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quelques lignes après il fait bon marché de cette substantialité 1 : « Que si on dit qu'une idée n'est pas une substance, je le veux, mais c'est toujours une chose spirituelle.» La contradiction est encore plus marquée pour l'étendue intelligible; il dit dans ses Méditations : « Quand tu penses à des espaces immenses, tu ne vois pas seulement des modifications infinies, tu vois une substance infinie: tu ne la vois donc pas en toi. » Ce qui ne l'em-pêche pas de déclarer dans une lettre à Arnauld que l'étendue intelligible n'est pas une substance, et de s'écrier « Je crois que l'étendue intelligible n'est ni une substance ni une modification de substance, nonobstant l'axiome des philosophes. » Et Arnauld ne manquait pas de répondre 2: Nonobstant l'axiome de Malebranche lui-même, qui s'exprime ainsi au chapitre 8 du livre III de la Recherche de la Vérité: « Il est absolument nécessaire que tout ce qu'il y a au monde soit un être ou la manière d'un être. Un esprit attentif ne peut le nier. Or, l'étendue n'est pas la manière d'un être. Donc c'est un être. »

Mais quelle que soit l'opinion que l'on adopte sur la nature des idées de Dieu, il est certain que Dieu connaît toutes choses, et les lois de toutes choses; non pas seulement les lois qui résultent de sa volonté, et que fonde l'acte libre par lequel il crée, mais les lois éternelles et essentielles qui sont de sa propre nature, et qui dérivent de sa propre essence. Ce sont là les idées par excellence, pleinement possédées par Dieu dans l'identité absolue de son acte intelligent et de sa nature intelligible, supérieures à la nature créée de toute la supériorité de l'absolu

Page 245 de la Recherche de la Vérité. * VIII Lettre au P. Malebranche.

sur le relatif, et qui, entrevues par notre pensée dans la mesure où il lui est donné de comprendre Dieu, fondent et constituent cette lumière souveraine qui sert de lien aux intelligences créées entre elles et avec Dieu, et qu'on appelle la raison humaine. Il est donc vrai qu'il y a des idées très-réelles, quoique toutes les idées ne le soient pas au même titre, et que ces réalités ne soient pas des substances.

III.

THÉORIE DE LA VISION EN DIEU.

4. Les idées sont les conceptions mêmes de Dieu, et c'est en Dieu que nous les voyons.

La théorie de la Vision en Dieu, qui semble une chimère, et qui l'est en effet, quand on la prend dans toute la rigueur du système de Malebranche, est néanmoins fondée sur la nature véritable de la raison humaine. Appliquée aux idées de la raison pure, elle est absolument vraie, et elle est vraie encore appliquée à toutes les autres idées, pourvu qu'on l'interprète.

1. Qu'est-ce qu'un principe considéré en lui-même, et non pas dans son rapport avec ses conséquences? Pour peu que l'on y songe, un principe ne peut pas subsister seul, ni par le seul fait de l'existence de ses effets. Notre esprit remonte des effets à la cause et des applications au principe; mais les applications et les effets révèlent et ne contiennent pas la cause et le principe. Une loi générale, qui n'est que la somme des faits particuliers, n'est rien dans le fond; elle est un rapport qui n'existe qu'après ses termes, et ne leur survit pas; mais une loi générale n'est

pas un principe. S'il n'y avait pas eu de corps graves et de gravitation, la loi de la gravitation ne serait rien; mais quand même il n'y aurait aucune force, et aucune action, le principe de causalité serait, Qu'est-il donc en soi? un être? Évidemment l'esprit ne peut pas le concevoir sous la notion d'un être. Il ne le fait pas non plus consister dans les êtres qui le subissent. Il ne peut le concevoir que dans un autre être à la nature duquel il appartienne; et comme le principe est absolu, cet être doit posséder l'intelligence de ce principe. On dit quelquefois : quand l'univers serait anéanti, il n'en faudrait pas moins une cause pour que quelque chose commençât d'être; et cela est vrai de toute vérité; mais on dit aussi, quand par impossible il n'y aurait ni Dieu ni monde, il serait vrai que quelque cause serait nécessaire pour que quelque chose fût produite; *parler ainsi, c'est prononcer des mots qui n'ont point de pensée ; ces mots ne forment point un jugement ce sont des mots assemblés au hasard, qui n'expriment rien. Le néant une fois admis par hypothèse, non-seulement tout être est anéanti, mais toute possibilité de l'être, et par conséquent, toute condition de l'être. Celui qui suppose une fois qu'il n'y a pas de Dieu, ne doit rien supposer au delà, car il ne lui reste rien à nier, ni dans l'ordre de la logique, ni dans l'ordre de la métaphysique. Des propositions analogues, et que certaines écoles ont coutume de faire, ne sont que des malentendus ou des équivoques, telles que celles-ci : le temps et l'espace existeraient quand même il n'y aurait pas de monde, car si un monde était produit, il ne pourrait l'être qu'à un moment donné, et dans un lieu; ou bien encore : il y aurait quelque infini, quand même Dieu n'existerait pas ;

car alors même, on ne pourrait concevoir que l'espace ou le temps ont des limites. La première de ces propositions signifie seulement, que si le monde n'était pas, il serait possible; et la seconde, que le monde ne peut jamais être conçu comme infini. Cette seconde proposition qui semble contenir la négation de Dieu, ne nie de Dieu que le nom, et en affirme l'essence; car la raison qui fait qu'on ne peut assigner de limite au temps et à l'espace, c'est qu'on ne peut jamais les concevoir comme achevés, comme accomplis, comme possédant l'être dans sa plénitude; et ce qui fait qu'aucune chose créée comparée à la notion de l'être ne l'épuise, c'est que la notion de l'être qui nous est toujours présente, est la notion de l'être absolu. Rien n'est vrai, ni réel, ni nécessaire, ni possible en vertu du néant; et le néant donné, envahit tout.

De ce que le principe de causalité ne peut périr, quoique le monde et notre intelligence et nous-mêmes puissions être anéantis; de ce qu'il ne peut subsister seul et réside nécessairement dans un être et dans une intelligence absolus, il suit qu'il n'existe ni dans les choses, ni dans notre intelligence, ni séparément, et que, par conséquent, il est uni à la substance, à la pensée et à la volonté de Dieu. Dieu est l'équation absolue de l'être, du connaître et de l'agir; et demander si un principe appartient à la volonté ou à la nature de Dieu, c'est supposer un Dieu fini et divisible, dans lequel la volonté est distincte de l'intelligence et l'intelligence de l'essence. Nous parlons ainsi en balbutiant, quand nous transportons en Dieu les divisions qui sont en nous; mais pour lui qui est tout ce qu'il est sans limites, il ne souffre aucune multiplicité dans son essence. Les principes de la raison sont sa nature même;

ils sont l'objet de sa pensée, et tout ensemble la loi et la conséquence de son acte. Dieu est l'intelligence et l'intelligible, la raison et la liberté. Être raisonnable, ce n'est pas posséder en soi les idées éternelles, ni les extraire des choses, ni les contempler séparément, mais bien les voir en Dieu au sens de Malebranche, c'est-à-dire voir Dieu lui-même, puisque, selon Malebranche et selon la vérité, tout ce qui est en Dieu est Dieu.

La vision en Dieu, tant qu'elle ne s'applique qu'aux idées de la raison pure, est donc la vérité même. Sans doute on peut démontrer l'existence de Dieu et la démontrer par les principes de la raison, sans lesquels aucune démonstration ne peut être faite. C'est qu'en effet nous ne pouvons connaître Dieu sans Dieu, et que nous employons l'idée obscure et incomplète que nous possédons dès l'origine de notre vie intellectuelle par l'union intime de notre nature avec la sienne, à nous procurer une idée plus distincte et moins imparfaite de la perfection infiniment infinie. La démonstration de l'existence de Dieu, qui se déduit de son essence, n'est autre chose qu'un acte de réflexion que l'esprit fait sur lui-même, pour constater ce qu'implique nécessairement l'idée nécessaire qu'il a de Dieu. On a dit que cette démonstration ne concluait pas; il est vrai, elle ne conclut pas, si la conclusion doit s'étendre au delà des prémisses. La majeure et la conclusion de ce raisonnement sont deux propositions identiques, avec cette seule différence que la conclusion est plus explicite.

Tel est le véritable sens de toute démonstration de l'existence de Dieu; car la croyance à un être parfait étant le fond même de la raison, aucun être raisonnable n'en sau

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