Immagini della pagina
PDF
ePub

contient la conclusion, et que l'autre le fait voir; car la majeure la contient, parce qu'esclave de ses passions contient sous soi vicieux; c'est-à-dire que vicieux est renfermé dans son étendue, et est un de ses sujets, comme la mineure le fait voir et la mineure la contient aussi, parce qu'esclave de ses passions comprend, dans son idée, celle de malheureux, comme la majeure le fait voir. Néanmoins, comme la majeure est presque toujours plus générale, on la regarde d'ordinaire comme la proposition contenante, et la mineure comme applicative.

Pour les syllogismes négatifs, comme il n'y a qu'une proposition négative, et que la négation n'est proprement enfermée que dans la négation, il semble qu'on doive toujours prendre la proposition négative pour la contenante, et l'affirmative pour l'applicative seulement, soit que la négative soit la majeure, comme en Celarent, Ferio, Cesare, Festino; soit que ce soit la mineure, comme en Camestres et Baroco.

Car si je prouve par cet argument que nul avare n'est heureux, Tout heureux est content :

Nul avare n'est content:

Donc nul avare n'est heureux,

il est plus naturel de dire que la mineure, qui est négative, contient la conclusion qui est aussi négative; et que la majeure est pour montrer qu'elle la contient : car cette mineure, nul avare n'est content, séparant totalement content d'avec avare, en sépare aussi heureux, puisque, selon la majeure, heureux est totalement enfermé dans l'étendue de content.

Il n'est pas difficile de montrer que toutes les règles que nous avons données ne servent qu'à faire voir que la conclusion est contenue dans l'une des premières propositions, et que l'autre le fait voir; et que les arguments ne sont vicieux que quand on manque à observer cela, et qu'ils sont toujours bons quand on l'observe. Car toutes ces règles se réduisent à deux principales, qui sont le fondement des autres : l'une, que nul terme ne peut être plus général dans la conclusion que dans les prémisses; or, cela dépend visiblement de ce principe général, que les prémisses doivent contenir la conclusion: ce qui ne pourrait pas être si, le même terme étant dans les prémisses et dans la conclusion, il avait moins d'étendue dans les prémisses que dans la conclusion; car le moins général ne contient pas le plus général, quelque homme ne contient pas tout homme,

L'autre règle générale est, que le moyen doit être pris au moins une fois universellement ; ce qui dépend encore de ce principe, que la conclusion doit être contenue dans les prémisses. Car, supposons que nous avons à prouver que quelque ami de Dieu est pauvre, et que nous nous servions pour cela de cette proposition, quelque saint est pauvre, je dis qu'on ne verra jamais évidemment que cette proposition contient la conclusion, que par une autre proposition où le moyen, qui est saint, soit pris universellement; car, il est visible qu'afin que cette proposition, quelque saint est pauvre, contienne la conclusion, quelque ami de Dieu est pauvre, il faut et il suffit que le terme quelque saint contienne le terme quelque ami de Dieu, puisque pour l'autre elles l'ont commun. Or, un terme particulier n'a point d'étendue déterminée; il ne contient certainement que ce qu'il enferme dans sa compréhension et dans son idée.

Et par conséquent, afin que le terme quelque saint contienne le terme quelque ami de Dieu, il faut qu'ami de Dieu soit contenu dans la compréhension de l'idée de saint.

Or, tout ce qui est contenu dans la compréhension d'une idée en peut être universellement affirmé; tout ce qui est enfermé dans la compréhension de l'idée de triangle, peut être affirmé de tout triangle; tout ce qui est enfermé dans l'idée d'homme, peut être affirmé de tout homme, et, par conséquent, afin qu'ami de Dieu soit enfermé dans l'idée de saint, il faut que tout saint soit ami de Dieu; d'où il s'ensuit que cette conclusion, quelque ami de Dieu est pauvre, ne peut être contenue dans cette proposition, quelque saint est pauvre, où le moyen saint est pris particulièrement, qu'en vertu d'une proposition où il soit pris universellement, puisqu'elle doit faire voir qu'un ami de Dieu est contenu dans la compréhension de l'idée de saint: c'est ce qu'on ne peut montrer qu'en affirmant ami de Dieu de saint pris universellement, tout saint est ami de Dieu; et par conséquent nulle des prémisses ne contiendrait la conclusion, si le moyen étant pris particulièrement dans l'une des propositions, il n'était pris universellement dans l'autre : ce qu'il fallait démontrer 84.

CHAPITRE XI.

Application de ce principe général à plusieurs syllogismes qui paraissent embarrassés.

Sachant donc, par ce que nous avons dit dans la seconde partie, ce que c'est que l'étendue et la compréhension des termes, par où

l'on peut juger quand une proposition en contient ou n'en contient pas une autre, on peut juger de la bonté ou du défaut de tout syllogisme, sans considérer s'il est simple ou composé, complexe ou incomplexe, et sans prendre garde aux figures ni aux modes, par ce seul principe général : que l'une des deux propositions doit contenir la conclusion, et l'autre faire voir qu'elle la contient : c'est ce qui se comprendra mieux par des exemples.

EXEMPLE I. Je doute si ce raisonnement est bon:

Le devoir d'un chrétien est de ne point louer ceux qui commettent des actions criminelles :

Or, ceux qui se battent en duel commettent une action criminelle :

Donc le devoir d'un chrétien est de ne point louer ceux qui se battent en duel.

Je n'ai que faire de me mettre en peine pour savoir à quelle figure ni à quel mode on peut le réduire; mais il me suffit de considérer si la conclusion est contenue dans l'une des deux premières propositions, et si l'autre le fait voir, et je trouve d'abord que la première n'ayant rien de différent de la conclusion, sinon qu'il y a en l'une, ceux qui commettent des actions criminelles, et en l'autre, ceux qui se battent en duel, celle où il y a, commettre des actions criminelles contiendra celle où il y a, se battre en duel, pourvu que commettre des actions criminelles contienne se battre en duel.

Or, il est visible, par le sens, que le terme de, ceux qui commettent des actions criminelles, est pris universellement; et que cela s'entend de tous ceux qui en commettent quelles qu'elles soient : et ainsi la mineure, ceux qui se battent en duel commettent une action criminelle, faisant voir que, se battre en duel est contenu sous ce terme de commettre des actions criminelles, elle fait voir aussi que la première proposition contient la conclusion.

EXEMPLE II. Je doute si ce raisonnement est bon:

L'Évangile promet le salut aux chrétiens :

n y a des méchants qui sont chrétiens :

Donc l'Évangile promet le salut aux méchants.

Pour en juger, je n'ai qu'à regarder que la majeure ne peut contenir la conclusion, si le mot de chrétiens n'y est pris généralement pour tous les chrétiens, et non pour quelques chrétiens seule

ment; car, si l'Évangile ne promet le salut qu'à quelques chrétiens, il ne s'ensuit pas qu'il le promette à des méchants qui seraient chrétiens, parce que ces méchants peuvent n'être pas du nombre de ces chrétiens auxquels l'Évangile promet le salut; c'est pourquoi ce raisonnement conclut bien, mais la majeure est fausse, si le mot de chrétiens se prend dans la majeure pour tous les chrétiens; et il conclut mal, s'il ne se prend que pour quelques chrétiens; car alors la première proposition ne contiendrait point la conclusion.

Mais, pour savoir s'il doit se prendre universellement, cela doit se juger par une autre règle que nous avons donnée dans la seconde partie, qui est que, hors les faits, ce dont on affirme, est pris universellement, quand il est exprimé indéfiniment; car quoique ceux qui commettent des actions criminelles dans le premier exemple, et chrétiens dans le deuxième, soient partie d'un altribut, ils tiennent lieu néanmoins de sujet au regard de l'autre partie du même attribut; car ils sont ce dont on affirme, qu'on ne doit pas les louer, ou qu'on leur promet le salut : et par conséquent, n'étant point restreints, ils doivent être pris universellement, et ainsi, l'un et l'autre argument est bon dans la forme; mais la majeure du second est fausse, si ce n'est qu'on entendit par le mot de chrétiens, ceux qui vivent conformément à l'Évangile, auquel cas la mineure serait fausse, parce qu'il n'y a point de méchants qui vivent conformément à l'Évangile.

EXEMPLE III. Il est aisé de voir, par le même principe, que ce raisonnement ne vaut rien :

La loi divine commande d'obéir aux magistrats séculiers :
Les évêques ne sont point des magistrats séculiers:
Donc la loi divine ne commande point d'obéir aux évéques.

Car nulle des premières propositions ne contient la conclusion, puisqu'il ne s'ensuit pas que la loi divine, commandant une chose, n'en commande pas une autre : et ainsi, la mineure fait bien voir que les évêques ne sont pas compris sous le nom de magistrats séculiers, et que le commandement d'honorer les magistrats séculiers ne comprend point les évêques; mais la majeure ne dit pas que Dieu n'ait fait d'autres commandements que celui-là, comme il faudrait qu'elle fit pour enfermer la conclusion en vertu de cette mineure ce qui fait que cet autre argument est bon:

EXEMPLE IV. Le christianisme n'oblige les serviteurs de servir

leurs maîtres que dans les choses qui ne sont point contre la loi de Dieu :

Or, un mauvais commerce est contre la loi de Dieu :

Donc le christianisme n'oblige point les serviteurs de servir leurs maîtres dans un mauvais commerce.

Car la majeure contient la conclusion, puisque la mineure, mauvais commerce, est contenue dans le nombre des choses qui sont contre la loi de Dieu, et que la majeure étant exclusive, vaut autant que si on disait : La loi divine n'oblige point les serviteurs de servir leurs maîtres dans toutes les choses qui sont contre la loi de Dieu.

EXEMPLE V. On peut résoudre facilement ce sophisme commun par ce seul principe.

Celui qui dit que vous êtes un animal dit vrai :

Celui qui dit que vous êtes un oison dit que vous êtes un animal; Donc celui qui dit que vous êtes un oison dit vrai.

Car il suffit de dire que nulle de ces deux premières propositions ne contient la conclusion; puisque, si la majeure la contenait, n'étant différente de la conclusion qu'en ce qu'il y a animal dans la majeure, et oison dans la conclusion, il faudrait qu'animal contint oison; mais animal est pris particulièrement dans cette majeure, puisqu'il est attribut de cette proposition incidente affirmative, vous êtes un animal; et par conséquent il ne pourrait contenir oison que dans sa compréhension; ce qui obligerait, pour le faire voir, de prendre le mot d'animal universellement dans la mineure, en affirmant oison de tout animal : ce qu'on ne peut faire, et ce qu'on ne fait pas aussi, puisqu'animal est encore pris particulièrement dans la mineure, étant encore, aussi bien que dans la majeure, l'attribut de cette proposition affirmative incidente vous êtes un animal.

EXEMPLE VI. On peut encore résoudre par là cet ancien sophisme, qui est rapporté par saint Augustin:

[blocks in formation]

Cet argument ne vaut rien par les règles des figures, parce qu'il est de la première, et que la première proposition, qui en est la

« IndietroContinua »