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P. Sempronius Asellio.

Un tribun militaire, qui avait servi sous Scipion Émilien dans la guerre de Numance, P. Sempronius Asellio, rédigea une relation de cette guerre fameuse; et Aulu-Gelle nous a conservé quelques lignes de son écrit. Elles sont assez caractéristiques. Elles prouvent qu'Asellio avait voulu faire autre chose que ceux qui se bornaient à imiter la manière et le style des pontifes, et qu'il savait en quoi doit consister l'histoire. On ne dit pas qu'il eût fait un chef-d'œuvre; mais l'historien qu'on va entendre n'a pas pu laisser un livre absolument dépourvu de mérite: « Voici la différence qu'il y a entre ceux qui se sont proposé de donner des annales et ceux qui ont fait effort pour écrire l'histoire du peuple romain. C'est que les annales se bornent à rapporter les faits dans l'ordre des années, de même qu'on les consigne dans un journal, ou, pour me servir du mot des Grecs, dans une éphéméride. Quant à moi, je ne pense pas que ce soit assez d'énumérer les événements: il faut aussi en faire connaître les causes, en expliquer l'esprit. Des annales n'ont aucune efficacité, ni pour animer les citoyens à mieux défendre la république, ni pour leur inspirer plus d'horreur pour les mauvaises actions. Or, noter simplement sous quel consul telle guerre a commencé, et comment elle a abouti, et qui est entré en triomphe à Rome, et quels événements ont signalé cette guerre, mais passer sous silence les décrets rendus dans le sénat pendant ce temps, les lois ou les plébiscites qui ont été portés, la politique qui a tout dirigé : c'est faire des contes pour les enfants, ce n'est pas écrire des histoires. >>

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Autobiographies.

Deux Romains distingués, M. Émilius Scaurus et P. Rutinas Rufus, avaient écrit l'histoire de leur propre vie; et leurs livres avaient encore des lecteurs au siècle des Antoins. Tacite, dans le préambule de la Vie d'Agricola, rappelle l'exemple qu'ils ont donné ; il dit aussi qu'on ne les taxa point de vanité pour avoir parlé d'eux-mêmes, et qu'on ne mit jamais leur sincérité en doute. Mais Tacite ne dit pas

que Rutilius et Scaurus fussent ni l'un ni l'autre de grands écrivains. Je ne crois pas que Sylla en fût un non plus; ou plutôt je suis persuadé qu'il se piquait assez peu de passer pour tel, et que ses Mémoires n'étaient pas un chef-d'œuvre littéraire. Mais le caractère étrange du sanglant dictateur, les grands événements qui avaient rempli cette vie de soldat et de politique, les préjugés de l'homme, ses mœurs bizarres, tout ce qui a fait de Sylla un des problèmes historiques les plus complexes et les plus obscurs: il n'en fallait pas tant pour faire d'une telle autobiographie un ouvrage trèscurieux, très-original, très-instructif même. Sans les révélations de Sylla, nous ne connaîtrions pas Sylla. Plutarque en savait quelque chose : aussi a-t-il largement puisé à la bonne source. Sa Vie de Sylla peut nous consoler, jusqu'à un certain point, de la perte du livre d'où il l'a principalement tirée. Elle est bien intéressante et bien habilement composée; pourtant j'aimerais mieux encore lire les Mémoires de Sylla, même arrangés ou gâtés par son affranchi Cornélius Épicadius.

Historiens contemporains de Sylla.

Les Mémoires de Sylla devaient avoir au plus haut degré cet intérêt humain qu'on cherche avant tout dans les mémoires des hommes fameux. Ceux de Q. Lutatius Catulus, le vainqueur des Cimbres, n'étaient pas précisément une autobiographie. Cicéron dit que l'ouvrage de Catulus était écrit avec une grâce digne de Xénophon. C'était le récit des opérations stratégiques de la guerre dans laquelle Catulus avait conquis sa renommée. L. Cornélius Sisenna écrivit l'histoire des guerres civiles de Marius et de Sylla, et son ouvrage eut assez de succès pour que Salluste ne crût point déroger à sa dignité d'en écrire la continuation : Salluste, dans sa grande histoire, avait pris les événements au point même où les avait laissés Sisenna. Q. Claudius Quadrigarius et Q. Valérius d'Antium ne se bornèrent pas, comme Sisenna, à traiter un point particulier de l'histoire romaine. Leurs livres, intitulés Annales, étaient des histoires plus ou moins complètes. Il reste d'assez longs fragments de celui

de Quadrigarius, entre autres le récit du combat où T. Manlius Torquatus gagna son surnom. Autant qu'il est permis de juger d'un auteur d'après quelques pages, Quadrigarius, sans être un narrateur bien habile ni un écrivain consommé, ne manquait ni de goût ni d'une certaine élégance. Son style avait, comme le dit Aulu-Gelle, cette pureté, ce naturel, ce je ne sais quoi d'agréable qui tient à la simplicité d'une langue un peu rude et naïve. La lettre des consuls. romains au roi Pyrrhus, telle que Quadrigarius l'a rédigée, mérite le même éloge que les récits de l'historien. On y sent déjà quelque chose de cet art de faire parler les hommes, où devaient plus tard exceller les Salluste et les Tite Live: « Les consuls romains au roi Pyrrhus, salut. Toujours animés du même courage pour tirer vengeance de tes injures, nous ne songeons qu'à te traiter en ennemi, et nous mettons tout ce que nous avons de zèle à te faire la guerre. Mais, pour donner au monde l'exemple de la loyauté, nous sommes résolus à préserver ta vie : nous voulons pouvoir te vaincre les armes à la main. Nicias, un homme de ta maison, est venu vers nous, nous proposer de te faire périr en secret, moyennant un salaire. Nous avons refusé de l'entendre; nous lui avons ôté l'espoir de rien tirer de nous; en même temps, nous avons cru à propos de t'avertir, afin que, si on attentait à ta vie, les peuples ne pussent croire que nous avons préparé le crime, et que nous combattons nos ennemis dans l'ombre, par la trahison soldée et par l'assassinat; moyens qui ne sont point à notre usage. Tiens-toi sur tes gardes, ou crains de périr. » Ce qu'on cite de Valérius d'Antium est infiniment peu de chose; et encore les transcripteurs n'ont-ils pas reproduit les paroles textuelles de l'historien. Nous nous dispenserons donc de chercher, dans de pareilles reliques, ce qui pouvait caractériser son style et sa manière. Je remarquerai seulement qu'on ne sépare guère le nom de Valérius d'Antium de celui de Quadrigarius, et que les qualités et les défauts de l'un semblent avoir été, à peu de chose près, les défauts et les qualités de l'autre.

Il ne nous reste plus qu'à rappeler quelques noms plus ou moins obscurs : C. Licinius Macer, dont les Annales ont

été plus d'une fois mises à profit par Tite Live; L. Otacilius Pilitus, qui avait raconté les exploits de Pompée; Q. Élius Tubéro, auteur de plusieurs ouvrages historiques; Vennonius, Munatius Rufus, Q. Dellius. Ces derniers, et tous ceux que je pourrais énumérer encore, ne sont pour nous que des

noms.

On voit si j'avais raison de craindre que ce chapitre ne fût qu'ennuyeux. Nous allons trouver, je l'espère, une matière . un peu moins ingrate. L'éloquence, après Caton, ne déchut pas comme l'histoire; et plus d'un Romain, avant Cicéron, se montra digne du titre d'orateur.

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Lélius et Scipion Émilien.

Discours de Lélius. - Discours de Scipion. - Lépidus Porcina. - Carbon. Institutions favorables au développement de l'éloquence.. Les Gracques. Eloquence des Gracques. - Discours de Tibérius. Discours de Caïus.

Le Brutus de Cicéron.

Cicéron a écrit une histoire de l'éloquence. C'est le dialogue intitulé Brutus, ou des Orateurs illustres. Nous nous bornerons, en général, à rédiger, d'après ce grand critique, la liste des orateurs romains, et à transcrire les jugements qu'il a portés sur eux. Mais le Brutus est à la fois incomplet et surabondant: incomplet, car les hommes les plus fameux par leur éloquence ne sont pas toujours ceux à qui Cicéron a consacré le plus de place dans son livre; surabondant, car Cicéron énumère une foule d'hommes qui n'ont presque rien eu de commun avec l'éloquence. Il suffit qu'on se soit mêlé un instant des affaires de l'État, qu'on ait été sénateur, qu'on ait émis publiquement son avis sur quelque mesure à prendre Cicéron s'en souvient; il vous en sait gré, et il

vous compte au nombre des orateurs; il ne vous ménage même pas les éloges. Son patriotisme romain le tient, pour ainsi dire, dans une illusion perpétuelle, et lui fait voir des orateurs là où il n'y a eu que des parleurs plus ou moins sérieux. Nous choisirons donc parmi tous ces noms; et nous chercherons, dans Cicéron ou ailleurs, de quoi mettre les principaux dans une suffisante lumière.

L'Éloquence judiciaire après Caton.

Il ne faut pas qu'on s'attende à trouver, après Caton, un développement régulier de tous les genres d'éloquence. Plusieurs restèrent en germe; l'éloquence politique seule poussa dans tous les sens ses jets vigoureux. Caton avait fait déjà retentir les tribunaux d'accents solennels, et la collection de ses discours écrits contenait plus d'un plaidoyer. Ses successeurs se remirent aux vieilles méthodes : ils se contentèrent d'être légistes et ergoteurs; et ils pensèrent, avec raison, que la postérité se soucierait médiocrement de jeter les yeux sur des discussions de textes, même assaisonnées de sel romain. Aussi leurs plaidoyers ne furent-ils que paroles volantes. Du moins on aperçoit à peine quelques rares vestiges des monuments de l'éloquence judiciaire proprement dite, depuis le temps de Caton jusqu'à celui des orateurs illustres dont Cicéron fut l'héritier immédiat ou l'émule.

Genre démonstratif.

Il en est de même pour ce qui concerne le genre démonstratif, comme on l'appelle. Ce n'est pas qu'on se fit faute, par exemple, de prononcer des oraisons funèbres. L'usage antique subsistait; mais on ne voit pas que personne, sauf peut-être Lélius, ait songé, durant tout un siècle, à écrire rien de pareil aux discours de Q. Métellus ou de Fabius Maximus. Pour rencontrer une oraison funèbre écrite, on est réduit à descendre le cours des temps jusqu'à Cicéron même. Mais ne parlerons-nous pas des inscriptions qu'on gravait sur les tombeaux? Ce ne sont pas des discours, il est vrai; ce sont quelquefois des choses belles et éloquentes. Les Romains ont excellé dans l'épitaphe. On en a déjà vu

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