zèle et les talens de ceux qui formèrent le bel ensemble des travaux dont nous venons de rendre compte; malgré l'allusion ingénieusement amenée du grand nom d'Alexandre pour le pape qui régnait alors, et l'invocation de l'appui des princes, ce projet trop vaste ne put entièrement s'exécuter dans l'espace de trois ans, ni même pendant la durée de l'existence de ses coopérateurs, dont nous avons nommé les principaux.

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A M. JEAN-FRANÇOIS GRIMALDI.

Rome, 26 juillet 1543.

J'AI été hier au soir souper à Treio, jardin de M. Agabito Belluomo. J'y éprouvai trois plaisirs à la fois, lesquels, comme les trois Grâces, me causèrent un grand contentement et beaucoup de plaisir je vis, j'entendis, je me baignai; ensuite je

:

(1) On voit beaucoup de notes de l'auteur de cette lettre, grand et zélé promoteur des beaux-arts, dans les Observations sur Vitruve, publiées par le savant marquis Poleni.

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