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précieux qu'il importe de faire circuler entre toutes les mains. On ne saurait contempler les débris mutilés de la sculpture antique, sans que ces marbres divins ne vous offrent une grande leçon : par ces vestiges on reconnaît comment les anciens comprenaient l'art; ils s'en servaient pour prêter aux croyances sociales la forme la plus harmonieuse et la plus belle; la société tout entière passait, pour ainsi dire, dans l'âme de leurs statues, et la pensée devenait claire à tous par des miracles de proportion et de grandeur, de convenance et de beauté. L'idéal et le populaire sont plus voisins qu'on ne pense. L'imagination du peuple offre toujours à ce qui est vraiment sublime une avide et intelligente passivité : elle s'ouvre plus facilement aux grandes splendeurs, qu'à ce qui est médiocre, restreint et terne.

Enfin, si vous croyez à la souveraineté du peuple, et si, poussé dans la vie publique, vous concourez soit au pouvoir législatif, soit au pouvoir exécutif, la foi qui vous

anime agrandira vos actions et vos pensées. La politique, cette science et cette application des propriétés de la sociabilité humaine, perce à jour les hommes dans leurs grandeurs et leurs faiblesses: les petites âmes y sont démasquées sur-le-champ, et leurs pauvretés s'y trouvent dénoncées par d'effrayantes lumières. Il faut aimer et comprendre le peuple pour valoir quelque chose dans la gestion des affaires communes : les hommes qui croient à la souveraineté sociale ne se cantonneront pas dans des préoccupations mesquines, ne se réfugieront pas dans les calculs et les négations de l'égoïsme, dans les appréhensions et les déshonneurs de la peur. Mener les choses dans un intérêt particulier, dans l'intérêt bourgeois, par exemple, c'est avoir l'air de se défendre, ce n'est pas gouverner; au lieu d'unir les hommes et de résoudre les problèmes, c'est multiplier les difficultés et les dissensions, c'est, pour ainsi dire, organiser la guerre civile. Aux affaires il faut être peuple et non pas bourgeois. Eh! le peuple, c'est tout le monde;

c'est le bourgeois, l'ouvrier, l'artiste, le soldat, le marchand et le savant; c'est une collection d'hommes dont les différences et les inégalités se rallieront toujours à une idée générale, à une passion généreuse; c'est une réunion de parties toujours destinées et toujours dociles à l'unité. Mais si, au lieu de comprendre le peuple, vous vous sauvez dans je ne sais quelle neutralité, qui n'est pas le centre véritable de la véritable unité, vous vous trouvez séparé tant des souvenirs et des derniers prestiges du passé que des forces et des espérances de l'avenir: alors tout vous est dangereux et suspect; le plus petit incident devient péril, le plus faible mouvement terreur; alors on déclare la plus légère réforme aussi coupable que la plus considérable, parce qu'elle peut y conduire; on veut, avec une obstination colère, fermer la vie politique à la pauvreté, au talent, à la vertu; et de petits bras s'emploient à placer le dieu Terme entre le privilége et la privation. Devant l'Europe on n'aura pas plus de grandeur; non-seulement on découragera les

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peuples; on n'osera même pas regarder en face les rois; la nation de Louis XIV, de la République et de Napoléon, ne sera plus estimée suffisamment ; et il sera douloureux de passer la frontière pour aller entendre sur la patrie les propos des étrangers. Est-ce là donc vivre? Est-ce là diriger une société? Non, c'est se contenter d'y faire la patrouille, c'est réduire la santé à ne pas mourir aujourd'hui. Si l'amour du peuple inspirait ceux qui gouvernent, si le culte de la souveraineté sociale leur était une religion, ils trouveraient dans cette foi des ressources infaillibles. Mon Dieu! ce qui est grand et vrai n'est pas si difficile, et toujours on s'est donné plus de peine pour tromper l'humanité que pour la servir.

La souveraineté du peuple est donc un dogme, une religion, une philosophie, une poétique, une politique; elle est le seul système vrai, parce qu'elle est le seul complet. Elle embrasse tout; nous nous agitons dans son sein; elle a commencé avec le monde;

le temps, à travers les siècles, n'a pas une minute qui n'ait coulé pour elle; elle avance toujours; sur son passage elle se nourrit de tout; les hommes essuient leur front et fatiguent leurs bras en son honneur; tantôt elle est patiente, tantôt fougueuse, jamais immobile; elle est la civilisation même élevée à la moralité, elle est l'image de Dieu sur la terre.

Instruisons donc le peuple, puisqu'il est souverain de droit; car le peuple le mieux et le plus instruit deviendra vraiment le peuple-roi. A Rome il y avait un rhéteur, au rapport de Tite-Live et de Quintilien', qui recommandait toujours à ses élèves d'obscurcir les choses: Obscurcissez, obscurcissez, leur criait-il, et le plus grand éloge qu'il pouvait leur adresser était celui-ci : C'est parfait, je n'y ai rien compris moi-même. Il faut donner le conseil contraire; éclaircissez, éclaircissez les choses. Ceux qui dimi

Quintilien, livre vII.

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