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«<rieure et qui est nécessairement propre à la cire afin « qu'elle soit ce qu'elle est.

<< On peut dire de même que les idées de l'âme sont de << deux sortes, en prenant le nom d'idée en général pour << tout ce que l'esprit aperçoit immédiatement. Les premières << nous représentent quelque chose hors de nous, comme « celle d'un carré, d'une maison, etc. Les secondes ne nous << représentent que ce qui se passe dans nous, comme nos «< sensations, la douleur, le plaisir, etc. Car on fera voir dans << la suite que ces dernières idées ne sont rien autre chose « qu'une manière d'être de l'esprit, et c'est pour cela que je « les appellerai des modifications de l'esprit. »

Les définitions des mots sont libres. Il est fâcheux néanmoins de donner à une espèce le nom du genre, et ne le point donner du tout à l'autre espèce; car cela peut empêcher qu'on ne considère cette autre espèce comme ayant part à la notion du genre. Et ainsi, pour éviter cet inconvénient, qu'il me soit permis aussi de faire mon dictionnaire et de dire que la perception d'un carré est une modification de mon âme, aussi bien que la perception d'une couleur; car la perception d'un carré est quelque chose à mon âme. Or, ce n'en est pas l'essence : c'en est donc une modification. De plus, selon cet auteur, la perception d'un carré est à mon âme ce que la figure est à l'étendue. Or, la figure est une modification de l'étendue : donc, recevoir l'idée d'un carré, c'est-à-dire apercevoir un carré, est une modification de mon âme. Cependant il faut encore remarquer ici qu'il prend le mot d'idée pour perception et non pour un certain être représentatif, dont il prétend ailleurs que nous avons besoin pour apercevoir les choses; car il demeure d'accord, dans le troisième livre, partie 1, chapitre 4er, qu'au regard des sensations, c'est-à-dire dans les perceptions des couleurs, de la lumière, etc., l'âme n'a pas besoin de ces étres représentatifs, et cependant il appelle ces perceptions des idées.

«< On pourrait appeler aussi les inclinations de l'àme, des

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« modifications de la même âme; car, puisqu'il est constant << que l'inclination de la volonté est

une manière d'ètre de

« l'âme, on pourrait l'appeler modification de l'âme. »

Cela me suffit. Quelque raison qu'il croie avoir de ne la pas appeler modification, ce m'est assez qu'elle en soit une, comme il l'avoue, pour la croire telle et l'appeler de ce nom.

Il dit ensuite que notre âme est entièrement passive au regard des perceptions, mais non au regard des inclinations; d'où j'aurais à tirer des conséquences très-importantes, mais je les réserve pour un autre lieu, parce qu'elles ne regardent que la cause des idées et non leur nature. Or, c'est de la nature des idées que je veux présentement vous entretenir. C'est pourquoi je me contente de vous faire remarquer que l'auteur de la Recherche de la Vérité, ayant souvent parlé de ces idées dans le premier chapitre de son livre, il a marqué en diverses manières que les idées des objets, et les perceptions des objets, étaient la même chose. Et ce qui est remarquable, afin qu'on ne croie pas que cela lui est échappé, 'c'est que, dans la deuxième partie du deuxième livre, il continue à prendre le mot d'idée dans la même notion, surtout dans le troisième chapitre. Car, ce qu'il appelle dans le titre de ce chapitre la liaison mutuelle des idées de l'esprit et des traces du cerveau, il l'appelle, dans le chapitre même, la correspondance naturelle et mutuelle des pensées de l'âme et des traces du cerveau. Il croyait donc alors qu'idées étaient la même chose que pensées. Et on n'a aussi qu'à lire ce chapitre pour être convaincu qu'il y prend partout, pour deux termes synonymes, les idées et les pensées. Cependant, il est clair que quand il parle à fond de la nature des idées, dans la deuxième partie du troisième livre, et dans les Éclaircissements, ce ne sont plus les pensées de l'âme et les perceptions des objets qu'il appelle idées, mais de certains étres représentatifs des objets, différents de ces perceptions, qu'il dit exister véritablement et être nécessaires pour apercevoir tous les objets matériels.

Je veux bien ne me pas arrêter à la contradiction qui paraît en cela; car il pourrait n'y en avoir pas, mais seulement un manquement d'exactitude, en ce qu'il aurait pris un même mot en deux différentes manières, sans nous en avoir suffisamment avertis. Mais je soutiens deux choses:

La première, que les idées prises en ce dernier sens sont de vraies chimères, qui, n'ayant été inventées que pour nous mieux faire comprendre comment notre âme, qui est immatérielle, peut connaître les choses matérielles que Dieu a créées, nous le fait si peu entendre, que le fruit de ces spéculations est de nous vouloir persuader, après un long circuit, que Dieu n'a donné aucun moyen à nos âmes d'apercevoir les corps réels et véritables qu'il a créés, mais seulement des corps intelligibles qui sont hors d'elles et qui ressemblent aux corps réels.

La deuxième est que cet auteur, qui est l'homme du monde qui parle avec le plus de force contre ceux qui quittent les notions claires, qu'ils trouvent en eux-mêmes, pour suivre des notions confuses qui leur sont restées des préjugés de leur enfance, n'est tombé lui-même dans les pensées extraordinaires que j'entreprends de réfuter, que pour ne s'être pu défaire entièrement de ces préjugés, et en avoir retenu un faux principe, qui lui est commun avec presque tous les philosophes de l'école, mais qui l'a mené dans des sentiments plus étranges que les autres, parce qu'il l'a poussé plus loin qu'eux; comme de plusieurs qui se sont détournés du vrai chemin, il n'y en a point qui s'égare davantage que celui qui court avec plus de force.

C'est par ce dernier, Monsieur, que je commencerai; car on reconnaîtra plus facilement la fausseté des paradoxes qu'il a avancés sur cette matière, quand on en aura découvert la cause. Pardonnez-moi, Monsieur, si je me sers de termes si forts. Ce n'est, ce me semble, que l'amour de la vérité et le désir de la faire mieux entendre qui m'y oblige, sans que je cesse pour cela d'avoir toujours beaucoup d'es

time pour la personne que je réfute. Je trouve seulement en ceci un grand exemple de l'infirmité humaine, qui fait que des esprits, fort éclairés d'ailleurs et fort pénétrants, peuvent tomber en de fort grandes erreurs en philosophant sur ces matières abstraites, sitôt qu'ils se sont laissés aller par mégarde à suivre comme vrai un principe commun qu'ils n'ont pas pris assez de soin d'examiner, qui se trouve n'être pas vrai; car la fausseté est féconde aussi bien que la vérité : un faux principe qu'on aura admis pour vrai, faute d'y avoir pris garde d'assez près, n'étant pas moins capable de nous engager en des opinions très-absurdes qu'un seul principe véritable et important est capable de nous découvrir beaucoup d'autres vérités.

CHAPITRE IV.

Que ce que l'auteur de la Recherche de la Vérité dit de la nature des idées, dans son troisième livre, n'est fondé que sur des imaginations qui nous sont restées des préjugés de l'enfance.

Comme tous les hommes ont été d'abord enfants, et qu'alors ils n'étaient presque occupés que de leur corps et de ce qui frappait leurs sens, ils ont été longtemps sans connaître d'autre vue que la vue corporelle, qu'ils attribuaient à leurs yeux; et ils n'ont pu s'empêcher de remarquer deux choses dans cette vue: l'une, qu'il fallait que l'objet fût devant nos yeux afin que nous le pussions voir, ce qu'ils ont appelé présence; et c'est ce qui leur a fait regarder cette présence de l'objet comme une condition nécessaire pour voir; l'autre, qu'on voyait aussi quelquefois les choses visibles dans les miroirs ou dans l'eau, ou d'autres choses qui nous le représentaient; et alors ils ont cru, quoique par erreur, que ce n'était pas les corps mêmes que l'on voyait, mais leurs images. Voilà la seule idée qu'ils ont eue longtemps de ce qu'ils ont ap

pelé voir, d'où il est arrivé qu'ils se sont accoutumés, par une longue habitude, à joindre à l'idée de ce mot l'une ou l'autre de ces deux circonstances: de la présence de l'objet dans la vue directe, ou de voir seulement l'objet par son image, dans la vue réfléchie par des miroirs. Or, on sait assez la peine qu'on a de séparer les idées qui ont accoutumé de se trouver ensemble dans notre esprit, et que c'est une des causes les plus ordinaires de nos erreurs.

Mais les hommes, avec le temps, se sont aperçus qu'ils connaissaient diverses choses qu'ils ne pouvaient voir par leurs yeux, ou parce qu'elles étaient trop petites, ou parce qu'elles n'étaient pas visibles comme l'air, ou parce qu'elles étaient trop éloignées, comme les villes des pays étrangers où nous n'avons jamais été. C'est ce qui les a obligés de croire qu'il y avait des choses que nous voyions par l'esprit, et non par les yeux. Ils eussent mieux fait s'ils eussent conclu qu'ils ne voyaient rien par les yeux, mais tout par l'esprit, quoiqu'en différentes manières; mais il leur a fallu bien du temps pour en venir jusque-là. Quoi qu'il en soit, s'étant imaginé que la vue de l'esprit était à peu près semblable à celle qu'ils avaient attribuée aux yeux, ils n'ont pas manqué, comme c'est l'ordinaire, de transférer ce mot à l'esprit, avec les mêmes conditions qu'ils s'étaient imaginé qui l'accompagnaient quand ils l'appliquaient aux yeux.

La première était la présence de l'objet; car ils n'ont point douté, et ils ont pris pour un principe certain, aussi bien au regard de l'esprit que des yeux, qu'il fallait qu'un objet fût présent pour être vu. Mais quand les philosophes, c'est-à-dire ceux qui croyaient connaître mieux la nature que le vulgaire, et qui n'avaient pas laissé de se laisser prévenir par ce principe sans l'avoir jamais bien examiné, ont voulu s'en servir pour expliquer la vue de l'esprit, ils se sont trouvés bien empêchés; car quelques-uns avaient reconnu que l'âme était immatérielle, et les autres, qui la croyaient corporelle, la regardaient comme une matière subtile en

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