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par Lucien, les tribulations d'un âne qui a été un homme, et qui finit par reprendre sa dignité de bipède. Les Métamorphoses, autrement dit l'Ane d'or, sont un tableau complet de la vie et de la société au deuxième siècle; non pas, certes, un tableau fait de main de maître, mais peint pourtant avec une certaine fougue méridionale, et je ne sais quelle agréable et spirituelle jovialité. Il y a de très-plaisantes figures parmi celles qu'Apulée fait passer sous nos yeux. Il y a de très-bons contes parmi ceux qu'il déduit, nonobstant l'exécrable procédé de style qui lui sert à gâter sans cesse les meilleures idées et les meilleurs mots. Je ne parle pas des contes où l'esprit est mêlé d'ordures, mais de ceux que tout le monde peut lire, et dont se sont souvenus Cervantès et d'autres modernes. Il y a, dans les Métamorphoses, mieux encore que de bons contes : il y a le mythe de Psyché, qui est une des plus belles merveilles de l'imagination antique. Je ne prétends pas qu'Apulée ait inventé ce mythe; mais il l'a conté avec facilité et avec agrément, et même avec une sorte de simplicité relative. Les trois livres à travers lesquels il déroule les aventures de l'amante de Cupidon sont incontestablement les meilleurs de son ouvrage, et pour la matière et pour le style même. La Fontaine n'a eu qu'à mettre un peu de sa poésie et de sa bonhomie naïve à la place de l'esprit d'Apulée, pour faire un chef-d'œuvre du récit de l'écrivain de Madaures. On a beau être Africain, quand on a eu des bonnes fortunes comme celle d'Apulée avec sa Psyché, on ne peut plus périr, car on laisse une œuvre et un

nom.

Veut-on savoir quelle sorte d'écrivains nous pourrions encore citer, si nous tenions à énumérer tous ceux qui, durant le deuxième siècle, ont écrit en latin? Ce serait, par exemple, le jurisconsulte Gaïus encore n'est-il pas bien sûr que Gaïus soit de ce siècle; ce serait Frontin le tacticien, l'auteur des Stratagèmes; ce serait Acron et Porphyrion, les commentateurs d'Horace; que sais-je? quelques autres grammairiens, ou même quelques rhéteurs, mais parfaitement inconnus.

CHAPITRE XLIII.

ÉCRIVAINS DU TROISIÈME SIÈCLE.

Etat de la littérature latine au troisième siècle. — Vie de Némésien. — Poëme dictatique de Némésien. - Églogues de Némésien. - Calpurnius. Autres poëtes contenporains. - Prosateurs.

État de la littérature latine au troisième siècle.

L'histoire des lettres latines au troisième siècle ne nous arrêtera pas bien longtemps. L'éloquence est tout entière dans les insipides panégyriques dont j'ai parlé ailleurs. Ces panégyriques doivent leur naissance à l'usage qui régnait alors, particulièrement dans plusieurs villes des Gaules, de faire exprimer à l'empereur, par la bouche de quelque rhéteur délégué, ou des vœux pour son bonheur, ou des actions de grâces pour ses bienfaits. Le troisième siècle a eu des historiens; mais tous leurs ouvrages ont péri, et le moins inconnu de ces écrivains n'a pas même la notoriété d'un Julius Obséquens. Septime Sévère est illustre; mais ce n'est pas pour avoir laissé ces Mémoires dont parle Capitolin, où il faisait tant d'efforts afin de pallier l'extrême rigueur de quelques-uns de ses actes. Nous nous dispenserons donc de rappeler au lecteur qu'il y a eu des historiens, ou du moins des écrivains que les anciens désignent comme tels, qui se nommaient Lollius Urbicus, ou Marius Maximus, ou Fabius Cécilianus, ou encore Fulvius Asprianus, ou de tout autre nom aussi peu utile à retenir. Ce n'est que vers la fin du troisième siècle qu'on voit reparaître quelque chose qui ressemble à peu près à de l'histoire; mais nous remettons au chapitre suivant tout ce qui concerne les écrivains de l'Histoire auguste, et, par conséquent, les historiens de la fin du troisième siècle. Parmi les prosateurs d'un autre genre, nous ne trouverons pas des Apulées ni des Aulu-Gelles. Il y a eu de grands jurisconsultes; mais ce n'est pas à nous de parler de Papinien ou d'Ulpien. Nous aurons du moins des

poëtes, non pas sans doute de bien grands poëtes, mais des hommes de quelque talent, et dont les œuvres ne sont pas indignes d'un regard. Némésien et Calpurnius, par exemple, nous ont laissé des vers qui se lisent, encore aujourd'hui, avec un certain plaisir.

Vie de Némésien.

Marcus Aurélius Olympius Némésianus était de Carthage. Il florissait à Rome sous les règnes de Carus, de Carin et de Numérien. Numérien, qui se mêlait de poésie, ne fut point jaloux de ses succès. C'est à cet empereur que Némésien dut sa fortune, quoiqu'il eût eu l'audace de lutter dans un concours contre ce formidable rival, et l'honneur dangereux de remporter le prix. Numérien se résigna à sa défaite : il ne se souvint pas qu'il se nommait lion, et qu'un empereur devait toujours vaincre. Ce fut même cette circonstance, assuret-on, qui lui fit prendre en affection Némésien. Le poëte carthaginois fit un noble usage d'une opulence facilement acquise. Calpurnius notamment, son ami et son émule, connut, grâce à ses libéralités, cette aisance après laquelle il soupirait en vain, et que les puissants du jour ne songeaient pas à lui donner. Cette conduite fait honneur à Némésien. Répandre son bien est peu de chose; mais c'est chose méritoire entre toutes, quand le bienfait suppose dans le bienfaiteur une de ces amitiés rares, à l'épreuve de l'amour-propre et de la jalousie. Voilà à peu près tout ce qu'on sait de la vie de Némésien. On ignore la date de sa mort, comme on ignore celle de sa naissance.

Poëmes didactiques de Némésien.

Némésien avait laissé trois poëmes didactiques, le premier sur la chasse, le second sur la pêche, le troisième sur la navigation Cynégétiques, Halieutiques, Nautiques. Il reste un morceau assez considérable des Cynégétiques, et seulement quelques vers des deux autres ouvrages. Autant qu'on en peut juger d'après ces faibles débris, l'auteur des Cynégétiques et des Halieutiques n'était guère qu'un imitateur d'Oppien. Il est probable que ses Nautiques n'étaient

pas non plus une œuvre très-originale; mais nous n'en connaissons pas le prototype. Némésien, comparé au poëte de Cilicie, pèche par des défauts qu'on ne peut reprocher à son modèle. Il est souvent prosaïque et vulgaire; la verve lui manque; son abondance est toute dans les mots, et ses images ne sont jamais ni bien saisissantes ni bien caractéristiques. Il écrit avec plus de goût qu'Oppien : c'est là sa gloire ou, si l'on veut, le point par où il rachète un peu ses imperfections. On aperçoit partout chez lui un effort continu pour s'approprier les formes poétiques et la diction de Virgile; et cet effort n'est pas toujours malheureux. Les trois cents et quelques vers des Cynégétiques que nous possédons appartenaient au premier livre du poëme. Il s'agit, dans ce morceau, des préparatifs de la chasse, de l'éducation des chiens et des chevaux, et des ustensiles nécessaires au chasseur. Je vais en transcrire quelques mots, qui donneront une idée du tour d'esprit de Némésien et de la nature de son talent. Après avoir dit, comme autrefois Virgile, mais plus longuement que Virgile, et avec une érudition déplacée, qu'il ne veut pas traiter des sujets mythologiques, il ajoute : « Je veux, quant à moi, m'égarer dans les forêts, dans de vertes prairies, dans de vastes campagnes; je veux parcourir d'un pas rapide l'étendue des plaines; prendre, à l'aide d'un chien obéissant, les hôtes des bois; percer le lièvre timide, le daim sans courage, le loup audacieux, et mettre en défaut l'adresse du renard. Je veux errer sous les ombrages des fleuves; chercher l'ichneumon au milieu d'une moisson de roseaux, sur des rivages silencieux; attacher avec de longs traits le chat menaçant au tronc d'un arbre, et emporter le hérisson au corps épineux, replié sur lui-même. Telle sera l'occupation à laquelle je veux donner mes soins, aujourd'hui que ma faible nacelle, accoutumée à voguer près du rivage, et à fatiguer avec la rame des golfes sans danger, ose, pour la première fois, déployer ses voiles au souffle des vents, abandonner le port, et braver les tempêtes adriatiques. Magnanimes rejetons du divin Carus, bientôt on me verra, avec de plus heureux accords, célébrer vos triomphes, vos lois reconnues de l'aurore au couchant, votre

commune puissance asservissant les peuples qui boivent les eaux du Rhin et du Tigre, et qui s'abreuvent à la source lointaine de l'Arar et du Nil1. »

Églogues de Némésien.

Némésien, écrivant sur la chasse, imitait tant qu'il pouvait les Géorgiques; à plus forte raison devait-il imiter les Bucoliques, dès qu'il se mêlait de faire parler les bergers. Aussi n'y manqua-t-il pas. Les quatre églogues qu'on attribue généralement à Némésien, dans le recueil qui porte les noms de Némésien et de Calpurnius, sont presque des copies de Virgile, mais combien pâles et affaiblies! Virgile n'eût guère reconnu son Daphnis ou son Silène, sous le travestissement dont les a défigurés Némésien. Il y a pourtant, dans le Bacchus de Némésien, quelques vers gracieux, et qui font honneur au talent du poëte; mais il fallait être Fontenelle, c'est-à-dire un bel esprit étranger au sentiment poétique, pour mettre l'églogue où Némésien fait parler le dieu audessus de celle où Virgile avait fait parler le vieux satyre. Les Églogues de Némésien, comme les restes de ses poëmes. didactiques, prouvent un bon versificateur et un écrivain passable. Mêmes qualités, mais aussi mêmes défauts. C'est ailleurs qu'il faut aller chercher l'imagination, l'enthousiasme, le génie.

Calpurnius,

Ne cherchons pas non plus ces dons divins dans les Églogues de Calpurnius. L'ami de Némésien n'est guère moins que lui imitateur et défectueux. Il est même plus négligé, et il tombe assez souvent dans l'enflure. Sa manière ressemble fort à celle de Némésien; et quelques-uns n'hésitent pas à le regarder comme l'auteur véritable non-seulement des sept églogues que personne ne lui conteste, mais encore des quatre églogues qu'on imprime sous le nom de Némésien. Quoi qu'il en soit de cette opinion, nous n'avons encore ici qu'une ombre de Virgile. De l'esprit, quelque peu;

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