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termes clairs qu'il n'avait pas prétendu précisément qu'il y eút en Dieu certaines idées particulières qui représentassent chaque corps en particulier. N'est-ce pas là la proposition, en propres termes, qu'il trouve si mauvais que j'aie pris la peine de réfuter par saint Augustin et par saint Thomas? N'est-ce pas là la contradictoire de la proposition de saint Augustin Que chacun des ouvrages de Dieu ayant été créé par son idée particulière, il y a, dans l'entendement du Créateur, des idées particulières qui représentent chacun de ses ouvrages en particulier? Mais ce n'est pas (dit-il maintenant) ce que j'ai voulu dire. Je ne réponds pas de ce qu'il a voulu dire je ne suis pas dans son cœur pour le deviner; mais c'est manifestement ce qu'il a dit.

L'autre passage n'est pas moins clair: « Il ne faut pas, dit-il, s'imaginer que le monde intelligible ait un tel rapport avec le monde matériel et sensible, qu'il y ait, par exemple, un soleil, un cheval, un arbre intelligible, destiné à nous représenter un soleil, un cheval, un arbre. » Il a un peu tronqué la réflexion que je fais sur cela. La voilà tout entière :

<< Et moi je dis qu'en ôtant le mot de nous (car les idées de Dieu ne sont pas pour nous rien représenter, au moins tant que nous sommes en cette vie; mais c'est à Dieu même, selon notre manière de concevoir, qu'elles représentent les ouvrages); ôtant donc ce mot de nous, je soutiens que ce n'est pas une imagination, mais une certitude, que le monde intelligible a un tel rapport avec le monde matériel et sensible, qu'il y a, par exemple, un soleil, un cheval, un arbre intelligible qui représentent un soleil, un cheval, un arbre. Et il est impossible que cela ne soit pas ainsi : car le monde intelligible n'est autre chose que le monde matériel et sensible, en tant qu'il est connu de Dieu et qu'il est représenté dans ses divines idées. Et par conséquent, il est impossible qu'il n'y ait pas un parfait rapport de l'un à l'autre, et que tout ce qui est matériellement dans le monde matériel, ne soit pas intelligiblement dans le monde intelligible. »>

Rien n'est plus surprenant que ce qu'il répond à cela. Il rapporte son passage: Il ne faut pas s'imaginer, etc., tel que je l'ai rapporté; et sans se mettre en peine de faire voir qu'il n'est pas contraire à la vérité, à laquelle j'ai fait voir qu'il était contraire, il se contente de dire ce qui suit :

M. Arnauld a tort de me reprendre par ces paroles : « Et moi je dis, qu'en étant ce mot de NOUS, ce n'est pas une ima→ gination, mais une certitude, que le monde intelligible a un tel rapport avec le monde matériel el sensible, qu'il y a un soleil, etc. Et il est impossible que cela ne soit pas. Mais il a encore plus de tort d'avoir employé huit pages de discours, et les autorités de saint Augustin et de saint Thomas pour le prouver; car qui doute de cette vérité? Certainement je n'en ai jamais douté; mais ce que dit M. Arnauld fera croire que j'en doute, et peut-être que cela lui suffit. Plût à Dieu que je me trompe dans la pensée que sa critique fait naître dans mon esprit! >>

L'auteur de la Réponse est louable de ne pas contester une chose aussi certaine qu'est la vérité que j'ai prouvée par saint Augustin et saint Thomas. Mais il n'en fallait pas demeurer là il devait montrer que deux propositions qui ne sont différentes qu'en ce qu'il y a dans l'une: il ne faut pas s'imaginer qu'une telle chose soit; et dans l'autre : ce n'est pas une imagination, mais une certitude qu'une telle chose est, ne sont pas contradictoires; et comme cela n'était pas possible, d'où vient qu'il a laissé perdre une si belle occasion de pratiquer «< cette vertu héroïque et chrétienne qui fait qu'on ne se contente pas de dire en général qu'on est homme sujet à l'erreur; mais qu'on est bien aise de reconnaître ses erreurs, et se couvrir de confusion devant des hommes qu'on rencontre à tous moments, afin de plaire à la vérité qui nous pénètre, mais qui ne se présente pas devant nous. »

Il ne semble pas néanmoins qu'il eût eu besoin d'une vertu si héroïque pour dire ingénument : J'avoue que je me suis trompé dans la Recherche de la Vérité, et que ce que

j'ai dit du rapport entre le monde intelligible et matériel, n'est pas véritable. Mais quoi! on ne sait que trop qu'il est plus aisé de prêcher les autres que de faire ce que l'on prèche.

CINQUIÈME EXEMPLE.

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Raisonnement par lequel il met en Dieu une étendue qu'il appelle intelligible, dans laquelle on peut distinguer différentes parties.

Ce raisonnement est « que Dieu renferme en lui-même une étendue intelligible infinie; car Dieu connaît l'étendue parce qu'il l'a faite, et il ne la peut connaitre qu'en lui-même 1. »

On voit qu'il conclut de ce que Dieu connaît l'étendue, qu'il y a en Dieu une étendue intelligible infinie; et il dit, dans cette réponse, plus clairement encore qu'il n'avait fait dans la Recherche de la Vérité, que cette étendue, en laquelle on peut distinguer différentes parties, les unes plus grandes et les autres plus petites, est Dieu même.

J'ai parlé de ce raisonnement en deux endroits. Voilà ce que j'en ai dit dans le chap. 43 : « Saint Thomas reconnaît que Dieu voit, par une seule et unique vue, toutes les choses, et selon ce qu'elles sont en son entendement divin, et selon ce qu'elles sont en elles-mêmes. Et il paraît qu'il regarde la première sorte de perception comme une preuve de la seconde. D'où il s'ensuit que les choses sont objectivement en Dieu, telles qu'elles sont en elles-mêmes; et que, par conséquent, une chose peut être objectivement en Dieu, c'est-àdire être connue de Dieu, sans qu'elle y soit formellement; car un crapaud, une chenille, une araignée, sont objectivement en Dieu puisqu'il les connaît, quoique l'on ne puisse dire qu'il y ait en Dieu formellement des crapauds, des chenilles, des araignées. Et néanmoins, nous allons voir que c'est pour n'avoir pas bien discerné ces choses, que l'auteur de la Recherche de la Vérité augmente encore très-souvent,

Recherche de la Vérité.

a dicto secundum quid ad dictum simpliciter, en raisonnant presque toujours de cette manière Dieu connaît une telle chose; or, Dieu ne connaît rien que dans lui-même. Donc, une telle chose est en Dieu. Car être en Dieu se peut entendre dans cette conclusion ou objectivement, ou formellement; si on l'entend formellement, c'est le sophisme que je viens de marquer, a dicto secundum quid ad dictum simpliciter. Car il ne s'ensuit pas qu'une pierre soit formellement dans mon esprit, parce que je la connais; mais il s'ensuit seulement qu'elle y est objectivement. Et si ce n'est que cela que l'on entend quand on conclut : Donc une telle chose est en Dieu; c'est-à-dire qu'elle y est objectivement, c'est badiner que de raisonner de la sorte; car c'est ne conclure que ce qui est déjà dans la majeure, n'y ayant point de différence entre dire que Dieu connaît une telle chose, et qu'une telle chose est objectivement en Dieu. » Il aurait semblé que cela méritait bien quelque réponse : mais on n'est pas obligé à l'impossible.

J'en ai parlé encore dans le chapitre suivant, en ces termes : « Tout ce discours roule sur cette hypothèse': que Dieu renferme en lui-même une étendue intelligible infinie; et toute la preuve qu'il en apporte est que Dieu connaît l'étendue puisqu'il l'a faite; et qu'il ne la peut connaître qu'en lui-même. Il n'y a rien qu'on ne mette en Dieu par un semblable raisonnement, puisque j'aurai autant de sujet de dire: Dieu renferme en lui-même des millions de moucherons et de puces intelligibles; car il les connaît puisqu'il les a faits. Et il ne les peut connaître qu'en lui-même.

Mais tous ces arguments sont de purs sophismes; car, de cette majeure Dieu connaît tout en lui-même, on n'en peut rien conclure qu'en cette manière :

Or, Dieu connaît l'étendue, les puces, les crapauds et toutes les autres créatures. Donc il connaît toutes ces choses

Idées.

en lui-même; mais c'est un manifeste paralogisme que d'en conclure absolument, donc toutes ces choses sont en Dieu, étendue, moucherons, puces, crapauds, et il les renferme en lui-même ?

On ne répond rien à cela en répondant à ce quatorzième chapitre, parce qu'il aurait fallu montrer que cet argument n'est pas vicieux, ce qui n'était pas possible. Mais laissant là le vice du raisonnement qui ne se pouvait excuser, il a tâché, dès le chap. 6, de répondre à cette proposition: Que c'est un manifeste paralogisme que de conclure de ce que Dieu voit en lui-même toutes choses, qu'il y a en Dieu de l'étendue, des moucherons, des puces, des crapauds. Mais la manière dont il y répond n'est qu'une brouillerie continuelle; et pour en convaincre tout le monde, il ne faut que rapporter tout ce qu'il dit avec quelques réflexions.

L'AUTEUR.
RÉPONSE.

Qui le conclut?

L'auteur de la Recherche de la Vérité; car il ne peut conclure qu'il y a en Dieu de l'étendue, parce qu'il connait l'étendue, qu'il ne soit obligé de conclure aussi qu'il y a en Dieu des moucherons, des puces, des crapauds, parce qu'il connaît des moucherons, des puces, des crapauds.

L'AUTEUR. — Il y a en Dieu de l'étendue intelligible: celle que je vois quand j'y pense; car certainement Dieu voit l'étendue, puisqu'il en a fait. Il voit bien à quoi je pense.

RÉPONSE.Il y a en Dieu des crapauds intelligibles : ceux que je vois quand j'y pense; car certainement Dieu voit les crapauds, puisqu'il les a faits. Il voit bien à quoi je pense, quand je pense à des crapauds.

L'AUTEUR. Mais il n'y a pas en Dieu des moucherons, des puces, des crapauds, au sens ridicule de M. Arnauld. RÉPONSE. Je n'ai point dit en quel sens il y a en Dieu de l'étendue et des crapauds. J'ai dit seulement.que s'il y a de l'étendue en Dieu, parce qu'il connaît l'étendue, il y a aussi des crapauds en Dieu, parce qu'il connaît les crapauds; et je soutiens que, dans tous les sens selon lesquels on pourra

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