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cela traîne, si je puis dire, partout. Je fais cette remarque pour ceux qui auraient été d'avis que je fisse connaître, à chaque détail, la source et les autorités. Ces choses, je le répète, sont une sorte de domaine commun, et appartiennent de temps immémorial à tout le monde. A supposer d'ailleurs qu'il me prît fantaisie de satisfaire les amateurs de notes, et de transporter au bas de mes pages l'appareil prétendu critique que d'autres ont transporté au bas des leurs sans qu'il leur en ait infiniment coûté, sait-on ce qui arriverait? il y a telle de mes pages qui en ferait deux, ou plus peut-être. Mes livres ne seraient donc plus ce qu'ils sont : ce n'est pas dans cette collection historique qu'ils auraient leur place; ce n'est pas au public des simples lecteurs qu'ils s'adresseraient; et la majesté de leur développement exigerait, j'imagine, et plus de volumes, et des volumes d'un format plus ample.

A propos de notes et de citations, il me revient à la mémoire que plusieurs sont allés disant que je n'avais pas assez souvent confessé, ni assez haut, dans mon Histoire de la Littérature grecque, tout ce que je devais à l'Histoire de la Littérature de l'ancienne Grèce par l'illustre Ottfried Müller. Cet on dit ne s'accorde pas très-parfaitement avec le mot de certain journaliste, qui m'a tancé d'importance sur ce qu'il appelle mon adoration et mon fétichisme pour l'auteur des Doriens. N'importe! il est reçu quelque part que mon livre n'est qu'une copie plus ou moins réduite du livre de Müller. Franchement, je ne me doutais pas que je fusse si peu moi-même. Il me semblait pourtant que Müller était mort, il y a sept ou huit ans, avant d'avoir terminé son ouvrage, et que, même dans ce qu'on avait publié en allemand, il ne dépassait

pas beaucoup la moitié de la carrière. Il me semblait aussi que je n'avais jamais su assez d'allemand pour être en état de lire dix lignes de Müller en allemand; que je n'avais jamais lu, de l'ouvrage de Müller, que le volume publié en anglais, à Londres, dans la Bibliothèque des Connaissances usuelles, et que les matières contenues dans ce volume correspondaient aux vingt et un premiers chapitres de mon ouvrage, qui a plus de cinquante chapitres. Il me semblait enfin, que, dans la partie qui m'est commune avec ce que je connais de Müller, mes opinions étaient loin d'être toujours d'accord avec celles de Müller. Évidemment, je me trompais des gens qui savent si bien leur Müller, et qui ont si consciencieusement confronté l'original et la copie, ne peuvent pas avoir tort. Ainsi, mes trente derniers chapitres Müller! Ainsi, mon étude sur les origines du théâtre grec et sur Eschyle, qui date de douze ans Müller! Ainsi, mes résumés des dissertations de Nitzsch, de celles de MM. Vincent et Havet et de tant d'autres critiques: Müller! Ainsi, mes discussions contre Müller, ou contre ceux dont Müller partage les idées : Müller, toujours Müller! O mon pauvre livre! tu n'es donc qu'une chose impersonnelle, qu'un travail quasi-mécanique, qu'une réduction à la Collas!

Je ne désespère pas que ces ingénieux et équitables estimateurs des livres ne donnent aussi la juste mesure à laquelle on devra toiser celui-ci. Ils vont donc révéler qu'il existe tel ou tel ouvrage, plus ou moins allemand, sur l'histoire de la littérature romaine, et que l'ouvrage que je publie aujourd'hui n'en est qu'une copie, qu'un abrégé, qu'un développement, qu'une contrefaçon, qu'une transformation peut-être. Parlons sérieusement. J'ai re

gretté plus d'une fois que l'histoire des lettres latines n'eût pas eu son Müller, et un Müller écrit ou traduit en quelque idiome à moi suffisamment connu. Bien des chapitres qu'on trouvera secs, dénués d'intérêt, tranchons le mot, ennuyeux, auraient une meilleure physionomie, si les sujets que j'y traite avaient été auparavant vivifiés et fécondés par le vigoureux esprit de Müller. Bien des points seraient mieux éclaircis; bien des figures seraient plus exactement et plus complétement dessinées. J'ai dû me contenter de secours moins efficaces. Mais ce qui dédommagera, j'en suis sûr, amplement le lecteur, c'est le grand nombre de belles pages que j'ai pu recueillir, dans notre littérature, sur les héros de la littérature romaine. On n'aura pas des aperçus de Müller; mais on aura des jugements littéraires portés par des hommes qui s'y connaissaient, et aussi bien pour le moins que Müller. Bossuet et Buffon, par exemple, Diderot et Chénier, Thomas et Fontanes, sans compter ceux que je ne nomme pas ici, donneront au lecteur des plaisirs que Müller lui-même serait impuissant à leur donner. Je dirai aussi que les questions obscures de l'histoire littéraire de Rome ne sont pas des questions très-importantes, et que, même à les mal présenter, il n'y a pas grand dommage, sinon pour la vanité de celui qui n'a pas su s'en tirer. Ceci n'est pas tout à fait à mon avantage. Mais un point où pour moi tout est bénéfice, c'est qu'il n'y a pas, dans la littérature romaine, de ces questions qui sont tout à la fois et des problèmes difficiles à résoudre, et des problèmes qu'on ne peut résoudre, soit dans un sens soit dans un autre, sans mécontenter quelqu'un. Je suis presque enchanté que Rome n'ait ni Iliade ni Odyssée. Je n'aurai pas

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à m'armer de courage pour crier une seconde fois, au risque de passer pour un révolutionnaire, que nos pères n'étaient pas tout à fait stupides de croire qu'Homère avait existé, ou pour caractériser de nouveau l'étrange illusion des chorizontes.

Je manquerais à ce que je me dois à moi-même, si je ne remerciais, en finissant, mon très-cher ami et collègue V. Duruy, de m'avoir associé, pour mon humble part, à sa grande et utile idée. Mes livres ont l'honneur insigne d'être les compléments des siens puissent-ils seulement faire à peu près passable figure à la suite de cette Histoire grecque et de cette Histoire romaine, qui sont de si bons et de si beaux livres !

N. B. (1857) La deuxième édition est conforme à la première; il y a très-peu d'additions, mais les corrections de détail sont très-nombreuses.

(1863) La troisième édition a été pareillement revue avec le plus grand soin.

HISTOIRE

DE LA

LITTÉRATURE ROMAINE.

CHAPITRE PREMIER.

LANGUE DES ROMAINS.

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Caractères généraux de la langue latine. Mots composés. Déclinaisons; conjugaisons. Qualités particulières de la langue latine. Origines de la langue latine. - Longue enfance de la langue latine.

Caractères généraux de la langue latine.

La langue latine, telle que nous la connaissons par les monuments de la littérature classique, est manifestement la sœur ou la fille de cette belle langue grecque dont nous avons essayé ailleurs d'énumérer les qualités et d'esquisser la physionomie. Non-seulement une foule de mots latins sont des mots grecs, mais il y a, entre les deux langues, parfaite analogie de syntaxe, de constructions, de dérivations, de désinences. Les ingénieuses remarques d'Ottfried Müller sur l'organisme vivant des mots dans les idiomes des anciens peuples, et sur la beauté extérieure de la phrase antique, ne sont guère moins vraies du latin qu'elles le sont du grec; et, bien que le grec l'emporte sur le latin par la richesse, par la variété, par l'élégance et la grâce, on peut dire que les Romains aussi avaient, pour traduire la pensée, pour la mettre en relief, pour l'exprimer dans toute son énergie, un des plus admirables instruments dont se soient jamais servis les hommes.

LITT. ROM.

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