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pourrait s'éteindre encore. Mais il brille, il devient électrique dans ces écrits sortis de leurs savantes mains.

C'est surtout dans le silence des ateliers, que la méditation de ces Lettres fera sentir aux artistes qu'elles renferment pour eux des richesses inappréciables.

Telle est, enfin, l'importance de ce Recueil, que si l'art devait succomber sous les efforts d'une barbarie nouvelle, ou qu'il dût être encore avili par une corruption semblable à celle du dix-huitième siècle, il y trouverait des principes sûrs et régénérateurs.

Artistes et amateurs! bientôt vous allez jouir de l'entretien de ces artistes immortels. Bientôt vous allez les entendre parler de leur art, de ses difficultés, des moyens de les vaincre, et d'arriver par de nobles travaux à la plus brillante renommée.

Après avoir rendu d'assez longs services aux beaux-arts, si celui-ci devait être le dernier, je n'aurais plus qu'un vœu à former, ce serait qu'ils pussent s'élever dans la France, ma chère patrie, à la hauteur sublime du siècle de Léon X. Il est permis de le croire, puisque les grands génies naissent indépendamment des révolutions des empires, et que l'École française, devançant toutes les autres aujourd'hui, ne fait pas regarder comme impossibles d'aussi flatteuses espérances (1).

L.-J. JAY.

(1) Mon vœu ne saurait être exclusif; il s'étend à toutes les nations

qui cultivent les beaux-arts.

DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

QUELLES que soient les fictions plus ou moins aimables, ou ingénieuses, au moyen desquelles on a cherché à donner à la naissance des beaux-arts une origine précise, il n'en est pas moins vrai qu'elle se perd dans la nuit des temps, comme celle des autres connaissances humaines.

L'homme a un goût si naturel pour l'imitation, que tous les peuples sauvages et policés s'y sont adonnés. Les premiers, non contens de peindre ou de sculpter sur diverses matières, se peignent la figure et les différentes parties de leur corps, en y faisant des traits dont la forme et la couleur sont ineffaçables. Le mot tatouer sert aujourd'hui à exprimer ce singulier genre de talent, que beaucoup de nos ouvriers imitent imparfaitement sur leurs poitrines, sur leurs bras et ailleurs.

Laissant donc à part la question souvent agitée, de savoir quel est celui, du peuple égyptien, du peuple étrúsque ou des Pélages, qui a le plus anciennement cultivé les arts, disons que, malgré une certaine ressemblance qu'ont leurs idoles et leurs monumens, il est bien probable que les beaux-arts eurent chez les deux premiers une très-longue enfance : d'où l'on doit inférer que ni les uns ni les autres ne purent rien apprendre de leurs voisins, moins instruits et sans doute plus barbares qu'eux (1).

Quoi qu'il en soit, nous voyons que l'art étrusque parvint à une exacte imitation de la nature: on remarque beaucoup de feu et de vivacité dans le mouvement de ses figures, tandis que l'art égyptien n'est singulier que par son degré d'immobilité, et par un dessin plus défectueux que celui des Chinois.

Hâtons-nous de franchir cette multitude de siècles sur lesquels nous n'avons que des notions assez incertaines ;

(1) C'est après avoir vu plusieurs fois le beau musée étrusque de M. Oddi Baglioni, près de Pérouse, que nous avons acquis cette

Conviction.

et transportons-nous au temps où les artistes grecs, pour échapper aux satellites du farouche Omar, vinrent chercher asile et protection dans les villes de Pise et de Florence, qui leur prodiguèrent les soins de la plus touchante hospitalité : cette honorable préférence ne dut leur être accordée, sans excepter Rome elle-même, que par la réputation qu'avaient les Étrusques de cultiver les beauxarts de temps immémorial. Ainsi leur ère nouvelle et leur prospérité naquirent de la reconnaissance. C'est à ce noble sentiment que l'école de Florence doit sa principale gloire et cette suite ancienne, qui ne fut jamais interrompue, d'une foule d'artistes habiles, jusqu'à présent nés sur son territoire très-favorable au génie.

Bottari, amateur savant et zélé, entreprit vers le milieu du siècle dernier, la recherche des lettres autographes de tous les artistes italiens, pour en former un recueil, qu'il commença à publier à Rome en 1754. Il joignit à ces lettres celles qu'il put se procurer des artistes fameux des autres écoles, et des amateurs les plus distingués. Cette collection, précieuse sans doute, mais dans laquelle on a fait entrer une grande quantité de lettres d'artistes inférieurs, reçut par là une trop grande extension. Sept volumes in-4°. parurent successivement à Rome. Après les avoir lus attentivement, on est forcé de convenir qu'on a moins pensé au choix de ces lettres qu'à leur nombre. Cet ouvrage, n'ayant eu qu'une seule édition en italien est pour ainsi dire ignoré en France et ailleurs : il eût eu sans doute plusieurs éditions, s'il eût été moins volumineux.

Nous allons maintenant exposer les divers motifs qui nous ont engagé à entreprendre, non sa traduction entière, mais seulement ce qu'elle contenait de véritablement beau et d'utile :

1o. La persuasion où nous sommes qu'une seule édition, nécessairement rare, n'a pu suffire à faire connaître suffisamment ce Recueil autant qu'il eût mérité de l'être ;

2o. Le peu d'intelligence qu'on a de la langue italienne en France, quoiqu'elle y soit plus connue qu'autrefois; 3°. L'importance des principes des grands maîtres et

des documens que ces lettres contiennent, pour tous les arts dépendans du dessin;

4°. La conviction dans laquelle nous sommes que c'est rendre un grand service aux beaux-arts, que de publier une édition nouvelle de ces lettres, faite avec un choix dont nous avons déjà fait sentir la nécessité.

On eût désiré que les recherches de ces lettres, faites pendant plusieurs années par Bottari et ses collaborateurs avec autant de zèle que de constance, fussent parvenues à remonter au delà du quinzième siècle. Celles qu'avaient écrites les Cimabué, les Giotto, les Donatello, les Guiberti et autres, n'auraient été ni moins curieuses ni moins intéressantes à connaître. Mais le temps, disons mieux, l'incurie des hommes, ne nous a laissé aucun espoir de recouvrer les lettres des artistes des écoles de l'Italie, et des autres pays, avant cette époque.

Ce fut, en quelque manière, faire revivre le génie des grands maîtres, que de publier leurs lettres. Lorsqu'elles parurent, elles contribuèrent puissamment, avec d'autres bons écrits, à détruire les doctrines erronées qui s'étaient introduites dans les beaux-arts.

Une nouvelle publication de ces lettres pourra contribuer singulièrement à préserver les écoles de tomber dans de nouveaux écueils, puisqu'il est certain que, hors de la route qu'ont suivie les grands maîtres, tout est égarement.

Qu'on ne croie pas, cependant, les suivre ni les atteindre en se traînant péniblement sur leurs traces : cela ne conduirait qu'à former des copistes.

On pourrait dire à plus d'un peintre de nos jours : « Ce ne sont ni des figures ni des traits empruntés à Raphaël ou à tout autre, que nous voulons voir dans nos ouvrages; c'est avec votre propre physionomie, c'est avec votre propre caractère qu'il faut vous montrer; on préfère les incorrections de Rubens et la manière sauvage et bizarre du Castiglione à des peintres plus soignés, mais dont les pinceaux incertains, décolorés, laissent le connaisseur indécis sur le nom de leurs auteurs, et sur la place qu'ils doivent occuper dans une galerie, si toutefois on doit les y admettre. C'est, donc, de l'esprit des grands maîtres

qu'il faut essentiellement se pénétrer, sans chercher à les copier littéralement.

Sans doute il faut des lisières à l'enfance pour guider et soutenir ses pas débiles. Le Perugin conduisit ainsi ceux du jeune Raphaël ; mais l'élève à peine arrivé à son adolescence, impatient de suivre sa propre inspiration, quitte son maître, que déjà il avait égalé; il vole à Florence; et là, semblable à l'abeille, il compose son talent, non sur le seul Léonard de Vinci, sur André Verrocchio, sur le frère Bartholomée de Saint-Marc, sur Michel-Ange, mais sur tous les peintres habiles qui avaient paru en Toscane et ailleurs, avant le quinzième siècle; il n'y eut aucun d'eux qu'il n'étudiât, aucune statue antique ou moderne, aucun bas-relief, aucun reste d'architecture dont il n'enrichît son beau génie. Il se gardait bien de passer des journées entières à polir, à terminer ses dessins; il fesait des traits avec cette rare perfection qu'on lui connaît. Le judicieux Poussin suivit son exemple. Il nous serait facile de donner bien des preuves de ce que nous avançons; nous en acquîmes encore une nouvelle, étant à Sienne en 1814. Parmi quelques dessins rares dont nous enrichîmes notre collection, il en est un de Raphaël, dans lequel il a dessiné la fameuse statue en marbre du Saint-George du Donatello, placée à Florence, dans une niche de la façade méridionale de l'ancienne loge appelée d'or san Michele. Le saint est environné de trois soldats, dont l'un lui met la main sur l'épaule pour l'arrêter. Les figures, dessinées à nu et à la plume, ont 6 pouces de proportion, et sont du beau temps de ce maître. Rien de ce qu'a tracé la main du premier des peintres ne devant rester inconnu, notre intention est de faire graver cette composition.

que

La marche que suivit ce peintre divin, est celle tout artiste devrait prendre, au lieu de consumer ses plus belles années dans le même atelier, pour n'y voir et n'y copier que les mêmes modèles, peu faits souvent pour en

servir.

L'irrésolution de la jeunesse ne vient, en grande partie, que de son ignorance; mais si ses études ont été bien dirigées, ne craignez pas de l'abandonner à ses propres

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