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No. LX.

Madame NECKER à M. Gibbon.

A Copet, ce 12 Juillet, 1793.

Vous m'annonciez de Douvres, Monsieur, une lettre par le courier prochain; je l'attends encore et chaque jour avec plus d'angoisse. Je me consume en conjectures inquiétantes. Il faut être juste; vous ne pouvez penser à nous aussi souvent, que nous vous rapprochons de notre cœur. A Londres tout vous ramène aux idées de ce monde, tandis que tout nous en éloigne ici; près de vous les souvenirs que vous me rappelliez m'étoient doux, et les idées présentes que vous faisiez naître s'y réunissoient sans peine; l'enchaînement d'un grand nombre d'années sembloit faire toucher tous les tems l'un à l'autre, avec une rapidité électrique; vous étiez à la fois pour moi à vingt ans, et à cinquante: loin de vous, les différens lieux que j'ai habités ne sont plus que les pierres itinéraires de ma vie : ils m'avertissent de tous les milles que j'ai déjà parcourus. M. Necker, plus raisonnable, s'est fait taupe, ne pouvant plus être lynx. Il s'occupe d'agriculture, il étend ou il resserre son compas, et mesure successivement l'espace qui nous sépare du ciel, et l'arpent de terre de son parc. Voilà du moins comment il conduit son esprit; on l'amuse comme un enfant, ou comme un ange, parcequ'il tient de tous les deux; mais rien ne le distrait cependant des sentimens douloureux qu'on renouvelle sans cesse dans son ame tendre: il faut avoir aimé pour sentir tous les déchiremens que cause l'ingratitude. Nous sommes occupés à présent à réclamer nos deux millions confiés depuis quinze ans à la France par les motifs les plus délicats, et engagés pendant un tems pour lui fournir des subsistances. L'on nous en a refusé l'intérêt quoiqu'en assignats. Ah, c'est bien aussi en France, qu'on entend les hiboux chanter des hymnes à la nuit, et à la mort; et qu'on voit les arraignées couvrir les monumens des beaux arts; aussi M. Necker en sa qualité de Colombe doit être banni de tous les cœurs françois: il doit céder la place aux Vautours. Vous voyez que l'affaire de M. d'Apples ne vous auroit pas convenu dans cette circonstance; mais nous n'avions rien chez lui, et j'aurois désiré que vous

m'eussiez

m'eussiez dit précisément votre perte. Quant à la maison, la cause que nous plaidons nous oblige à suspendre tous nos arrangemens: notre vie est comme flottante au gré de tous les vents: mais ils ne me feront jamais perdre de vue l'étoile polaire de la place St. François, qui nous indique le port, et tous les biens dont il est embelli. Vous souviendrezvous à Londres du projet que vous aviez formé à Genève? C'étoit un centre auquel tous les événemens du siècle pouvoient aboutir, comme dans Lucien toutes les prières aboutirent à l'oreille de Jupiter; jamais on n'eut plus que vous le talent de peindre vivement sans exagérer. Le fond de votre sujet auroit aussi un avantage unique : vous traceriez le Tableau de la Nature Humaine comme Montagne, mais dans un point de vue et avec un modèle différent; ainsi vous en ferez appercevoir toute l'harmonie, quand il en faisoit entendre toutes les discordances; et vous puiseriez dans cette corne d'abondance que vous avez déjà fait reparoître, et qu'on n'ose plus reléguer dans les fables; enfin vous vous garantiriez de ses mains mal habiles, plus funestes que la faux du tems, qui retranche quelquefois, mais ne défigure jamais.

J'espère, Monsieur, que vous aurez trouvé Milord Sheffield dans une situation d'ame plus calme, et votre amitié par les sentimens les plus doux achevera l'ouvrage de ses réflexions. Combien de fois nous avons senti cette influence, M. Necker et moi! et qu'il est délicieux pour mon cœur de doubler ainsi mon attachement pour vous par celui que vous inspirez à M. Necker! Adieu, Monsieur, j'espère que cette lettre y croisera la vôtre: il est essentiel pour nos arrangemens d'apprendre bientôt de vous. Si vous passez l'hiver en Angleterre, dites, je vous prie, à votre hôte excellent et distingué, toute la part que nous avons prise à sa douleur.

Puis-je vous demander sans indiscrétion de vous informer s'il existe une traduction du Pouvoir Exécutif; et, en ce cas, auriez-vous la bonté de me la faire parvenir ?

La mère des Gracques est ici avec ses jolis enfans, et son mari, pour lequel j'ai beaucoup d'affection: cette moderne Cornélie ajouteroit volontiers, pour plaire à M. Gibbon, quelque chose de plus à sa parure que le mérite de ses deux fils.

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No.

No. LXI.

Madame NECKER à M. GIBBON.

A Lausanne, ce 9 Decembre, 1793.

Je ne puis vous exprimer, Monsieur, quel a été mon saisissement aux nouvelles si imprévues que nous avons reçues de vous; en vain M. de Sévéry les a-t-il environnées de toutes les moralités, qui pouvoient donner le change à nos tristes pensées; votre courage, votre gaieté, votre aménité; toutes ces qualités si aimables dans d'autres temps pèsent sur mon cœur avec les autres motifs que j'ai de vous chérir. Le crépuscule de notre vie est bien couvert de nuages, puisque l'amitié même, la douce amitié, auprès de laquelle nous trouvions un asile, nous présente actuellement un centre de douleur, qui retentit dans toutes les parties de mon être. Je ne vous dirai rien de plus, Monsieur; ma foiblesse s'accorde mal avec votre héroïsme, et c'est seulement en vous parlant de vous, que nous pouvons cesser de nous entendre. Nous sommes à Lausanne; nous vous y regrettons au lever de l'aurore, et sur tout au coucher du soleil: car c'est alors que nous étions habitués à vous voir rentrer dans notre ruche solitaire, chargé du miel que vous aviez recueilli au dehors, mais plus riche encore de celui qui couloit de vos lèvres. Cependant je m'applaudis d'être ici à portée d'avoir de vos nouvelles ; j'ai vu votre dernier bulletin, et j'espère que vous continuerez avec la même exactitude, car vous savez combien vos amis souffrent, et vous n'avez rien de cette nature de tigre, qui nous est devenue si familière.

Nous avons renoncé à Genève; cette petite ville marche en tout sur les traces de la France, et les pigmées n'inspirent que le mépris, quand ils imitent les gestes épouvantables des géans briarées. Cette coupable parodie perd, pour jamais peut-être, une ville autrefois si florissante; l'on y égalise les fortunes par des collectes perpetuelles, comme on le fait en France par des confiscations; d'ailleurs, l'on ne dira plus, je ne décide point entre Genève et Rome, mais entre Hobbes et Spinosa; l'auteur des Opinions Religieuses avoit trop prévu cette funeste révolution plus terrible que toutes les autres, en ce qu'elle donne le même

mauvais

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mauvais esprit aux deux partis opposés. Vous le voyez, Monsieur: je viens de faire un effort pour me détourner du sujet qui dans ce moment me captive toute entière; mais cette espèce de dissimulation coute à ma plume, et je l'abandonne de nouveau aux tendres vœux, que nous faisons en votre faveur, et au sentiment qui attache pour jamais mon ame à la vôtre.

No. LXII.

Sir JOHN MACPHERSON, Bart. to EDWARD GIBBON, Esq.

DEAR SIR,

Munich, Dec. 4th, 1792.

I TOLD my friend Levade that I would give you some idea of my tour through Spain. It was interesting in a high degree. I landed at Malaga, where I found excellent grapes on the 20th of June: Ille terrarum angulus ridet: hills at a distance covered with snow; rich and unequal grounds, and the neighbourhood of the sea, without its offences, give the country every advantage: indeed it may be called a favoured land. You know that the Court of Spain are now employing antiquaries to examine the scenes of Roman and Carthaginian events in that neigh bourhood, and with some classic care. From Malaga I went by sea to Gibraltar, where I passed some very agreeable days with Governor Boyd. He is in perfect possession of his faculties, as of the fortress, at ninety-six ; and means to take his final repose in a tomb which he has secured in one of the Greek bastions, and which he visits and has kept clean with Chinese caution. The excavations and batteries formed within the solid rock of Gibraltar are so very grand that they vie with the caves of Staffa and my native island.* I saw the Duke of Crillon afterwards at Madrid. Nature has not formed a stronger contrast than that of the rock of Hercules and its besieger. I went by land from Gibraltar to Cadiz, having been favoured with a particular passport for the purpose. Doctor Johnson and his friend Boswell could not have had a rougher path in the Hebrides, nor worse accommodations. But

VOL. III.

• The Isle of Sky.

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if the ground is rough, the sky is surely kinder in Spain; from the day of my arrival there to that of my departure I had but two showers of rain, one at San-il-Defonso, and the other at Madrid.

Cadiz is full of excellent houses, foreign merchants, and every species of wealth. The Governor of Cadiz told me that the last year's revenue of the custom-house was about four millions of hard dollars. You have got Townsend's Travels through Spain: they are very correct as far as I have followed him; and if you can get through his gypsum, ploughs, and poor-houses, you will not be displeased in their perusal. I had formed the highest opinion of Mr. Townsend's mineralogist-knowledge, till I met the celebrated Mr. Foster at Madrid. He was disposing of his famous collection to the King of Spain; and when I told him that I did not understand Mr. Townsend's details about the mineral composition of the hills and roads of Spain, he added that he should have been surprised if I had.

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Xeres, Seville, Cordova, &c. &c. in the road from Cadiz to Madrid -all very ancient and interesting cities, and full of their ancient Roman and Moorish inhabitants. When one enters on the scene of Cervantes' romance, it is impossible, not to be pleased. Both he and Le Sage have followed the exact geography of the country; and I confess I was almost as glad to see the present Del Toboso and Segovia as some parts of ancient Rome. Madrid is a very respectable city. All our ministers complain of the sharpness of its air. The late King of Spain used to say that its climate was

Nueve meses de inverno, y tres de inferno.

The Spanish language is so like the Italian, that I could, with very little aid, understand it as it is written by their classic authors. The progress in literature and the fine arts is very active at present in Spain. The court have permitted an extract of Adam Smith's Wealth of Nations to be published, though the original is condemned by the Inquisition. The reasons of the Inquisition are curious: "The lowness of its style and the looseness of the morals which it inculcates." The sentence of the Inquisition is always pasted up upon the church

doors.

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