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river et pour ce qu'ils n'ont jamais aperçu que le public ait recueilli aucun autre fruit de la philosophie de l'école sinon qu'elle a rendu quantité d'hommes pédans, ils ne sauraient pas s'imaginer qu'on en doive attendre de meilleurs de la vôtre, si ce n'est qu'on leur fasse considérer que celle-ci étant toute vraie, et l'autre étant toute fausse, leurs fruits doivent être entièrement différens. En effet, c'est un grand argument pour prouver qu'il n'y a point de vérité en la physique de l'école que de dire qu'elle est instituée pour enseigner toutes les inventions utiles à la vie; et que, néanmoins, bien qu'il en ait été trouvé plusieurs de temps en temps, ce n'a jamais été par le moyen de cette physique, mais seulement par hasard et par usage, ou bien, si quelque science y a contribué, ce n'a été que la mathématique, et elle est aussi la seule de toutes les sciences humaines en laquelle on ait ci-devant pu trouver quelques verités qui ne peuvent être mises en doute. Je sais bien que les philosophes la veulent recevoir pour une partie de leur physique; mais pour ce qu'ils ignorent presque tous qu'il n'est pas vrai qu'elle en soit une partie, mais au contraire que la vraie physique est une partie de la mathématique, cela ne peut rien faire pour eux. Mais la certitude qu'on a déjà reconnue dans la mathématique fait beaucoup pour vous, car c'est une science en laquelle il est constant que vous excellez; et vous avez tellement en cela surmonté l'envie, que ceux même qui sont jaloux de l'estime qu'on fait de vous pour les autres sciences ont coutume de dire que vous surpassez tous les autres en celle-ci, afin qu'en vous accordant une louange qu'ils savent ne vous pouvoir être disputée ils soient moins soupçonnés de calomnie lorsqu'ils tâchent de vous en ôter quelques autres : et on voit, en ce que vous avez publié de géométrie, que vous y déterminez tellement jusques où l'esprit humain peut aller, et quelles sont les solutions qu'on peut donner à chaque sorte de difficulté, qu'il semble que vous avez recueilli toute la moisson dont les autres qui ont écrit avant vous ont seulement pris quelques épis qui n'étaient pas encore mûrs, et tous ceux qui viendront après ne peuvent être que comme des glaneurs qui ramasseront ceux que vous leur avez voulu laisser; outre que vous avez montré, par la solution prompte et facile de toutes les questions que ceux qui vous ont voulu tenter ont proposées, que la méthode dont vous usez à cet effet est tellement infaillible que vous ne manquez jamais de trouver par son moyen, touchant les choses que vous examinez, tout ce que l'esprit humain peut trouver: de fa

çon que, pour faire qu'on ne puisse douter que vous soyez capable de mettre la physique en sa dernière perfection, il faut seulement que vous prouviez qu'elle n'est autre chose qu'une partie de la mathématique. Et vous l'avez déjà très clairement prouvé dans vos Principes, lorsqu'en y expliquant toutes les qualités sensibles, sans rien considérer que les grandeurs, les figures et les mouvemens, vous avez montré que ce monde visible, qui est tout l'objet de la physique, ne contient qu'une petite partie des corps infinis dont on peut imaginer que toutes les propriétés ou qualités ne consistent qu'en ces mêmes choses, au lieu que l'objet de la mathématique les contient tous. Le même peut aussi être prouvé par l'expérience de tous les siècles : câr encore qu'il y ait eu de tout temps plusieurs des meilleurs esprits qui se sont employés à la recherche de la physique, on ne saurait dire que jamais personne y ait trouvé quelque principe (c'est-à-dire soit parvenu à aucune vraie connaissance touchant la nature des choses corporelles) qui n'appartienne pas à la mathématique; au lieu que par ceux qui lui appartiennent on a déjà trouvé une infinité de choses très utiles, à savoir: presque tout ce qui est connu en l'astronomie, en la chirurgie, et en tous les arts mécaniques; dans lesquels s'il y a quelque chose de plus que ce qui appartient à cette science, il n'est pas tiré d'aucune autre, mais seulement de certaines observations dont on ne connaît point les vraies causes. Ce qu'on ne saurait considérer avec attention sans être contraint d'avouer que c'est par la mathématique seule qu'on peut parvenir à la connaisance de la vraie physique; et d'autant qu'on ne doute point que vous n'excelliez en celle-là, il n'y a rien qu'on ne doive attendre de vous en celle-ci. Toutefois il reste encore un peu de scrupule, en ce qu'on voit que tous ceux qui ont acquis quelque réputation par la mathématique ne sont pas pour cela capables de rien trouver en la physique, et même que quelques-uns d'eux comprennent moins les choses que vous en avez écrites que plusieurs qui n'ont jamais ci-devant appris aucune science. Mais on peut répondre à cela que bien que sans doute ce soient ceux qui ont l'esprit le plus propre à concevoir les vérités de la mathématique qui entendent le plus facilement votre physique, à cause que tous les raisonnemens de celle-ci sont tirés de l'autre, il n'arrive pas toujours que ces mêmes aient la réputation d'être les plus savans en mathématiques; à cause que, pour acquérir cette réputation, il est besoin d'étudier les livres de ceux qui ont déjà écrit de cette science, ce que la plupart ne font pas, et souvent

ceux qui les étudient tâchent d'obtenir par travail ce que la force de leur esprit ne leur peut donner, fatiguent trop leur imagination et même la blessent, et acquièrent avec cela plusieurs préjugés : ce qui les empêche bien plus de concevoir les vérités que vous écrivez que de passer pour grands mathématiciens; à cause qu'il y a si peu de personnes qui s'appliquent à cette science, que souvent il n'y a qu'eux en tout un pays: et, encore que quelquefois il y en ait d'autres, ils ne laissent pas de faire beaucoup de bruit, d'autant que le peu qu'ils savent leur a coûté beaucoup de peine. Au reste, il n'est pas malaisé de concevoir les vérités qu'un autre a trouvées ; il suffit à cela d'avoir l'esprit dégagé de toutes sortes de faux préjugés, et d'y vouloir appliquer assez son attention. Il n'est pas aussi fort difficile d'en rencontrer quelques-unes détachées des autres, ainsi qu'ont fait autrefois Thalès, Pythagore, Archimède, et en notre siècle Gilbert, Kepler, Galilée, Hervæus et quelques autres. Enfin on peut, sans beaucoup de peine, imaginer un corps de philosophie moins monstrueux, et appuyé sur des conjectures plus vraisemblables, que n'est celui qu'on tire des écrits d'Aristote; ce qui a été fait aussi par quelques-uns en ce siècle : mais d'en former un qui ne contienne que des vérités prouvées par démonstrations aussi claires et aussi certaines que celles des mathématiques, c'est chose si difficile et si rare, que, depuis plus de cinquante siècles que le monde a déjà duré, il ne s'est trouvé que vous seul qui ayez fait voir par vos écrits que vous en pouvez venir à bout. Mais comme lorsqu'un architecte a posé tous les fondemens et élevé les principales murailles de quelque grand bâtiment, on ne doute point qu'il ne puisse conduire son dessein jusques à la fin, à cause qu'on voit qu'il a déjà fait ce qui était le plus difficile, ainsi ceux qui ont lu avec attention le livre de vos Principes considèrent comment vous avez posé les fondemens de toute la philosophie naturelle, et combien sont grandes les suites des vérités que vous en avez déduites, et ne peuvent douter que la méthode dont vous usez ne soit suffisante pour faire que vous acheviez de trouver tout ce qui peut être trouvé en la physique : à cause que les choses que vous avez déjà expliquées, à savoir la nature de l'aimant, du feu, de l'air, de l'eau, de la terre, et de ce qui paraît dans les cieux, ne semblent point être moins difficiles que celles qui peuvent encore être désirées.

Toutefois il faut ici ajouter que tant expert qu'un architecte soit en son art, il est impossible qu'il achève le bâtiment qu'il a

commencé si les matériaux qui doivent y être employés lui manquent ; et en même façon : que tant parfaite que puisse être votre méthode, elle ne peut faire que vous poursuiviez en l'explication des causes naturelles si vous n'avez point les expériences qui sont requises pour déterminer leurs effets; ce qui est le dernier des trois points que je crois devoir être principalement expliqués, à cause que la plupart des hommes ne conçoivent pas combien ces expériences sont nécessaires, ni quelle dépense y est requise. Ceux qui sans sortir de leur cabinet, ni jeter les yeux ailleurs que sur leurs livres, entreprennent de discourir de la nature peuvent bien dire en quelle façon ils auraient voulu créer le monde si Dieu leur en avait donné la charge et le pouvoir, c'est-à-dire ils peuvent écrire des chimères qui ont autant de rapport avec la faiblesse de leur esprit que l'admirable beauté de cet univers avec la puissance infinie de son auteur; mais, à moins que d'avoir un esprit vraiment divin, ils ne peuvent ainsi former d'eux-mêmes une idée des choses qui soit semblable à celle que Dieu a eue pour les créer. Et quoique votre méthode promette tout ce qui peut être espéré de l'esprit humain touchant la recherche de la vérité des sciences, elle ne promet pas néanmoins d'enseigner à deviner, mais seulement à déduire de certaines choses données toutes les vérités qui peuvent être déduites; et ces choses données, en la physique, ne peuvent être que des expériences. Même à cause que ces expériences sont de deux sortes, les unes faciles, et qui ne dépendent que de la réflexion qu'on fait sur les choses qui se présentent au sens d'elles-mêmes; les autres plus rares et difficiles, auxquelles on ne parvient point sans quelque étude et quelque dépense, on peut remarquer que vous avez déjà mis dans vos écrits tout ce qui semble pouvoir être déduit des expériences faciles, et même aussi de celles des plus rares que vous avez pu apprendre des livres. Car outre que vous y avez expliqué la nature de toutes les qualités qui meuvent les sens, et de tous les corps qui sont les plus communs sur cette terre, comme du feu, de l'air, de l'eau, et de quelques autres, vous y avez aussi rendu raison de tout ce qui a été observé jusques à présent dans les cieux, de toutes les propriétés de l'aimant, et de plusieurs observations de la chimie. De façon qu'on n'a point de raison d'attendre rien davantage de vous, touchant la physique, jusques à ce que vous ayez davantage d'expériences, desquelles vous puissiez rechercher les causes. Et je ne m'étonne pas que vous n'entrepreniez point de faire ces expériences à vos dépens,

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car je sais que la recherche des moindres choses coûte beaucoup; et, sans mettre en cause les alchimistes, ni tous les autres chercheurs de secrets, qui ont coutume de se ruiner à ce métier, j'ai ouï dire que la seule pierre d'aimant a fait dépenser plus de cinquante mille écus à Gilbert, quoiqu'il fût homme de très bon esprit, comme il a montré, en ce qu'il a été le premier qui a découvert les principales propriétés de cette pierre. J'ai vu aussi l'Instaurio magna et le Novus Atlas 1 du chancelier Bacon, qui me semble être de tous ceux qui ont écrit avant vous celui qui a eu les meilleures pensées touchant la méthode qu'on doit tenir pour conduire la physique à sa perfection: mais tous les revenus de deux ou trois rois des plus puissans de la terre ne suffiraient pas pour mettre en exécution toutes les choses qu'il requiert à cet effet. Et bien que je ne pense point que vous ayez besoin de tant de sortes d'expériences qu'il en imagine, à cause que vous pouvez suppléer à plusieurs tant par votre adresse que par la connaissance des vérités que vous avez déjà trouvées, toutefois, considérant que le nombre des corps particuliers qui vous restent encore à examiner est presque infini; qu'il n'y en a aucun qui n'ait assez de diverses propriétés et dont on ne puisse faire assez grand nombre d'épreuves pour y employer tout le loisir et tout le travail de plusieurs hommes; que, suivant les règles de votre méthode, il est besoin que vous examiniez en même temps toutes les choses qui ont entre elles quelque affinité, afin de remarquer mieux leurs différences, et de faire des dénombremens qui vous assurent que vous pouvez ainsi utilement vous servir en un même temps de plus de diverses expériences que le travail d'un très grand nombre d'hommes adroits n'en saurait fournir, et, enfin, que vous ne sauriez avoir ces hommes adroits qu'à force d'argent, à cause que si quelques-uns s'y voulaient gratuitement employer, ils ne s'assujettiraient pas assez à suivre vos ordres, et ne feraient que vous donner occasion de perdre du temps: considérant, dis-je, toutes ces choses, je comprends aisément que vous ne pouvez achever dignement le dessein que vous avez commencé dans vos Principes, c'est-à-dire expliquer en particulier tous les minéraux, les plantes, les animaux et l'homme, en la même façon que vous y avez déjà expliqué tous les élémens de la terre, et tout ce qui s'observe dans les cieux, si ce n'est que le public fournisse les frais qui sont requis à cet effet, et que d'autant

4 (Sic.)

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