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que c'est un pur sophisme. Et voici l'argument par lequel il prétend le renverser:

« Cet auteur, dit-il, prétend que notre àme se connaît ellemême, sans se voir en Dieu, et sans rien voir qui soit en Dieu en se connaissant. Or cela ne donne pas lieu de dire que notre âme soit pour elle-même, et non pas pour Dieu. Encore donc que notre esprit eût le soleil pour objet immédiat de sa connaissance, on ne pourrait pas dire pour cela, que notre esprit fût pour le soleil, et non pas pour Dieu. » RÉPONSE. Je nie sa majeure. J'ai dit tant de fois, que l'âme ne se connaissait point elle-même, et qu'elle n'avait que sentiment intérieur de son existence et de ses modalités actuelles, que je ne comprends pas, comment M. Arnauld suppose que je crois qu'elle se connaît. Car enfin, il combat fort au long dans les chapitres 22, 23 et 24, le sentiment que j'ai, qu'elle ne se connaît pas. J'ai dit plusieurs fois, que l'âme n'était que ténèbres à elle-même, que sa substance était inintelligible, et qu'elle ne verrait jamais ce qu'elle est, jusqu'à ce qu'elle pût contempler son idée, ou l'archetype sur lequel Dieu l'a formée, et hors duquel rien n'est intelligible; car toute la capacité que nous avons de connaître n'est faite que pour voir la lumière, hors de laquelle on ne voit ou on ne connaît aucune chose, parce que Dieu n'agit que pour lui, et ne fait les esprits que pour la raison qui lui est consubstantielle.

CHAPITRE XX.

Réponse aux dix-huitième, dix-neuvième et vingtième chapitres.

I. Ecoutons M. Arnauld. «Je me persuade que l'on verra maintenant, que j'ai eu raison de ne me pas amuser à répondre aux preuves, dont cet auteur si ingénieux et si subtil a cru avoir bien appuyé le sentiment qu'il a « que nous voyons toutes choses en Dieu. » Cela aurait été néces

́saire', si on n'avait eu à lui opposer que des raisons vraisemblables; car on ne peut juger alors, qui sont celles qui le sont le plus, qu'en les comparant les unes aux autres. Mais cette comparaison est inutile, quand on peut faire voir démonstrativement la fausseté d'une opinion que l'on combat. Et je ne crois point me tromper, quand j'ose espérer que toutes les personnes trouveront que je l'ai fait ici. »>

RÉPONSE. - Et moi, Monsieur, je ne crois point me tromper, quand j'ose espérer que toutes les personnes qui entendront mon sentiment et sa réponse, jugeront que, bien loin que M. Arnauld en ait fait voir démonstrativement la fausseté, il n'y a pas seulement donné la moindre atteinte, faute de le bien concevoir et d'écouter trop son chagrin qui l'en empêchait.

II. M. Arnauld prétend dans ce chapitre et dans les deux qui suivent, ôter trois « préjugés, qui pourraient, dit-il, empêcher qu'on ne se rende si facilement à ce qu'il dit contre la nouvelle philosophie des idées. »

Le premier préjugé, c'est la réputation de l'auteur de la Recherche de la Vérité. Voilà, Monsieur, un grand préjugé ! Plût à Dieu que la réputation de M. Arnauld ne fit point plus de tort à la vérité que la mienne! Quand on croit ce que dit M. Arnauld sur sa parole, ce n'est pas là préjugé. Mais quand on est ébranlé par mes raisons, auxquelles M. Arnauld dit cavalièrement, « qu'il a eu raison de ne pas s'amuser à répondre, » c'est préjugé, qu'on y prenne garde. « Car j'ai acquis, dit-il, une si grande réputation dans le monde, et avec raison (car il y a dans mon livre un grand nombre de très-belles choses), qu'il y aura bien des gens qui auront peine à croire, qu'un si grand esprit et si pénétrant, puisse être repris avec justice d'avoir avancé tant de choses si peu raisonnables. >>

RÉPONSE.III. En vérité, Monsieur, la plus fausse pensée de M. Arnauld, c'est que l'auteur de la Recherche de la Vérité ait l'esprit si grand et si pénétrant. Je doute même que

naissances, et se familiariser avec eux, que de reconnaître leur grandeur, soutenir leur dignité, vivre en société avec le Dieu invisible. Bassesse d'esprit, fausse humilité, crainte servile qui affaiblit ou qui éteint la noble ardeur de la charité des enfants de Dieu.

VI. Je crois, Monsieur, que vous voyez bien que c'est prendre une précaution fort inutile, que d'avertir le monde qu'il prenne garde au préjugé avantageux à mon sentiment : car cela m'a obligé à faire attention aux préjugés qui lui sont désavantageux. Et j'espère maintenant, que la réputation de M. Arnauld et la disposition où l'on est naturellement à l'égard de ce sentiment, qu'on voit en Dieu toutes choses, sont deux préjugés qui feront moins de tort à la vérité, qu'ils n'eussent fait, si M. Arnauld n'avait point voulu précautionner son lecteur aussi mal à propos qu'il a fait.

VII. Mais dans son vingtième chapitre, il parle encore d'une troisième chose, qu'il lui plaît aussi d'appeler préjugé, et qui lui paraît capable de favoriser ma mystérieuse pensée, ou ma nouvelle philosophie des idées. Voilà comme il l'explique dans le titre du chapitre du troisième préjugé : « Qu'en n'admettant point cette philosophie des idées, on est réduit à dire que notre âme pense, parce que c'est sa nature, et que Dieu en la créant lui a donné la faculté de penser. »

Je dis, Monsieur, qu'on voit en Dieu toutes choses; M. Arnauld que l'âme connaît la vérité, parce que c'est sa nature de penser lequel des deux sentiments est conforme aux préjugés? Il est clair que les préjugés ne favorisent pas les sentiments extraordinaires. Or, selon M. Arnauld, page 204, mon sentiment est extraordinaire; il l'appelle ailleurs un étrange paradoxe et ce sentiment, que l'âme pense, parce que c'est sa nature, est celui de tous ceux qui n'ont jamais examiné le fond de la question : c'est un sentiment fort commun. Pourquoi donc appréhende-t-il qu'on ne rejette par préjugé son opinion, et qu'on ne donne dans la mienne? Est-ce là appeler les choses par leur nom? Aurais-je raison,

disputant contre un cartésien, de dire qu'il faut prendre garde d'entrer par préjugé dans l'opinion de ceux qui disent que les bêtes ne sentent point? Mais c'est que pour soutenir une méchante cause, il faut faire tout valoir. Il faut du moins prendre l'air et les manières d'un homme qui suit exactement la lumière de la raison, et qui n'appréhende rien tant que les préjugés. Néanmoins, j'espère qu'on verra bien que les trois prétendus préjugés, qui sont les seuls que M. Arnauld fait semblant de craindre, ne lui peuvent faire de mal; et que d'autres préjugés eussent fait beaucoup de tort à la vérité, s'il ne m'avait obligé d'y faire penser les lecteurs.

CHAPITRE XXI.

Réfutation de quelques réponses que fait M. Arnauld aux preuves de mon sentiment.

I. M. Arnaud, dans les chap. 19 et 20, prétend prouver que j'ai tort d'avoir joint ensemble ces deux propositions : « que c'est Dieu qui nous éclaire, et que nous ne sommes point à nous-mêmes notre lumière. » Il soutient que Dieu est véritablement notre lumière, quoique nos modalités soient, selon son opinion, essentiellement représentatives; « parce que, selon le sentiment de l'auteur de la Recherche de la Vérité (car il semble qu'il craigne même en cela d'ôter à l'âme sa prétendue faculté de penser, et de rendre à Dieu seul tout l'honneur qui est dù à sa puissance, comme il ne rend pas tout celui qui est dû à sa sagesse, raison universelle des intelligences), il n'y a que Dieu, dit-il, qui soit la cause véritable des modifications de l'âme. » Ainsi, quoiqu'elle ne voie les choses que dans ses propres modalités, elle n'est point à elle-même sa lumière, puisqu'elle ne peut

rien connaître que Dieu n'agisse en elle.

RÉPONSE. - II. Je réponds qu'en ce sens l'homme n'est point à lui-même la cause de sa lumière; mais je soutiens que même en ce sens il ne laisse pas de s'éclairer véritable

ment, ou d'être à lui-même réellement et formellement sa lumière; car ce qui nous éclaire formellement, c'est ce qui nous représente formellement la vérité; c'est ce qui nous représente les objets intelligibles dans lesquels nous découvrons la vérité, ou, ce qui est la même chose, entre lesquels nous découvrons les rapports; car la vérité ne consiste que dans les rapports que les choses ont entre elles, puisque deux et deux sont quatre, ou deux et deux ne sont pas cinq, ne sont des vérités que parce qu'il y a un rapport d'égalité entre deux et deux et quatre, et un d'inégalité entre deux et deux et cinq. Or, selon le sentiment de M. Arnauld, « les modalités sont essentiellement représentatives, » non-seulement des créatures, mais même du Créateur, du fini et de l'infini, des nombres, de l'étendue, de l'âme même, et généralement de tout ce que l'esprit connaît. Donc, selon le sentiment de M. Arnauld, l'esprit est à lui-même sa lumière; ce que saint Augustin lui défend de dire par ces paroles: Dic quia tu tibi lumen non es, etc.

III. Il est visible que celui qui allume un flambeau n'est pas la lumière corporelle du flambeau, quoique le flambeau n'ait sa lumière que par celui qui l'allume: c'est le flambeau qui éclaire, c'est le flambeau qui représente les objets et qui les rend visibles par sa propre lumière. Si donc les modalités de l'âme sont essentiellement représentatives; si l'âme voit, en se considérant, les objets qui l'environnent, et généralement toutes choses, quoiqu'elle ne soit pas la cause de sa lumière, ce que je n'attribue pas à ceux qui ne sont point de mon sentiment : « elle est à elle-même réellement et formellement sa lumière, elle s'éclaire elle-même; » elle voit la vérité, non dans une raison universelle et commune à tous les hommes, comme le dit saint Augustin, mais dans sa propre substance.

IV. J'ai dit dans la Recherche de la Vérité', que mon sen

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Chap. 6 de la deuxième partie du troisième livre.

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