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DISCOURS

QUE j'ai fait au roi Louis XVI, sur son sacre en 1775, comme directeur de l'Académie française.

SIRE,

Un prince dont la gloire aurait été sans tache s'il n'avait eu le malheur d'être un conquérant, Henri V, roi d'Angleterre, disait à ses sujets qui voulaient lui prêter serment avant qu'il eût été couronné: Attendez, pour me jurer obéissance, que j'aie moi-même juré obéissance aux lois. Chez nous, Sire, l'obéissance n'attend pas cette solennité : impatiente comme l'amour avec lequel elle se confond et dont elle prend toujours le caractère, vous l'avez vu éclater dès les premiers momens de votre règne.

C'est une maxime de cet empire, que, malgré le tems et la mort, la royauté est éternelle, que l'autorité n'est jamais suspendue, que la plénitude du pouvoir passe sans intervalle au successeur avec

l'amour des Français, portion sacrée de ce noble héritage. Que peut donc ajouter à la grandeur de nos rois cette imposante, cette attendrissante cérémonie de leur sacre? Elle les marque du sceau

de la religion, et les engagemens que la majesté royale vient y prendre, redoublent le zèle de la nation, en confirmant ses espérances. Ce vou, ce vœu divin de travailler au bonheur de vingt millions d'hommes, si c'est à Dieu seul qu'il est fait, s'il n'est écrit que dans le ciel, il n'en est que plus inviolable. Eh! quel autre garant de son exécution pourrions-nous desirer, que le cœur de Votre Majesté? Il vous éclaire, Sire, sur tous vos devoirs; il vous a seul inspiré ce dessein de maintenir ou de rétablir les mœurs en leur donnant pour règle votre exemple, et pour base l'économie ; il vous dira toujours qu'une guerre nécessaire est un fléau, qu'une guerre inutile est un crime e; que les deux plus funestes ennemis de la religion (après l'impiété qui l'outrage) sont l'intolérance qui la ferait haïr, et la superstition qui la ferait mépriser; qu'un roi doit à ses peuples la justice, et des juges dignes de la rendre, et des ministres nommés par la voix publique; qu'enfin il doit aux lettres une protection puissante, non-seulement parce qu'elles font la gloire ou même, selon Charles-le-Sage, la destinée des empires, mais surtout parce qu'elles

fortifient les vertus en étendant les lumières. C'est une vérité, Sire, dont votre Académie française me fournirait de fortes preuves et de grands exemples si je pouvais oublier qu'ayant l'honneur d'être ici son interprète, je ne dois parler à son auguste protecteur que de son respect et de sa recon

naissance.

HISTOIRE ABRÉGÉE

DE

L'ESCLAVAGE

E T

DE LA SERVIT U D E.

DISCOURS lu à l'Académie française, le 25 août 1780, au sujet de l'abolition de la servitude dans les domaines du roi.

Vous venez d'entendre, Messieurs, et le sujet que l'Académie avait proposé au zèle et aux talens des poètes, et le jugement qu'elle a porté de leurs efforts. Peut-être la haute idée qu'elle s'est faite d'un sujet où il s'agit d'un des plus grands intérêts de l'humanité, d'un des plus grands bienfaits du gouvernement, a-t-elle contribué à la rendre plus

sévère.

Si cette assemblée, accoutumée aux mouvemens de l'éloquence, aux charmes de la poésie, et attirée par l'espérance d'entendre de beaux vers, veut bien suspendre un moment sa juste impatience, et descendre avec indulgence jusqu'à la simplicité de l'Histoire, un écrivain dont le seul mérite sera

d'être fidèle, va, sans prétendre traiter ce sujet, en rappeler quelques particularités.

L'esclavage est un de ces présens funestes que guerre est en possession de faire au monde. L'institution est digne de son origine.

la

Quand on peut défendre l'humanité, nulle considération ne doit retenir; quand des nations qui se croient éclairées font encore la guerre, il faut oser leur redire qu'une guerre nécessaire est un fléau, qu'une guerre inutile est un crime. Quel droit pourrait résulter de pareils titres ?

Un conquérant, dans l'ivresse de la victoire et du carnage, s'est arrêté, non par humanité, non par justice, mais par intérêt (croirait-on qu'il fallût un intérêt aux hommes pour ne pas faire tout le mal qui est en leur pouvoir?) il a suspendu le glaive sur la tête du vaincu; il lui a permis de vivre à condition de servir et de consacrer tout son être au vainqueur.

Ceux qui n'ont pu supporter l'idée de la vie sans l'honneur et sans la liberté, ont rejeté cette clémence avilissante et intéressée. Mais quel prix la faiblesse humaine n'attache-t-elle pas à la vie! L'esclavage fut établi, et l'homme devint la propriété de l'homme.

Faisons grace à un principe vicieux en lui-même, dont l'effet a été de dépraver la nature dans le

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