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jours ces trois choses réunies, l'intrigue, la méchanceté et le talent. »

Après avoir peint les tortueuses voies de l'ambition de Régulus, et les infâmes spéculations par lesquelles Régulus savait augmenter sa fortune, M. Nisard ajoute: « Régulus est superstitieux, comme tous les gens dont l'audace est de tête et non de cœur. Avant de plaider, il se couvre d'un enduit l'œil droit, si son client est défendeur; l'œil gauche, s'il est demandeur. Il consulte les auspices; il met un bandeau blanc sur un de ses sourcils; il n'a pas foi en son droit, mais en sa divination : les lois sont des dés avec lesquels il joue; la chance décide du gain.

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Régulus était un des coryphées du barreau de ce temps-là; mais il faut dire que Pline y trouvait aussi, à côté de Régulus, de plus nobles rivaux, et surtout de plus estimables modèles. Tacite plaidait; et Pline nous apprend que Tacite et lui ils ont soutenu ensemble la cause des Africains contre le proconsul Marius Priscus.

Lettres de Pline le Jeune.

Les Lettres sont un monument bien autrement précieux pour nous que le Panégyrique de Trajan. « Elles nous présentent, dit M. Demogeot, l'histoire intérieure de Rome au temps des empereurs, cette histoire que les historiens ne racontent pas, celle des mœurs, des usages de la vie privée, de la manière de voir dans les sujets les plus familiers comme dans les plus nobles. Il manque ici à notre instruction ce qui manquait tout à l'heure à notre plaisir, un laisseraller plus grand de la part de l'écrivain. Ce livre n'est qu'un choix de lettres, et un choix fait par l'auteur. Le critique modifie à loisir les épanchements de l'ami; le Pline réel refait pour le lecteur un Pline de fantaisie. Il ne respecte pas même l'ordre des temps: il retranche, il déplace à son gré; en un mot, il nous donne, si l'on veut, des modèles du genre épistolaire, mais non pas une correspondance. En second lieu, il n'y faut pas chercher le tableau si intéressant, si animé, de la vie publique d'un peuple. Celui qui prend en main les lettres de Pline, en quittant celles de Cicéron,

éprouve la même impression que s'il sortait d'une place publique où s'agitent les convulsions de la liberté mourante, pour rentrer au foyer tranquille d'un simple particulier. Sous Domitien, Pline écrit peu de lettres, et aucune sur les affaires de l'État. Sous les bons princes mêmes, sous Nerva, sous Trajan, ces grands intérêts sont interdits à l'homme privé. Tout cela dépend d'un seul chef, qui, pour le bien de tous, prend sur lui les travaux dont il décharge les << autres (Lett. HI, 20). » Ne demandez donc pas à Pline de ces lettres qui sont de l'histoire politique, de ces lettres telles qu'en écrivait Cicéron: il vous répondrait tout simplement qu'il manque de matière, et qu'il n'a pas les mêmes avantages que l'orateur illustre dont vous lui proposez l'exemple.....

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« Quoique peu fécondes en documents historiques, les lettres de Pline sont, avec son Panégyrique, les témoignages les plus détaillés qui nous restent sur le règne de Trajan. Privés de ce que Tacite et Suétone avaient ou écrit ou projeté d'écrire sur ce prince, n'ayant même ni les biographies qu'avaient composées Marius Maximus, Fabius Marcellus, Aurélius Vérus et Statius Valens, ni le poëme grec où Caninius Rufus avait chanté la guerre de cet empereur contre les Daces, nous serions réduits, sans Pline le Jeune, aux courts fragments de Dion Cassius et aux maigres abrégés d'Aurélius Victor et d'Eutrope. Grâce à notre auteur, nous voyons s'animer tout à coup cette aride chronique : le souffle d'un contemporain rend la vie à ces ossements desséchés. Les deux premières années de Trajan, surtout, nous sont racontées avec un développement plus qu'historique pour le reste, ou du moins pour la plus grande partie du même règne, les lettres complètent le discours, et ne le démentent jamais.

Le dixième livre surtout, cette correspondance suivie du gouverneur de Bithynie avec le maître de Rome, offre le plus vif intérêt aux recherches de l'historien. Pline comptait peu sur le plaisir que ce livre nous cause: il ne le publia pas lui-même dans sa collection. Ce fut après sa mort qu'il parut, comme un recueil de pièces, et non comme une œuvre

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d'art. Ces lettres d'affaires causaient sans doute à Pline la même impatience que les mémoires de ses fermiers et les plaintes de ses paysans, qu'il lisait en courant et malgré lui,

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habitué qu'il était à d'autres papiers, à d'autres lettres (v. 15). » Il n'en est pas moins vrai que ce dixième livre, si simple, si dépourvu d'ornements artificiels, est pour l'homme sérieux le plus instructif de tous : « C'est le chefd'œuvre de Pline, dit avec quelque raison le chartreux d'Argonne (Vigneul Marville). Ses autres lettres ont de << grandes beautés pour les gens qui aiment les belles-lettres; « mais celles-ci, qui regardent le ministère, sont incomparables, principalement quand elles sont accompagnées des réponses de Trajan, qui leur apportent un grand lustre. << Jamais rien ne m'a fait mieux concevoir ce que les Ro<< mains appelaient imperatoria brevitas, que ces réponses si « brèves et si sages. Si les purs esprits se mêlaient d'écrire, <«< ils n'écriraient point autrement : c'est le plus haut point « de la perfection. >>

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Justin. Suétone. - Julius Obséquens. Historiens perdus.

Florus.

Entre Tite-Live et Tacite, il y a plusieurs historiens dont nous devons tenir compte. Le premier en date, selon certains critiques, c'est Florus. Il n'est pas bien sûr que Florus. appartienne, comme ils le veulent, ou à la fin du siècle. d'Auguste, ou au commencement de la période suivante. D'autres pensent, et avec plus de raison, qu'il faut le reporter un peu plus bas. On le nomme communément Lucius Annéus Florus; et ce nom a fait soupçonner qu'il était, non pas Julius Florus, l'ami d'Horace et de Tibère,

mais un membre de la famille Annéa, c'est-à-dire un parent des Sénèque, peut-être le neveu du fameux philosophe, et, comme lui, un homme originaire d'Espagne. Un passage du préambule de Florus a donné lieu de croire que cet historien vivait plus tard encore, sous Trajan, ou même sous Adrien. Enfin il ne serait pas absurde de dire que Florus l'historien est probablement le même que ce Florus qui a rédigé les sommaires de Tite-Live, et qui vivait probablement à la fin du deuxième siècle, ou dans le cours du troisième. Quoi qu'il en soit, nous possédons, sous le nom de Florus, un Abrégé de l'Histoire romaine, en quatre livres, qui contient un aperçu des faits principaux de la vie du peuple romain, depuis Romulus jusqu'à Auguste, et même jusqu'au delà de la bataille d'Actium. Ce petit ouvrage est quelquefois vanté outre mesure. Mais c'est plutôt une étude de style à propos de l'histoire, qu'une histoire véritable. Florus ignore beaucoup trop la chronologie et la géographie : un ancien dirait que les deux yeux lui manquent. En revanche, il écrit avec pompe et avec élégance; il a souvent des mots heureux, et on ne saurait lui refuser un remarquable talent littéraire. Si l'on prend son ouvrage comme un panégyrique de Rome, il n'est pas douteux qu'on ne doive placer l'auteur au premier rang des rhéteurs et des déclamateurs romains. Mais c'est là un triste éloge, si l'on veut voir dans Florus un historien, et, dans son abrégé, quelque chose qui rappelle le ton et la manière de Salluste ou de Tite-Live. Félicitons-le pourtant d'avoir su écrire, bien qu'il n'écrive pas toujours avec un goût parfait. Les esquisses qu'il trace sont quelquefois des réductions fidèles des grands tableaux peints par les maîtres. Ce n'est pas rien, par exemple, d'avoir raconté en deux pages la conjuration de Catilina, sans oublier aucun fait vraiment essentiel. La Harpe a raison de le dire, et de louer les qualités habituelles du style de Florus, la rapidité et la noblesse.

Velléius Paterculus.

Velléius Paterculus est un abréviateur aussi, mais trèssupérieur à Florus. A peine trouve-t-on çà et là, dans son

Histoire romaine, quelques traits de déclamation, quelques phrases ambitieuses, quelques termes recherchés, quelques tours un peu obscurs. Le style de Velléius n'est pas indigne du style des bons modèles, et même de celui de Salluste. Il est serré, nerveux, élégant néanmoins, jamais traînant ni vulgaire. Velléius a eu le talent de renfermer, en deux livres d'une médiocre étendue, non-seulement l'histoire de Rome depuis sa fondation jusqu'à la mort de Livie, mère de Tibère, mais même un précis de l'histoire universelle, dans ses rapports avec celle du peuple romain, à partir de la prise de cette ville de Troie dont les Romains se prétendaient originaires. Ajoutez que le récit est clair, facile à saisir, agréablement coupé par des réflexions morales. Velléius a fait preuve d'une grande sagacité dans l'art de rechercher les causes des événements, d'y rattacher leurs conséquences, de découvrir la liaison des choses les plus diverses, de les envisager sous leur véritable point de vue. C'est dans son ouvrage qu'on aperçoit le plus nettement la suite des faits, depuis le moment où le secours de Tite-Live nous manque, jusqu'aux temps de César et d'Auguste. Les hommes, leurs passions, leurs défauts et leurs vertus, sont impartialement et vivement appréciés. Il n'y a pas beaucoup d'exagération à dire, comme faisait le président Hénault, que Velléius est le modèle des abréviateurs. La Harpe avoue qu'il y a, dans son abrégé, beaucoup plus d'idées et d'esprit que dans celui de Florus; il admire surtout ses portraits tracés en cinq ou six lignes, avec une force et une fierté de pinceau égales, supérieures même peut-être, selon le critique, à ce qu'on trouve d'analogue chez les anciens. Les portraits cités par La Harpe sont dignes, en effet, de figurer à côté des meilleurs, Salluste n'y eût ajouté que peu de chose. Voici celui de Mithridate: Mithridate, qu'il n'est pas permis de passer sous silence, mais dont il est difficile de parler dignement; infatigable dans la guerre, terrible par sa politique autant que par son courage; toujours grand par le génie, quelquefois par la fortune; soldat à la fois et capitaine, et, pour les Romains, un autre Annibal.» Voici le portrait de Caton: « Caton, l'image de la vertu; qui fut en tout plus près de la divinité que de

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