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bien; tandis que Montégut parcourt la France en tous sens pour achever ces délicieux Souvenirs d'un voyageur où la verdeur d'un esprit bien fait s'allie si bien avec l'élégance, la finesse et l'atticisme le plus délicat, pendant que s'achèvent ces deux maîtresses-œuvres, Jules Gourdault commence la publication d'un gros volume intitulé l'Italie, que nous aurons à juger plus tard. Mme de Witt, cependant, publie une Histoire d'Angleterre racontée à mes petits enfants qu'elle a écrite sous la dictée de M. Guizot et dont il y aura à comparer les péripéties à celles de notre histoire nationale. Nous souhaitons, nous sollicitons cette comparaison. Nos annales sont si belles, qu'elles n'ont rien à redouter d'un tel rapprochement. Là-bas, de l'autre côté du détroit, ils n'ont pas eu de Clovis, ni de Charlemagne, ni de saint Louis, ni de Jeanne d'Arc. Il est vrai qu'ils respectent leur passé, et que nous dénigrons le nôtre. Ils sont une grande nation traditionnelle, et nous sommes, nous, le peuple qui insulte quotidiennement à tous ses gouvernements, à tous ses rois, à toutes ses gloires. Peut être vaut-il mieux posséder une histoire moins belle, et lui témoigner plus de respect. A bon entendeur salut.

Les livres illustrés ont trop bien réussi à la maison Didot pour qu'elle puisse aisément renoncer à un genre que la mode encourage aussi visiblement. Donc, voici qu'elle édite à la fois une Histoire générale du costume et un Paris à travers les âges. La gravure et l'eau forte travaillent à l'illustration du Paris, et la chromolithographie à celle du Costume. La lithographie en couleurs est ici à sa vraie place, et elle ne la devrait jamais abandonner. Il ne faut pas lui demander de reproduire fidèlement les inimitables chefs-d'œuvre des grands coloristes, d'un Titien ou d'un Rubens. On peut même affirmer que Raphaël lui échappe et qu'elle n'en peut saisir l'insaisissable beauté. Mais elle est absolument indispensable dans une « Histoire du costume,» parce que la couleur a toujours joué un rôle important dans l'ajustement des hommes. Ce qu'il faut surtout exiger de cet excellent procédé, c'est qu'il rende exactement la physionomie des mosaïques, des tapisseries, des vitraux de certaines œuvres de joaillerie et même de quelques maîtres préraphaéliques. C'est tout; mais c'est beaucoup.

Dans un livre tout récemment publié chez Didier, M. Allard s'est courageusement attaqué à la grande, à l'énorme, à la capitale question de l'esclavage dans ses rapports avec le christianisme. Nous rendrons compte fort longuement des Esclaves chrétiens. Dès que l'on touche à cette question, nous bondissons et pensons à la mère Eglise. Bien des fois déjà nous l'avons traitée devant nos lecteurs; nous la reprendrons une fois de plus, pour mettre en lumière toute l'argumentation de M. Allard. Cet écrivain a la main heureuse et sait choisir ses sujets. C'est à lui que nous devons la traduction de la Rome souterraine où sont condensés les travaux de M. Rossi. Oh! les origines, les origines chrétiennes ! Comment se fait-il que dix auteurs catholiques, tout au plus, osent aborder ces problèmes? Dans chacune de nos Universités catholiques, il devrait y avoir une chaire d'origines.

M. Roselly de Lorgues continue la noble campagne qu'il a engagée il y a

quelques années pour la canonisation de Christophe Colomb (1). Ce n'est pas en vain que l'on ambitionne en ce moment les mêmes honneurs pour la mémoire de Jeanne d'Arc et pour celle de Christophe Colomb. L'une a sauvé la plus grande nation de l'ancien monde; l'autre a découvert un monde nouveau. Vienne le jour où nous pourrons dire: «Sainte Jeanne, priez pour la France,» et «Saint Christophe, priez pour l'Amérique!» L'Amérique en a bien. besoin et la France aussi.

Une tendance religieuse se manifeste de plus en plus dans les publications de la maison Plon. Je voudrais avoir le temps de recommander une excellente traduction en vers de l'Imitation de Jésus-Christ et le Choix de prières de Mgr Isoard. Mais voici, là, deux livres sur ma table, que je ne saurais passer sous silence. D'ailleurs, je ne leur puis aujourd'hui donner qu'une mention, en attendant mieux. Le Journal de Marie-Edmée, publié par M. Antoine de Latour, est un de ces livres intimes (trop intimes, peut-être) que l'on placera sur le rayon choisi de sa bibliothèque où l'on a déjà placé le Récit d'une sœur et le Journal d'Eugénie de Guérin. Ce livre est grand, et il agrandira les âmes. Je n'en conseillerais pas la lecture aux jeunes filles, que ce livre rêveur ferait trop rêver; mais il est fait pour élever d'autres esprits et élargir d'autres cœurs. Cette vaillante jeune fille, qui a su écrire un livre touchant « sur sa sœur Jeanne d'Arc; cette héroïne de la guerre de 1870 et qui est morte de cette guerre; cette aimable et forte Marie-Edmée retiendra un jour nos regards plus longtemps, et nous ne les détachons qu'avec regret de cette suave et noble figure. A bientôt.

L'Académie française, ces jours derniers, décernait une de ses plus hautes récompenses à l'Histoire du cardinal de Bérulle, par l'abbé Houssaye (2). Il est peu de livres aussi consciencieusement étudiés, aussi solidement écrits. Passionné par la physionomie de M. de Bérulle, le portraitiste a pris peu à peu certains traits de son modèle. Il en est venu à penser, à parler, à écrire comme celui dont il racontait la vie. Or, ce cardinal de Bérulle, il faut le placer dans notre reconnaissance entre saint François de Sales, d'une part, et, de l'autre, saint Vincent de Paul. Ce sont les trois grands reconstructeurs du clergé français durant la première moitié du XVIIe siècle, et l'on peut dire qu'ils l'ont pétri de leurs très-nobles maius. Avant d'avoir lu l'admirable livre de M. l'abbé Houssaye, on ne saurait véritablement se faire une juste idée de l'état lamentable où était alors tombé cet auguste et presque divin personnage le prêtre. Que de désordres, que d'ignorance, que de scandales! Et combien l'œuvre du Concile de Trente avait de peine à pénétrer dans ce royaume de France, dont tant de misérables intrigues avaient voulu jadis lui interdire les frontières ! Mais Dieu se joue de ces vanités de l'homme: il envoie ses Saints, et ils font son œuvre.

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(1) Un beau volume in-8°. Dans son nouveau livre SATAN CONTRE CHRISTOPHE COLOMB, qui vient de paraître chez Victor Palmé, M. Roselly défend la mémoire de Colomb contre certaines attaques des Gênois. On n'est jamais trahi que par les siens.

(2) Trois beaux volumes in-8°, chez Plon. Chacun d'eux se vend à part.

Bien des fois, à cette même place, j'ai recommandé à ce cher clergé français de notre temps, qui est si pieux, si charitable et si pur, j'ai osé lui recommander l'amour du travail. M. l'abbé Houssaye peut ici lui servir d'exemple. Les rudes soucis du ministère en une des plus vastes paroisses de Paris et les soins que lui impose une santé parfois délicate, rien n'a pu le détourner de son labeur. Je l'ai vu, durant de longues heures, pâlir sur des papiers d'archives et sourire de joie en pensant que M. de Bérulle gagnerait quelque chose, devant la postérité, à ces rudes journées d'un travail quelquefois ingrat. Ce livre honore notre temps; il honore l'Eglise.

C'est à dessein que nous avons uniquement, jusqu'ici, passé en revue les libraires et les librairies auxquels ne convient pas exclusivement le nom de catholiques.

Même mouvement, à tout le moins, dans nos librairies catholiques.

Chez Victor Palmé, on attend à tout moment les voitures qui doivent apporter, tout fraîchement brochés ou cartonnés, les nouveaux volumes de la Gallia Christiana (1) et des Historiens de France (2). Les Acta Sanctorum,qui ont été récemment enrichis d'une bonne Table, vont être activement continués. La Table de l'Histoire littéraire sera prochainement épuisée. L'Annuaire et les Directoires des Universités catholiques seront sans doute publiés à la rentrée. Mais voici une nouvelle qui aura pour nos lecteurs tout l'air d'une primeur : avant la fin de la présente année, nous aurons une seconde édition des Institutions liturgiques de Dom Guéranger. Un livre qui a fait une révolution ! C'est à ces vaillantes pages, en effet, que nous devons, Dieu aidant, le retour de la France à l'unité liturgique. Il a comme une odeur de poudre, ce livre aux allures militaires, et je me rappelle avec quelle passion nous le lisions il y a vingt ans. Mais ce n'est pas seulement une œuvre de polémique : c'est une œuvre d'exposition, et il y a là toute une « Histoire de la liturgie » qu'on ne trouverait nulle part ailleurs. Les Bénédictins de Solesmes vont nous redonner cette belle œuvre dans toute son austérité primitive; mais ils sauront la compléter respectueusement et la munir de Tables qui sont devenues nécessaires. La première édition n'a eu qu'un succès restreint; la seconde sera populaire, et il faut espérer que, grâce à elle, nos catholiques sauront enfin distinguer le Bréviaire du Missel et le Rituel du Pontifical.

MM. Bray et Retaux ont édité, de leur côté, une Histoire de France en quatre volumes que je recommande volontiers à tous les débutants. C'est celle de l'abbé Mury, qui était jadis professeur au petit séminaire de Strasbourg, et qui a l'heureux privilége (chose rare parmi nous) de savoir l'allemand et d'être au courant des travaux allemands. Les deux premières races ont été bien comprises et bien racontées par M. Mury, et ce sont celles en effet qui ont donné lieu de l'autre côté du Rhin aux travaux les plus savants et les plus profonds.

(1) Tome IVe Province de Lyon.

(2) Le tome XI®.

III. Les livres d'étrennes du jour de l'an prochain.

Ils sont là, tous les quatre, sous le regard de mon imagination, et je les veux décrire par avance.

Ils sont là, tous les quatre, et ils se feront loyale et chaude concurrence. Il y a d'abord la Notre-Dame de Lourdes, par Henri Lasserre (1). Cinq cents pages encadrées par des guirlandes de fleurs, par des paysages à perte de vue, par des papillons et des oiseaux, par des scènes où frémit, où vit le miracle! Il m'a été donné de contempler quelques-unes de ces petites merveilles, et je suis encore sous le charme. C'est frais comme un lac et reposant comme une allée ombreuse. Giacomelli et Yan d'argent ont passé par là.

La Vierge Marie, par M. l'abbé Maynard (2), a un caractère tout différent, et c'est à toutes les œuvres de l'art chrétien, depuis dix-neuf siècles, que l'on a demandé les éléments de cette illustration principalement historique. O joie ! nous pourrons contempler les traits de la Vierge tels que les Catacombes nous les offrent, tels qu'ils éclatent dans les mosaïques latines, tels qu'ils sont fixés par l'art byzantin, tels qu'ils sont reproduits par l'art roman, par l'art gothique, par l'art de la Renaissance. Ici, une Orante du cimetière de Calixte; deux pages plus loin, une abside de basilique; plus loin encore, une Vierge immobilisée sur un émail oriental ou russe; plus loin encore, l'admirable, l'incomparable, la divine Vierge de saint Sixte. On descendra jusqu'au XIXe siècle, et Ingres et Flandrin ne seront pas oubliés après Fra Angelico et Raphaël.

Les Sciences el les Lettres au Moyen-Age (3) termineront dignement la série très richement illustrée des volumes de Paul Lacroix. Quatre cents gravures, juste ciel Les éditeurs du Charlemagne (4) pourraient trembler d'une telle profusion et redouter une telle concurrence, s'ils n'avaient point passé d'aussi longs mois à préparer délicatement leur œuvre artistique. Les dessins y seront moins nombreux, mais d'un choix exquis et d'une homogénéité parfaite. Toute l'illustration « dans le texte » est empruntée à des documents des VIIIe et IXe siècles, et l'on n'a voulu admettre aucune exception à la rigueur de cette règle. Mais hors texte » on s'est donné carrière, et l'on a fait passer sous les yeux du lecteur les plus nobles représentations artistiques dont Charlemagne a été l'objet depuis l'an 800 jusqu'à nos jours, depuis la petite statuette informe, qui est conservée au Musée Carnavalet, jusqu'aux chefs d'œuvre de Delaroche et de Kaulbach. Quelques fac-simile de diplômes; une carte de l'empire de Charles; des Eclaircissements dûs aux érudits les plus compétents et une Introduction dont je ne puis vous nommer l'auteur, sans manquer à la loi des convenances. Non, non ; je ne le nommerai point.

Le livre est d'un élève de l'Ecole des Chartes, qui a déjà fait ses preuves, et le nom d'Alphonse Vitault sera bientôt de ceux que l'on connaît, que l'on cite et que l'on aime. LEON GAUTIER.

(1) Chez Palmé.

(2 et 3) Chez Didot.

(4) Mame et fils.

Mgr de Cabrières, évêque de Montpellier, a adressé à son clergé la circulaire suivante, que nous reproduisons intégralement parce qu'elle porte sur des questions de droit ecclésiastique qui intéressent nos lecteurs :

DROIT CIVIL ET ECCLÉSIASTIQUE.

Des faits récents et douloureux, qui se sont accomplis dans le diocèse, et qui pourront malheureusement s'y renouveler, m'obligent à vous indiquer quelle ligne de conduite le clergé, placé sous mon gouvernement, doit tenir en de pareilles circonstances, si elles se présentaient de nouveau.

Votre bon esprit m'est connu ; je sais quel amour et quel docile respect vous professez pour les moindres prescriptions des lois canoniques, qui sont en même temps le bouclier, le sceptre et le glaive de l'Eglise. Mais, s'il est juste que vous soyez, dans vos paroisses respectives, les gardiens et les rigoureux observateurs de ces lois, il est juste aussi que je vous appuie de mon autorité, que ma responsabilité vous couvre, lorsque vous avez agi, avec une prudente fermeté, pour les maintenir intactes, dans la sphère de vos attributions. Je ne puis point «< être à l'honneur, » et ne pas « être au péril. » Et d'ailleurs, il importe que nous nous donnions mutuellement de la force par l'unanimité de nos sentiments, l'uniformité de notre langage et la parfaite identité de nos résolutions.

1. Premièrement donc, en ce qui concerne les sépultures, il est arrivé, dans quelques paroisses, que des catholiques, oublieux de leur baptême ou dominés par la tyrannie de je ne sais quels engagements plus ou moins secrets, ont exigé, par le complaisant intermédiaire de certains administrateurs municipaux, que leurs émules d'impiété, après avoir vécu dans la haine de notre religion et dans une sorte de séparation publique d'avec l'Eglise, fussent, après leur mort qui avait été un outrage suprême à notre foi, déposés cependant et ensevelis dans la portion du cimetière affectée à l'inhumation des catholiques.

Agissaient-ils ainsi parce que, plus croyants qu'ils ne le voulaient paraître, et n'osant, durant la vie, ni se soustraire eux-mêmes, ni soustraire leurs compagnons d'apparente incrédulité, à la cruelle discipline de leur impitoyable parti, ils se faisaient l'illusion que la terre bénite possède une sorte de vertu purificatrice? Pensaient-ils que, libres enfin après la mort, ces âmes pourraient, au moins dans le champ solitaire du dernier

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