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CHAPITRE II

ORGANISATION DU COLLÈGE DES FÉTIAUX

SECTION PREMIÈRE

CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE L'INSTITUTION; SES MEMBRES; LEUR NOMBRE

Les Fétiaux, avons-nous dit, comme la plupart des hommes publics des temps primitifs, participaient à la fois à la magistrature et au sacerdoce. L'association étroite de la religion et de l'état produisait alors les meilleurs résultats. Nos aïeux, dit Cicéron, n'ont jamais été plus sages ni mieux inspirés que lorsqu'ils ont décidé que les mêmes personnes présideraient à la religion et gouverneraient la République; c'est par ce moyen que magistrats et pontifes, remplissant leurs charges avec sagesse, s'entendent ensemble pour sauver l'État 1. » Cependant, nous l'avons vu, il ne faut pas exagérer cette idée religieuse, et attacher une trop grande importance à l'élément sacerdotal chez les Fétiaux; ce serait contraire à la vérité et aux mœurs romaines. C'est précisément en nous appuyant sur des textes de Cicéron que nous avons démontré que les Fétiaux étaient des juges, des magistrats, plutôt que des prètres ou des pontifes (2). Le côté

(1) Cicéron, pro Domo, I, 3.

(2) Voir plus haut, chapitre I, section 2, page 8.

religieux chez, eux, n'était qu'accessoire et provenait de cette idée, chère aux anciens Romains, que toute autorité devait être religieuse par quelque côté. Malgré les qualificatifs de prêtres et de pontifes qu'on leur attribue assez souvent, il n'en est pas moins vrai que les Fétiaux étaient des magistrats, des juges de droit public, et que leurs principales fonctions, celles qui avaient spécialement trait à la guerre, aux traités et alliances, n'avaient rien de commun avec la religion, si ce n'est certaines cérémonies. et certains rites bizarres qui, dans la pensée de ceux qui les avaient institués, devaient attirer sur les armes romaines la protection divine et assurer le respect des traditions et de la parole jurée.

Par leur organisation, et c'est là un des côtés religieux de l'institution, les Fétiaux se rapprochaient, il est vrai, des corps sacerdotaux, si nombreux dans l'ancienne Rome. Comme les corps sacerdotaux, ils formaient ce que les auteurs latins ont appelé collegium (collège). Les auteurs grecs, et particulièrement Denys d'Halycarnasse, ont donné à l'ensemble des Fétiaux un nom équivalent: σύστημα των Φητιαλιων (assemblée des Fétiaux) (1).

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Institués à vie, ces membres étaient au nombre de vingt, au dire de Varron : « Viginti Fetiales constitueruent (2). › Ces vingt membres étaient répartis dans chacune des curies des deux tribus primitives, celles des Rammenses et des Tatienses (3) à l'exclusion des curies de la tribu des Luceres, qui ne fournissaient pas de Fétiaux. Peut-être cette exclusion s'explique-t'elle par le fait que les Fétiaux, ayant

(1) Denys d'Halycarnasse, Antiquités romaines, II, 72. (2) Varron, de Vita populi romani, III, 8.

(3) Niebuhr, Histoire romaine, tome I, pages 426 et 420.- Conf. : Cicéron, de Republica, II, 9, 14; — Denys d'Halycarnasse,II, 24.

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été organisés avant l'apparition de cette troisième tribu, on ne songea pas plus tard à faire participer ses membres au recrutement du collège des Fétiaux. Quoi qu'il en soit des raisons qui ont dicté cette exclusion, nous savons que les Fétiaux étaient choisis parmi les hommes d'État les plus célèbres et dans les meilleures familles de Rome : « εισι δ' εν εκτων άριστων οικων ἄνδρες επιλεκτοι ; ils étaient choisis parmi les hommes des meilleures familles, dit Denys d'Halycarnasse (1).» Des hommes éminents ont ambitionné l'honneur d'être Fétial, et si l'on en croit le témoignage des historiens de l'époque, les empereurs eux-mêmes recherchèrent ce titre. Il nous est parvenu des inscriptions où le mot fétial est joint aux titres les plus honorables, et notamment à ceux de consul et de pontife (2). L'histoire, d'ailleurs, nous a conservé le nom de plusieurs hommes d'état et de personnages illustres qui ont fait partie du collège des Fétiaux. Citons les plus connus: Cornélius Lentulus, Scipion, cousin du premier Scipion l'Africain, Néron, fils de Germanicus, Cneius Domitius Tullus, qui devint consul sous l'empereur Vespasien, Quintus Lucinius Labéon, Caius Julius Proculus.

A l'origine, tant que l'égalité civile ne fut pas admise chez les diverses classes de la société romaine, il est certain qu'il fallait appartenir à une famille patricienne pour briguer l'honneur d'être Fétial; mais plus tard, quand l'égalité civile fut proclamée, quand l'aristocratie, cédant aux instances du peuple, lui donna accès aux charges et fonctions publiques, la qualité de patricien fut-elle encore

(1) Denys d'Haly., II, 72.

(2) Voir Recueil d'inscriptions latines d'Orelli, numéros 2275, Pontifici fetialis;-3186; Pontifici fetiali,-et 6019, Fetiali consuli.

par

nécessaire pour faire partie du collège des Fétiaux ? Cela est probable, car on ne trouve dans aucun texte la preuve qu'un plébéien ait pu être nommé Fétial. Sans doute, l'ostracisme qui frappait les plébéiens aux premiers temps de Rome avait peu à peu disparu. En l'an 387 de Rome, ils étaient appelés au consulat; quelques années plus tard, ils obtenaient la dictature, dont Caius Marcius Rutilius fut le premier titulaire plébéien; le Sénat leur avait été ouvert le plébiscite Ovinien, et désormais, depuis la loi Ogulnia, les collèges des pontifes n'étaient plus fermés à leur égard. Bien plus, la loi Canuleia de connubio patrum et plebis était venue abroger la disposition de la loi des Douze Tables qui prohibait le mariage entre patriciens et plébéiens. De toutes parts disparaissaient peu à peu les antiques barrières qui avaient séparé en deux tronçons rivaux et ennemis la société romaine; mais rien cependant ne prouve qu'à un moment de la République les plébéiens furent appelés à faire partie du collège des Fétiaux. On ne peut, il est vrai, donner de bonnes raisons pour expliquer cette exclusion persistante, alors que de si grands progrès avaient été faits dans la voie de l'égalité. Il est probable qu'à l'époque où les plébéiens réclamèrent le plus ardemment contre les privilèges de l'aristocratie, le collège des Fétiaux avait déjà perdu de son antique splendeur, et qu'il ne fut pas considéré par les plébéiens comme assez important au point de vue politique pour faire partie de leurs revendications. De cette façon, c'est volontairement et en connaissance de cause qu'ils se seraient abstenus de demander leur admission au collège des Fétiaux. Cette explication est parfaitement plausible; autrement on pourrait s'étonner à bon droit que les patriciens aient refusé aux

plébéiens l'entrée au collège des Fétiaux, alors qu'ils leur accordaient le consulat et la dictature, c'est-à-dire les premières charges de la République. Cette manière de voir est loin d'être partagée par Mommsen, qui prétend que, du jour où l'égalité civile eut triomphé des préjugés aristocratiques, les fonctions de Fétial furent accessibles aux plébéiens (1). C'est là, à notre avis, une erreur du savant historien allemand qui du reste ne s'appuie sur aucun texte sérieux et reste dans le domaine des suppositions. Il est vrai qu'un autre historien allemand, Conradi, est d'avis que, dès la période royale, on trouve à Rome des Fétiaux plébéiens (2) et à l'appui de son assertion il cite le nom d'un Fétial rapporté par Tite-Live (3) et qui, d'après lui, se serait appelé Spurius Fufius. Or, dit-il, il n'y a jamais eu à Rome de famille patricienne du nom de Fufius, c'est donc que les plébéiens pouvaient aspirer aux fonctions de Fétial. Tout ceci serait parfait et irréfutable, si Conradi avait pris soin de s'en tenir strictement au texte de TieLive. Le Fétial dont parle celui-ci s'appelait Spurius Fusius et non Fufius; or, la famille des Fusii était patricienne, cela est incontestable, et a donné plusieurs consuls à la République.

Les fonctions de Fétial sont donc restées fermées aux plébéiens; d'ailleurs, d'autres dignités leur ont été également refusées : c'est ainsi que, malgré la conquête de l'égalité, les plébéiens ne purent jamais aspirer aux fonctions de Flamines, de Vestales et de Frères Arvales.

(1) Mommsen, Histoire romaine, tome II, page 334.

(2) Conradi, de Fetialibus populi romani, § 6,

(3) Tite-Live, I, 24.

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