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stration des règles des figures, mais enfin on s'est résolu de ne pas les retrancher, la difficulté même n'en étant pas entièrement inutile car il est vrai que, lorsqu'elle ne se termine à la connaissance d'aucune vérité, on a raison de dire: Stultum est difficiles habere nugas; mais on ne doit pas l'éviter de même, quand elle mène à quelque chose de vrai, parce qu'il est avantageux de s'exercer à entendre les vérités difficiles.

Il y a des estomacs qui ne peuvent digérer que les viandes légères et délicates; et il y a de même des esprits qui ne peuvent . s'appliquer à comprendre que les vérités faciles et revêtues des ornements de l'éloquence. L'un et l'autre est une délicatesse blâmable, ou plutôt une véritable faiblesse. Il faut rendre son esprit capable de découvrir la vérité, lors même qu'elle est cachée et enveloppée, et de la respecter sous quelque forme qu'elle paraisse. Si on ne surmonte cet éloignement et ce dégoût, qu'il est facile à tout le monde de concevoir de toutes les choses qui paraissent un peu subtiles et scolastiques, on étrécit insensiblement son esprit, et on le rend incapable de comprendre ce qui ne se connaît que par l'enchaînement de plusieurs propositions: et ainsi, quand une vérité dépend de trois ou quatre principes qu'il est nécessaire d'envisager tout à la fois, on s'éblouit, on se rebute, et l'on se prive par ce moyen de la connaissance de plusieurs choses utiles; ce qui est un défaut considérable.

La capacité de l'esprit s'étend et se resserre par l'accoutumance, et c'est à quoi servent principalement les mathématiques, et généralement toutes les choses difficiles, comme celles dont nous parlons; car elles donnent une certaine étendue à l'esprit, et elles l'exercent à s'appliquer davantage et à se tenir plus ferme dans ce qu'il connaît.

Ce sont les raisons qui ont porté à ne pas omettre ces matières épineuses, et à les traiter même aussi subtilement qu'en aucune autre logique. Ceux qui n'en seront pas satisfaits peuvent s'en délivrer en ne les lisant pas; car on a eu soin pour cela de les en avertir à la tête même des chapitres, afin qu'ils n'aient pas sujet de s'en plaindre, et que s'ils les lisent, ce soit volontairement.

On n'a pas cru aussi devoir s'arrêter au dégoût de quelques personnes qui ont en horreur certains termes artificiels qu'on a formés pour retenir plus facilement les diverses manières de raisonner, comme si c'étaient des mots de magie, et qui font souvent des railleries assez froides sur baroco et baralipton, comme tenant du caractère de pédant; parce que l'on a jugé qu'il y avait plus

de bassesse dans ces railleries que dans ces mots. La vraie raison et le bon sens ne permettent pas qu'on traite de ridicule ce qui ne l'est point: or, il n'y a rien de ridicule dans ces termes, pourvu qu'on n'en fasse pas un trop grand mystère; et que, comme ils n'ont été faits que pour soulager la mémoire, on ne veuille pas les faire passer dans l'usage ordinaire, et dire, par exemple, qu'on va faire un argument en bocardo ou en felapton, ce qui serait en effet très ridicule.

On abuse quelquefois beaucoup de ce reproche de pédanterie, et souvent on y tombe en l'attribuant aux autres. La pédanterie est un vice d'esprit et non de profession; et il y a des pédants de toutes robes, de toutes conditions et de tous états. Relever des choses basses et petites, faire une vaine montre de sa science, entasser du grec et du latin sans jugement, s'échauffer sur l'ordre des mois attiques, sur les habits des Macédoniens et sur de semblables disputes de nul usage; piller un auteur en lui disant des injures, déchirer outrageusement ceux qui ne sont pas de notre sentiment sur l'intelligence d'un passage de Suétone et sur l'étymologie d'un mot, comme s'il s'y agissait de la religion et de l'état; vouloir faire soulever tout le monde contre un homme qui n'estime pas assez Cicéron, comme contre un perturbateur du repos public, ainsi que Jules Scaliger a tâché de faire contre Erasme2; s'intéresser pour la réputation d'un ancien philosophe, comme si l'on était son proche parent, c'est proprement ce qu'on peut appeler pédanterie; mais il n'y en a point à entendre ni à expliquer des mots artificiels assez ingénieusement inventés, et qui n'ont pour but que le soulagement de la mémoire, pourvu qu'on en use avec les précautions que l'on a marquées.

Il ne reste plus qu'à rendre raison pourquoi on a omis grand nombre de questions qu'on trouve dans les logiques ordinaires, comme celles qu'on traite dans les prolégomènes, l'universel à parte rei, les relations et plusieurs autres semblables; et sur cela il suffirait presque de répondre qu'elles appartiennent plutôt à la métaphysique qu'à la logique; mais il est vrai néanmoins que ce n'est pas ce qu'on a principalement considéré: car quand on a jugé qu'une matière pouvait être utile pour former le jugement, on a peu regardé à quelle science elle appartenait. L'arrangement de nos diverses connaissances est libre comme celui des lettres d'une imprimerie; chacun a droit d'en former différents ordres, selon son besoin, quoique, lorsqu'on en forme, on doive les ranger de la manière la plus naturelle. Il suffit qu'une matière

nous soit utile pour nous en servir, et la regarder non comme étrangère, mais comme propre; c'est pourquoi on trouvera ici quantité de choses de physique et de morale, et presque autant de métaphysique qu'il est nécessaire d'en savoir, quoique l'on ne prétende point pour cela avoir emprunté rien de personne. Tout ce qui sert à la logique lui appartient; et c'est une chose entièrement ridicule que les gênes que se donnent certains auteurs, comme Ramus et les Ramistes3, quoique d'ailleurs fort habiles gens, qui prennent autant de peine pour borner les juridictions de chaque science, et faire qu'elles n'entreprennent pas les unes sur les autres, que l'on en prend pour marquer les limites des royaumes et régler les ressorts des parlements.

Ce qui a porté aussi à retrancher entièrement ces questions d'école, n'est pas simplement de ce qu'elles sont difficiles et de peu d'usage: on en a traité quelques-unes de cette nature; mais c'est qu'ayant toutes ces mauvaises qualités, on a cru de plus qu'on pourrait se dispenser d'en parler sans choquer personne, parce qu'elles sont peu estimées.

Car il faut mettre une grande différence entre les questions inutiles dont les livres de philosophie sont remplis. Il y en a qui sont assez méprisées par ceux mêmes qui les traitent, et il y en a, au contraire, qui sont célèbres et autorisées, et qui ont beaucoup de cours dans les écrits de personnes d'ailleurs estimables.

Il semble que c'est un devoir auquel on est obligé à l'égard de ces opinions communes et célèbres, quelque fausses qu'on les croie, de ne pas ignorer ce qu'on en dit. On doit cette civilité, ou plutôt cette justice, non à la fausseté, car elle n'en mérite point, mais aux hommes qui en sont prévenus, de ne pas rejeter ce qu'ils estiment sans l'examiner; et ainsi il est raisonnable d'acheter, par la peine d'apprendre ces questions, le droit de les mépriser.

Mais on a plus de liberté dans les premières; et celles de logique, que nous avons cru devoir omettre, sont de ce genre: elles ont cela de commode qu'elles ont peu de crédit, non-seulement dans le monde où elles sont inconnues, mais parmi ceux-là même qui les enseignent. Personne, Dieu merci, ne prend intérêt à l'universel à parte rei, à l'être de raison, ni aux secondes intentions; et ainsi on n'a pas lieu d'appréhender que quelqu'un se choque de ce qu'on n'en parle point; outre que ces matières sont si peu propres à être mises en français, qu'elles auraient été plus capables de décrier la philosophie de l'école que de la faire estimer.

Il est bon aussi d'avertir qu'on s'est dispensé de suivre toujours les règles d'une méthode tout-à-fait exacte, ayant mis beaucoup de choses dans la quatrième partie qu'on aurait pu rapporter à la seconde et à la troisième; mais on l'a fait à dessein, parce qu'on a jugé qu'il était utile de voir en un même lieu tout ce qui était nécessaire pour rendre une science parfaite; ce qui est le plus grand ouvrage de la méthode, dont on traite dans la quatrième partie : et c'est pour cette raison qu'on a réservé de parler en ce lieu-là des axiomes et des démonstrations.

Voilà à peu près les vues que l'on a eues dans cette logique. Peut-être qu'avec tout cela il y aura fort peu de personnes qui en profitent, ou qui s'aperçoivent du fruit qu'elles en tireront; parce qu'on ne s'applique guère d'ordinaire à mettre en usage des préceptes par des réflexions expresses: mais on espère néanmoins que ceux qui l'auront lue, avec quelque soin, pourront en prendre une teinture qui les rendra plus exacts et plus solides dans leurs jugements, sans même qu'ils y pensent, comme il y a de certains remèdes qui guérissent des maux, en augmentant la vigueur et en fortifiant les parties. Quoi qu'il en soit, au moins n'incommodera-t-elle pas longtemps personne, ceux qui sont un peu avancés pouvant la lire et apprendre en sept ou huit jours; et il est difficile que, contenant une si grande diversité de choses, chacun n'y trouve de quoi se payer de la peine de sa lecture.

SECOND DISCOURS

CONTENANT LA RÉPONSE AUX PRINCIPALES OBJECTIONS
QU'ON A FAITES CONTRE CETTE LOGIQUE.

Tous ceux qui se portent à faire part au public de quelques ouvrages doivent en même temps se résoudre à avoir autant de juges que de lecteurs, et cette condition ne doit leur paraître ni injuste ni onéreuse; car, s'ils sont vraiment désintéressés, ils doivent en avoir abandonné la propriété en les rendant publics, et les regarder ensuite avec la même indifférence qu'ils feraient des ouvrages étrangers.

Le seul droit qu'ils peuvent s'y réserver légitimement est celui

de corriger ce qu'il y aurait de défectueux, à quoi ces divers jugements qu'on fait des livres sont extrêmement avantageux; car ils sont toujours utiles lorsqu'ils sont justes, et ils ne nuisent de rien lorsqu'ils sont injustes, parce qu'il est permis de ne pas les suivre.

La prudence veut néanmoins qu'en plusieurs rencontres on s'accommode à ces jugements qui ne nous semblent pas justes; parce que s'ils ne nous font pas voir que ce qu'on reprend soit mauvais, ils nous font voir au moins qu'il n'est pas proportionné à l'esprit de ceux qui le reprennent. Or, il est sans doute meilleur, lorsqu'on peut le faire, sans tomber en quelque plus grand inconvénient, de choisir un tempérament si juste, qu'en contentant les personnes judicieuses, on ne mécontente pas ceux qui ont le jugement moins exact; puisque l'on ne doit pas supposer qu'on n'aura que des lecteurs habiles et intelligents.

Ainsi il serait à désirer qu'on ne considérât les premières éditions des livres que comme des essais informes que ceux qui en sont auteurs proposent aux personnes de lettres pour en apprendre leurs sentiments, et qu'ensuite, sur les différentes vues que leur donneraient ces différentes pensées, ils y travaillassent tout de nouveau pour mettre leurs ouvrages dans la perfection où ils sont capables de les porter.

C'est la conduite qu'on aurait bien désiré de suivre dans la seconde édition de cette Logique, si l'on avait appris plus de choses de ce qu'on a dit dans le monde de la première. On a fait néanmoins ce qu'on a pu, et l'on a ajouté, retranché et corrigé plusieurs choses suivant les pensées de ceux qui ont eu la bonté de faire savoir ce qu'ils y trouvaient à redire.

Et premièrement, pour le langage on a suivi presque en tout les avis de deux personnes, qui se sont donné la peine de remarquer quelques fautes qui s'y étaient glissées par mégarde, et certaines expressions qu'ils ne croyaient pas être du bon usage; et l'on ne s'est dispensé de s'attacher à leurs sentiments, que lorsqu'en ayant consulté d'autres, on a trouvé les opinions partagées, auquel cas on a cru qu'il était permis de prendre le parti de la liberté.

On trouvera plus d'additions que de changements ou de retranchements pour les choses, parce qu'on a été moins averti de ce qu'on y reprenait. Il est vrai néanmoins que l'on a su quelques objections générales qu'on faisait contre ce livre, auxquelles on n'a pas cru devoir s'arrêter, parce qu'on s'est persuadé que ceux mêmes qui les faisaient, seraient aisément satisfaits, lorsqu'on leur aurait représenté les raisons qu'on a eues en vue dans les choses

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