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quelque chose on va le voir encore. Voici une épitaphe en vers ïambiques, qui n'a pas pu trouver sa place dans les chapitres que nous avons consacrés aux poëtes. L'auteur en est inconnu. On devine la date, à certaines particularités du langage et de l'orthographe: sovo pour suo, pulcrai pour pulcræ, deico pour dico, etc. Je profite avec empressement de l'occasion qui me permet d'en faire jouir le lecteur. C'est un éloge funéraire, sinon une oraison funèbre; le titre est même, Eloge de Claudia. « Passant, j'ai peu à te dire; arrêtetoi donc, et lis. Ici est le modeste tombeau d'une belle femme. Ses parents lui avaient donné le nom de Claudia. Elle aima son mari de tout son cœur ; elle mit au monde deux fils l'un des deux vit encore après elle, l'autre repose en terre. Elle était d'un entretien agréable, d'un abord charmant. Elle garda la maison; elle fila de la laine. J'ai dit. Adieu. »

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Servius Sulpicius Galba.

Servius Sulpicius Galba, le dernier adversaire contre lequel Caton essaya ses forces, était un orateur très-habile, un homme d'un vrai talent, et capable de tenir tête à l'accusateur. Mais sa cause était mauvaise; et ce n'est point par des arguments oratoires qu'il détruisit l'effet des attaques du terrible vieillard. Il apitoya les Romains sur le sort de ses enfants et d'un neveu qui était son pupille. Il fit paraître à ses côtés ses deux fils et le fils de son frère Sulpicius Gallus; il les embrassa en pleurant; il prononça quelques paroles touchantes; et le peuple fut désarmé, et les abus d'autorité dénoncés par Caton furent pardonnés au magistrat, par considération pour le père de famille. Galba avait laissé trois discours écrits; mais c'est à peine s'il en reste trois mots authentiques. Cicéron nous apprend que cet orateur fut le premier, à Rome, qui sut mettre en œuvre les ressources de l'art des Grecs, l'amplification, les digressions, les lieux communs, en un mot tout ce qui vise à charmer l'esprit. Mais ce qui faisait surtout le succès de Galba, c'était son adresse à s'emparer des affections de l'auditeur, et à forcer l'assentiment, à défaut de la conviction. Cicéron toutefois avoue que les discours de Galba laissaient

beaucoup à désirer : le style en était un peu sec et maigre, et il sentait son antique plus que le style de Lélius ou de Scipion, plus que celui de Caton même.

Lélius et Scipion Emilien.

On ne peut guère séparer les noms de ces deux hommes, qui furent unis d'une si étroite amitié pendant leur vie, et que les anciens ne nomment presque jamais l'un sans l'autre. Ils étaient tous les deux orateurs distingués; mais la différence des caractères en mettait une assez tranchée entre l'éloquence de l'un et celle de l'autre. L'éloquence de Scipion était plus vive et plus passionnée; celle de Lélius était plus savante, plus agréable, plus attique, plus émaillée de mots heureux et de fines plaisanteries. Scipion orateur était encore un soldat; Lélius orateur n'était que l'homme sage habile dans l'art de convaincre. Au reste, il serait difficile de dire lequel des deux était le plus complétement possédé de l'amour du bien et du beau; lequel l'emportait par la noblesse des sentiments, par l'élévation de la pensée, par la solidité et la variété des connaissances. Il a déjà été question ailleurs de leurs goûts littéraires. Panétius, le grand philosophe et le grand écrivain, fut leur maître et leur ami. Diogène le stoïcien, avant Panétius, les avait initiés aux nobles doctrines de l'école de Zénon. La culture grecque avait perfectionné, mais non gâté leur esprit : c'étaient des Romains dignes de la Grèce, mais qui n'avaient pas démérité de Rome. Caton, l'adversaire acharné de tous les leurs, les aima comme des fils; et Périclès se fût applaudi de laisser après lui de pareils héritiers.

Discours de Lélius.

Les fragments des discours de Lélius ne sont pas beaucoup plus considérables que ceux des discours de Galba. Il y a lieu pourtant de dire un mot de quelques titres, et de transcrire les cinq ou six lignes que nous avons de Lélius. Le titre Plaidoyers pour les publicains ne prouve pas que Lélius eût rédigé des discours proprement judiciaires. Ces plaidoyers, ou, selon le mot latin, ces actions, étaient sans

doute d'un genre mixte, demi-judiciaire, demi-politique, comme sont certains discours de Cicéron, entre autres les Verrines. Scipion, après sa mort, eut deux panégyristes, Fabius Émilien son frère, et son neveu Q. Tubéro. Mais les deux discours étaient l'œuvre de Lélius, s'il en faut croire certains témoignages. Cicéron fait allusion quelque part à un passage du discours prononcé par Fabius; et un scholiaste de Cicéron nous a conservé ce passage, qui vaut la peine qu'on le recueille : « Ainsi donc, Romains, nous ne saurions rendre grâce aux dieux immortels autant que nous le devons, de ce qu'un tel homme, animé d'un tel esprit, doué d'un tel génie, est né dans cette république et non ailleurs; et nous ne saurions donner preuve ni d'assez de déplaisir, ni d'assez de chagrin, de ce qu'il a été victime d'une telle maladie, et de ce qu'il a péri dans un temps où nous avions surtout besoin qu'il fût vivant, vous et tous ceux qui désirent le salut de cet État. »

Discours de Scipion.

Nous sommes plus heureux avec Scipion qu'avec Lélius. Aulu-Gelle, Macrobe et d'autres nous ont transmis un certain nombre de morceaux tirés des discours du destructeur de Carthage. Ces fragments répondent assez bien à l'idée qu'on doit se faire du caractère et de l'esprit du fils de Paul Emile. Le style de Scipion a quelque chose de sévère et de hautain, qui sent l'homme habitué au commandement. C'est presque la rudesse et la franchise de Caton. Voyez l'orateur, attaqué par Tibérius Asellus, couvrir l'accusateur de ses mépris, et l'accabler de sa véhémence : « Tout ce que les hommes font de mauvais, de honteux, de criminel, est compris dans ces deux vices, la méchanceté de l'âme et la dépravation des mœurs. De quoi veux-tu te justifier? Est-ce de la méchanceté? est-ce de la dépravation? est-ce à la fois de l'une et de l'autre ? Si tu prétends qu'on ne t'accuse point de dépravation, libre à toi; mais les sommes que tu as dépensées pour une seule prostituée excèdent le prix que tu as déclaré aux censeurs pour tout le mobilier de ta terre de Sabine. Tu le nies? qui te cautionne de mille sesterces?

Mais tu as dépensé et dissipé en débauches infâmes plus d'un tiers de l'argent paternel. Tu le nies? qui te cautionne de mille sesterces? Tu renonces à la défense sur la dépravation: hé bien, réponds au moins sur la méchanceté. Mais tu t'es parjuré solennellement, et de propos délibéré. Tu le nies? qui te cautionne de mille sesterces? »

Il y a, dans ce qui reste des discours de Scipion, des choses plus vives et plus énergiques encore. Les libertés de la langue latine atteignent à leurs limites extrêmes dans le passage où Scipion reproche à Sulpicius Gallus les recherches de sa toilette et ses mœurs efféminées. Je ne pourrais traduire les paroles de l'orateur qu'en les affaiblissant, qu'en les rendant méconnaissables. Je puis, en revanche, donner un passage du discours de Scipion contre la loi agraire de Caïus Gracchus. C'est un admirable tableau de la corruption qui dévorait déjà la jeunesse romaine : « Les jeunes gens apprennent des arts déshonnêtes; ils vont à une école d'histrions avec des débauchés infâmes, la sambuque et le psaltérion en main. Ils apprennent à chanter; ce que nos ancêtres regardaient comme une honte pour des hommes de condition libre. Oui, des jeunes filles, des jeunes garçons, de condition libre, vont dans une école de danse se mêler à des débauchés infâmes. Quand on me racontait ces faits, je ne pouvais me mettre dans l'esprit que des hommes nobles enseignassent de telles choses à leurs enfants. Mais on m'a conduit dans une école de danse; et j'y ai vu, en vérité, plus de cinq cents jeunes garçons et jeunes filles. J'y ai vu, et j'ai dû déplorer le sort de la république, un de ces jeunes. garçons, portant la bulle, le fils d'un candidat, un enfant d'au moins douze ans, qui dansait, en s'accompagnant de crotales, une danse qu'un esclave impudique ne pourrait danser sans déshonneur. »

On se souvient que Caton, dans certains cas, exprimait sa pensée sous des formes singulières et saisissantes. Il en était de même de Scipion. C'est dans les discours de Scipion qu'un ancien a puisé les exemples les mieux caractérisés de la figure que les Grecs nommaient l'échelle, et que nous nommons, comme les Latins, la gradation. Voici une de ces

échelles dont l'orateur se plaisait à monter les degrés: « De la vertu naît la considération, de la considération les honneurs, des honneurs le commandement, du commandement la liberté ! » En voici une autre: « Forcé par la violence, à contre-cœur j'ai engagé le procès avec lui; le procès engagé, j'ai amené mon adversaire devant le juge; amené devant le juge, au premier assaut je l'ai fait condamner; condamné, je l'ai volontairement tenu quitte.

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Lépidus Porcina.

Les six mots insignifiants qui restent des discours de Porcina ne sont pas, certes, ce qui nous engage à mentionner cet orateur: c'est la manière dont Cicéron parle de lui dans le Brutus. Cicéron dit que M. Émilius Lépidus, surnommé Porcina, avait eu la réputation d'un grand orateur, et qu'il était, sans contredit, un bon écrivain. C'était le premier chez qui Cicéron trouvait la douceur des Grecs, la disposition harmonieuse des mots, et ce travail de la diction qui annonçait déjà un art véritable. Carbon et Tibérius Gracchus furent, en un sens, les disciples de Porcina: ils cherchaient avidement les occasions de l'entendre parler; ils étudiaient son style et sa manière. Les paroles de Cicéron ne signifient pas, comme on pourrait le supposer, que Porcina leur donna des leçons d'éloquence. Porcina, sénateur et consulaire, ne se fit point rhéteur, même pour des jeunes gens de si grande espérance: il les instruisit d'exemple; et Cicéron ne dit rien autre chose.

Carbon.

C. Papirius Carbo fut tribun du peuple avec Tibérius Gracchus. Il s'associa aux projets de son collègue, et il fut un des triumvirs chargés de faire le partage des terres. Les nobles n'eurent d'abord point d'ennemi plus habile ni plus redoutable. Au temps de Caïus Gracchus, Carbon abandonna le parti des plébéiens; et les nobles, dit-on, l'aidèrent à parvenir au consulat. Il prit la défense d'Opimius, et il flétrit les victimes qui avaient succombé dans la lutte où triompha l'aristocratie. Mais il ne gagna guère à sa défection que la

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