çe goût de la vertu, cette énergie de l'âme toujours soumise au devoir, cet amour de l'ordre, cette obéissance éclairée des peuples, ce zèle vigilant des ministres, cette majesté paternelle du plus imposant des monarques, enfin cette tendance universelle vers le grand, le beau et le juste, aient été en partie l'ouvrage de Corneille? Doutons-nous que ses sentimens aient pu former le siècle miraculeux de Louis XIV ? que ses pensées aient pu préparer de loin le siècle philosophique de Louis XV ? Ignorons-nous le pouvoir des écrits et l'ascendant, du génie ? O ciel! si ta providence a résolu la durée de cet empire, si tu daignes soutenir et ranimer parmi nous l'amour du grand, la valeur antique, et cet honneur, père des vertus, conserve-nous, suscite-nous des hommes de génie, multiplie les Corneille, les Condé ne nous manqueront jamais. J'ai vécu pour ma gloire autant qu'il fallait vivre, Tin Quem..... esse natum et nos gaudemus, et hac CIC. de Amic. c. iv. (M. Bailly, si célèbre depuis par de bons ouvrages et par ses malheurs, eut l'accessit dans ce concours.) DISCOURS QUI, au jugement de l'Académie royale des belles-lettres de la Rochelle (1), a remporté le prix par M. GAILLARD. M. MERCIER DUPATY, avocat-général au parlement de Bordeaux, ayant pensé qu'un discours solennel qui rappellerait les vertus, les talens et les bienfaits de Henri IV, pourrait n'être pas inutile aux rois et aux peuples pour les attacher plus for tement les uns aux autres, et voulant d'ailleurs honorer la Rochelle sa patrie en consacrant les monumens de l'affection de Henri IV pour cette ville où ce grand roi avait passé une partie de sa jeunesse, fit frapper exprès, à un coin particulier, (1) L'Académie royale des belles-lettres de la Rochelle. tint une assemblée publique et extraordinaire le 28 décembre 1768, pour adjuger le prix qu'un de ses membres avait des tiné au meilleur éloge de Henri IV. Ce prix est une médaille d'or de la valeur de 600 liv., frappée exprès : elle représente d'un côté le portrait de ce roi si cher à la nation, avec cette légende: Henri IV, roi de France et de Navarre, le bien bon ami des Rochelais, paroles que ce grand prince avait adoptées. On lit sur le revers: Prix adjugé par l'Académie royale de la Rochelle, en 1768. * cette médaille, la plus belle qu'ait faite le célèbre Duvivier. Il n'en existe qu'une en or; c'est celle qui a été adjugée pour le prix : du moins M. Dupaty m'a plusieurs fois assuré que diverses personnes ayant demandé à en avoir qui fussent d'or, en fournissant les fonds, il les avait toujours refusées, en alléguant que cette distinction devait être réservée pour celui qui avait remporté le prix; il en permit quelques-unes en argent, et en distribua en bronze autant qu'on en voulut." L'importance de ce prix excita un concours extraordinaire parmi les orateurs du tems; l'intérêt du sujet multiplia les concurrens : il y a d'ailleurs aussi des anecdotes concernant ce prix. M. de Chamfort, aussi jaloux de tout talent et de toute gloire que s'il n'eût pas été si bien partagé sur ces deux points, d'ailleurs fort dédaigneux à l'égard des talens qu'il croyait ne devoir pas craindre, va trouver M. de Laharpe, qu'il avait déjà voulu engager à lui céder la carrière des prix académiques; “Mon ami, lui dit-il, il n'y a que nous qui puis»sions nous nuire l'un à l'autre ; arrangeons-nous » pour ne pas nous trouver en concurrence; par»tageons le monde comme les triumvirs; je vous » défère le choix comme à mon ancien. » Laharpe, plus philosophe et ayant plus réfléchi sur les événemens, savait que la fortune n'exerce pas moins son empire sur ces combats littéraires que sur ceux qui ensanglantent nos terres et qui ébranlent les États; il savait que, soit dans les talens des auteurs, soit dans les décisions des juges, elle amenait quelquefois des combinaisons imprévues; il savait, par exemple, que M. de Voltaire avait plusieurs fois disputé des prix et n'en avait jamais obtenu. M. de Laharpe accepta cependant la proposition et fit son choix. « Je me réserve, dit-il, » l'Académie française et le prix de la Rochelle. » Il envoya en effet à l'Académie de la Rochelle un discours plein des plus grandes beautés, et comptant sur la distance qu'il y a de Paris à la Rochelle pour qu'on ignorât dans cette dernière ville qu'il violait la loi de toute Académie, laquelle défend de se faire connaître avant le jugement, il remplit tout Paris de la réputation de son ouvrage par les fréquentes lectures qu'il en fit dans des cercles nombreux. Elles lui attirèrent les plus grands applaudissemens; on le félicitait d'avance sur son infaillible victoire; tous lui promettaient le prix, et c'était, disait-on, la moindre gloire que lur procurerait cet ouvrage. Il se le promettait sans doute lui-même, et il y était bien autorisé. A la nouvelle du jugement, il se fit un plaisir d'être le premier à m'apprendre lui-même que c'était à moi que le prix était déféré. ÉLOGE DE HENRI IV. Tu decus omne tuis. Postquam te fata tulerunt, MON âme va goûter une joie pure; je vais parler d'un roi qui aima son peuple. Qu'un sentiment si naturel ait pu distinguer un roi, qu'il puisse n'être pas toujours dans le cœur de tous les souverains, je ne le comprends pas sans doute; mais l'Univers est sous mes yeux. J'y vois la tyrannie appesantir son bras de fer sur le malheureux genre humain ; j'y vois la multitude immolée au petit nombre, et le sang des hommes répandu sur la terre comme l'eau. J'entends les cris de la liberté qu'on opprime, de la faiblesse qu'on écrase, de l'innocence qu'on égorge, de la misère qu'on dépouille encore, de la nature entière qu'on méprise et qu'on outrage. Vingt monstres à forme humaine ont dit : « L'humanité » fut créée pour nous; qu'elle serve et qu'elle » meure; ses biens, ses travaux, son sang, tout » est à nous. » Le ciel les entend, et la foudre les épargne ! Mais quelquefois ce ciel plus doux permet que l'humanité respire, un bon roi alors est le plus précieux de ses bienfaits. Il aima la France, il lui donna le pieux Louis IX, le sage Charles V, |