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comédie-ballet, composée pour une fête aussi superbe que galante que le roi donna aux reines. Paris, ayant vu cette pièce dépouillee des ornemens qui l'avoient embellie à Versailles, en jugea moins favorablement. Le Mariage forcé, autre comédie-ballet, essuya le même sort. Une aventure arrivée au comte de Grammont lui en avoit fourui le sujet. Don Juan, où le Festin de Pierre, eut peu de succès l'auteur en supprima quelques traits d'impiété qu'il avoit cru pouvoir mettre dans la bouche d'un impie à la deuxième représentation. L'Amour médecin parut encore un de ces ouvrages précipités qu'on ne doit pas juger

qu'en sortant de la première représentation de cette pièce, le roi, apercevant le comte de Soyecourt, ennuyeux chasseur, dit à Molière : « Voilà un original que tu n'as pas encore copié. » En vingt-quatre heures la scène du chasseur fâcheux fut faite, et comme Molière ignoroit les termes de chasse, il pria Sovecourt lui-même de les lui indiquer. Dans Ecole des Femmes, donnée l'an- | nee d'après, tout paroît récit, et tout est action. Cette pièce souleya les censeurs, qui relevèrent quelques négligences de style, sans faire attention à l'art qui y règne, au jeu des personnages subalternes tous formés pour elle, au passage prompt et naturel de la rigueur. C'est la première surprises en surprises. Molière pièce où Molière aît attaqué la faleur répondit en faisant lui-même culté. On dit qu'ayant été ranune critique ingénieuse de sa çonné sur un lover que lui avoit pièce, qui fit disparoître toutes passé un médecin ignorant et les censures impertinentes qu'elle avare, il s'attacha dès-lors à jeter aveit produites. Vers le même du ridicule sur cette profession. temps, le roi, qui le regardoit « J'ai un médecin, disoit-il au roi, comme le législateur des bienséan- j'écoute tous ses conseils, je ne les ces du monde, et le censeur le suis pas; aussi, je me porte à plus utile de l'affectation des pré- merveille. » L'auteur s'acquit une euses, du langage scientifique gloire éclatante et solide par son des femmes érudites, et des ridi-Misanthrope, pièce peu applaucules de ses sujets, le mit sur Tétat des gens de lettres qui devoient avoir part à ses libéralités. Molière, pénétré des bontés de ce monarque, crut devoir détruire, dans l'Impromptu de Versailles, les impressions qu'avoit pu donner le portrait du peintre de Boursault. Cet auteur avoit malignement supposé une clef à PEcole des femmes, qui indiquoit les originaux copiés d'après nature. Molière les traita a.cc le dernier mépris; mais ce mépris ne tombe que sur l'esprit et sur les talens, et ne rejaillit qu'indirectement sur la personne. La cour goûta beaucoup, en 1664, la Princesse d'Elide

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die d'abord, mais regardée depuis comme l'un des plus beaux ouvrages de la comédie ancienne et moderne. Cependant il fant avouer qu'elle est plus admirée dans le cabinet que suivie théâtre. « Si on osoit, dit Voltaire, chercher dans le cœur humain la raison de cette tiédeur du public aux représentations du Misanthrope, peut-être la trouveroit-on, dans l'intrigue de la pièce dont les beautés ingénienses et fines ne sont pas également vives et intéressantes; dans les conversations mêmes, qui cont des morceaux inimitables, mais qui, n'étant pas toujours nécessaires à la pièce, peut-être refroidis

et s'écria: « Ah! messieurs, si cet ouvrage n'étoit pas fait il ne se feroit jamais. » Tartufe fut d'abord défendu. Huit jours après cette défense on représenta à la cour une pièce in itulée Scaramouche ermite, farce très - licencieuse. Le roi, en sortant, dit au grand Condé: « Je voudrois bien savoir pourquoi les gens qui se scanda

Voy. MAIMBOURG, no I.) Molière donna, en 1668, Amphitryon comédie en 3 actes, imitée de Plaute, et supérieure à son modèle, où le poëte respecte moins les bienséances que dans le Tartufe. A l'exception d'une scène assez ennuyeuse entre Jupiter et Alcmène, il n'y en a point qui soit plus plaisante. Voltaire dit que la première fois qu'il la lut il tomba à la renverse à force de

sent un peu l'action, pendant qu'elles font admirer l'auteur; enfin, dans le dénouement, qui, tout bien amené et tout sage qu'il est, semble être attendu du public sans inquiétude; et qui, venant après une intrigue peu attachante, ne peut avoir rien de piquant. En effet, le spectateur ne souhaite point que le Misanthrope épouse la coquette Célimène, et ne s'in-lisent si fort de la comédie de quiette pas beaucoup s'il se déta- Molière, ne disent rien de celle chera d'elle. Enfin on prendroit de Scaramouche? Les coméla liberté de dire que le Misan- diens italiens, répondit le prince, thrope est une satire plus sage et n'ont offensé que Dieu; mais les plus fine que celles d'Horace et français ont offensé les dévots. » de Boileau, et pour le moins aussi bien écrite, mais qu'il y a des comédies plus intéressantes, et que le Tartufe, par exemple, réunit les beautés du style du Misanthrope avec un intérêt plus marqué.» (Voyez WICHERLEY.) Les applaudissemens des gens de goût ayant consolé Molière des dédains de la multitude pour cette pièce, il ne se rebuta point. Le Médecin malgré lui parut en 1666. C'est une farce très-gaie et très-rire. L'Avare, autre imitation de bouffonne. Le Sicilien ou l'Amour peintre est une petite pièce qu'on voit avec plaisir, parce qu'on y trouve de la grace et une galanterie moins triviale que dans quel ques autres comédies. Mais l'admiration fut à son comble lorsque le Tartufe parut. En vain lesnelle est avilie. « C'est un grand Orgons, les imbécilles et les faux vice, dit J. J. Rousseau, d'être dévots se soulevèrent contre l'au- avare et de prêter à usure; mais teur, la pièce fut jouée et admi- n'en est-ce pas un plus grand enrée. L'hypocrisie y est parfaite core à un fils de voler son père, ment dévoilée, les caractères en de lui manquer de respect, de lui sont aussi variés que vrais, le faire mille insultans reproches ; dialogue également fin et natu- et quand ce père irrité fui donne rel. Cette pièce subsistera tant sa malédiction, de répondre d'un qu'il y aura en France du goût et air goguenard qu'il n'a que faire des hypocrites. La première pièce de ses dons? Si la plaisanterie est que Piron vit jouer à Paris fut le excellente, en est-elle moins puTartufe; son admiration alla jus-nissable; et la pièce où l'on fait qu'à l'extase. Après l'avoir enten- aimer le fils insolent qui l'a faite, due, il se retourna vers ses voisins, en est efle moins une école

Plaute, est un peu outré dans le caractère principal; mais le vulgaire ne peut être ému que par des traits marqués fortement. Un reproche sur lequel il est plus difficile de le justifier, c'est que, dans cette pièce, l'autorité pater

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Rien ne manque à sa gloire, il manquoit à la notre.

de mauvaises moeurs?» George | vacante à l'académie française Dandin, ou le Mari confondu et il n'auroit plus joué que dans Monsieur de Pourceaugnac, les le haut comique. Cette compagnie Fourberies de Scapin, sont d'un lui a rendu un nouvel hommage comique plus propre à divertir en 1778, en plaçant son buste qu'à instruire, quoiqu'il s'y trouve dans la salle où sont les portraits des scènes dignes de Molière. Le des académiciens. Elle a voulu, Bourgeois gentilhomme, quoiqu'il par cette espèce d'adoption possoit mêlé aussi de quelques farces, thume, se dédommager du désaest d'un comique bien supérieur, grément de ne l'avoir pas possédé et plein de force. Molière travailla pendant sa vie. Cette statue, qui avec plus de soin sa comédie des est un chef-d'œuvre de M. HouFemmes savantes, satire ingé- don, a été donnée à l'académie nieuse du faux bel-esprit et de par d'Alembert. Entre plusieurs l'érudition pédantesque qui ré-inscriptions proposées pour ce gnoient alors à l'hôtel de Ram- buste, on a choisi ce vers de bouillet, Les incidens n'en sont Saurin: pas toujours bien combinés, ainsi que dans quelques autres de ses pièces; mais son sujet, quoique aride en lui-même, y est repré- L'archevêque de Paris, refusant de senté sous une face très-comique. lui accorder la sepulture, la La scène entre Trissotin et Va-veuve de ce grand homme dit : dius fut imaginée d'après une « On refuse un tombeau à celui dispute élevée entre l'abbé Cotin à qui la Grèce auroit dressé des et Ménage. Le dénouement en est autels. » Le roi engagea ce préadmirable et a été cent fois imité; lat à ne pas couvrir de cet opproil en est de même de celui du bre la mémoire d'un homme aussi Malade imaginaire. Cette pièce illustre, et il fut enterré à Saintoffre un comique d'un ordre infé- Joseph, à la paroisse Saint-Eusrieur à celui des Femmes savan- tache. Lors de la destruction de tes, mais il peint parfaitement la ce cimetière, son corps fut relevé charlatanerie et le pédantisme des avec soin et remis à M. Alexandre médecins à l'époque où il écrivoit. Lenoir qui le fit transporter daus (Voy. MALOUIN, n° II.) Ce fut par le jardin Élysée du Musée impécette pièce que l'auteur termina rial des monumens français, où il sa carrière. Il étoit incommodé le déposa dans une urne de forme lorsqu'on la représenta. Sa femme antique, avec cette simple inset Baron le pressèrent de prendre cription, Molière est dans ce du repos et de ne point jouer: tombeau ; et il fit placer le 28 janEh! que feront, leur répondit- vier 1799, le buste de Molière il, tant de pauvres ouvriers? Je dans la rue des Piliers des Halles me reprocherois d'avoir négligé sur la maison ou est né ce grand un seul jour de leur donner du homme, et a fait graver sur un pain.» Les efforts qu'il fit pour marbre l'inscription suivante achever son rôle lui canserent Jean-Baptiste Pocquelin de Moune convulsion, suivie d'an vo- lière est né dans cette maison. missement de sang qui le suffo- Tous les rimailleurs de Paris qua quelques heures après, le 17 s'exercerent à lui faire des épifévrier 1673. Il étoit alors désigné taphes. Un d'eux en montra une pour remplir la première place satirique au grand Condé, qui

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Tu réformas et la ville et la cour
Mais quelie en fut la récompense?
Les Français rougiront un jour
De leur peu de reconnoissance.
Il leur fallut un comédien,

Qui mît à les polir sa gloire et son étude :

miliées d'avoir eu dans leur famille l'auteur du Tartufe. Elles s'étoient imposé, tous les ans, un jeûne extraordinaire en expiation de cette parenté. On peut regarder les ouvrages de Molière, comme l'histoire des mœurs, des modes et du goût de son siècle et comme le tableau le plus fidèle de la vie humaine. Né avec un esprit de réflexión, prompt à remarquer les expressions extérieures des passions et leurs mouvemens dans les différens états, il saisit les hommes tels qu'ils étoient, et exposa en habile peintre

Mais, Molière, à ta gloire il ne manqueroit les plus secrets replis de leur

rien,

Si, parmi les défauts que tu peignis si bien, Tu les avois repris de leur ingratitude. Cette ingratitude ne fut pas durable, et l'on reconnut bientôt tout son mérite après sa mort, comme le dit Boileau dans sa 7 Epître :

Avant qu'un peu de terre, obtenu par prière, Pour jamais sous a tombe eût enfermé Molière,

Mille de ces beaux traits, aujourd'hui si vantés,

Furent des sors esprits à nos yeux reburés. L'ignorance et l'erreur, à ses naissantes pièces,

En habits de marquis,en robes de comtesses, Venoient pour diffamer son chef-d'œuvre nouveau,

Et secouoient la tête à l'endroit le plus

beau.

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cœur, et le ton, le geste, le langage de leurs sentimens divers. « Ses comédies bien lues, dit de La Harpe, pourroient suppléer à l'expérience, non parce qu'il a peint des ridicules qui passent, mais parce qu'il a peint l'homme qui ne change point... Quel chef-d'œuvre que l'Avare! Chaque scène est une situation; et l'on a entendu dire à un avare de boune foi qu'il y avoit beaucoup à profiter dans cet ouvrage, et qu'on pouvoit en tirer d'excellens principes d'économie. Molière est de tous ceux qui ont jamais écrit celui qui à le mieux observé l'homme sans annoncer qu'il l'observoit; et même il a plus l'air de le savoir par cœur que de l'avoir étudié. Les Crispins de Regnard, les Paysans de Dancourt font rire au théâtre. Dufres ni étincelle d'esprit dans sa tournure originale. Le Joueur et le Légataire sont de beaux ouvrages. Mais rien de tout cela n'est Molière; il a un trait de physionomie qu'on n'attrape point, et même qu'on ne définit guère. On le retrouve jusque dans ses moindres farces, qui ont toujours un fond de gaieté et de morale.

plaît autant à la lecture qu'à

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la représentation; ce qui n'est vieille servante, nommée Laforêt, arrivé qu'à Racine et à lui: et et lorsque les plaisanteries ne l'amême de toutes les comédies, voient point frappée, il les corcelles de Molière sont à peu près rigeoit. Pour éprouver son goût les seules qu'on aime à relire. il lui lut un jour quelques scènes Plus on connoît Molière, plus d'une comédie de Brecour, en on l'aime; plus on étudie Mo- les donnant comme de lui; la liere, plus on l'admire après servante s'aperçut dès le commenl'avoir blâmé sur quelques ar- cement de la supercherie, et ticles, on finira par être de son soutint à son maître que la pièce avis. Les jeunes gens pensent ne pouvoit être de lui. Il exigeoit communément qu'il charge trop. aussi des comédiens qu'ils ameJ'ai entendu blâmer le pauvre nassent leurs enfans à la lecture komme répété si souvent, j'ai vu qu'il faisoit de ses pièces, afin depuis la même scène et plus de tirer des conjectures de leurs forte encore, et j'ai compris qu'on mouvemens naturels. Molière ne pouvoit guère charger ni les qui s'égayoit sur le théâtre aux ridicules ni les passions. Molière dépens des foiblesses humaines, est l'auteur des hommes mûrs et ne put se garantir de sa propre des vieillards. Leur expérience se foiblesse. Séduit par un penchant rencontre avec ses observations, violent pour la fille de la coméet leur mémoire avec son génie... dienne Béjart, il l'épousa, et se On se plaint qu'on ne travaille trouva exposé au ridicule qu'il plus dans le goût de Molière. Je avoit si souvent jeté sur les maris. pense qu'on a bien fait d'en essayer Plus heureux dans le commerce d'autres. Le champ où il a mois- de ses amis, il fut chéri de ses sonné est moins vaste qu'on ne confrères, et recherché des grands. l'imagine; et quand il resteroit Le maréchal de Vivonne, le grand quelque coin où il n'auroit pas Condé, Louis XIV même, viporté la main, on craindroit en- voient avec lui dans cette famicore de se trouver dans son voi- liarité qui honore également le sinage. » Boileau regarda tou- mérite et la naissance. Des disjours Molière comme un homme tinctions si flatteuses ne gâtèrent unique, et il l'avoit surnommé ni son esprit ni son cœur. Il étoit le Contemplateur. Le roi, deman- doux, complaisant, généreux. dant à Racine quel étoit le pre- Comme il revenoit d'Auteuil avec mier des grands écrivains qui le musicien Charpentier, un pauvre ayoient paru pendant son règne, lui ayant rendu une pièce d'or lui nomma, dit-on, Molière. « Je qu'il lui avoit donnée par mégarde: ne le croyois pas, répondit Louis « Où la vertu va-t-elle se nicher, XIV; mais vous vous y connoissez s'écria Molière ? Tiens, mon mieux que moi. » Cette anecdote ami, dit-il, en voilà une autre... » et la suivante doivent paroître fort Baron lui annonça un jour un de douteuses. Louis XIV avoit ses anciens camarades, que l'extrop de goût, et un tact trop dé-trême misère empêchoit de palicat des convenances pour de- roître Molière voulut le voir, mander quel étoit le premier écri- l'embrassa, le consola, et joivain de son siècle à Racine quignit à un présent de 20 pistoles étoit incontestablement le pre-un magnifique habit de théâtre. mier écrivain. On rapporte que Il avoit été le bienfaiteur de RaMolière lisoit ses comédies à une cine; il lui avoit donné un sujet

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