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core les vers d'Ennius conservés par Macrobe, et y admirer même certains détails qui ne sont pas dans Virgile, et que n'a pas fournis Homère.

Autres ouvrages d'Ennius.

Ennius, outre sa grande épopée, avait composé plusieurs autres poëmes, tous assez considérables, mais dont nous ne pouvons parler aussi pertinemment que des Annales. Un de ces poëmes était intitulé Scipion, et était écrit en vers trochaïques. Le peu qui reste de cet ouvrage n'est pas de nature à nous faire deviner en quoi il consistait. Nul doute pourtant que ce ne fût un panégyrique du premier Africain; mais ce panégyrique pouvait être ou une sorte de discours ou une épopée. Le poëme intitulé Phagétiques, autrement dit la Gastronomie, n'était qu'une traduction ou une imitation de l'ouvrage du Sicilien Archestrate. Rien de plus sec et de plus technique que les vers qui en restent. C'est une énumération des poissons les plus précieux pour la table, et où le poëte disparaît complétement derrière le nomenclateur. A peine reconnaît-on Ennius au choix de quelque mot, de quelque épithète ainsi quand il nomme le scare, pour son excellence, quasi-cervelle de Jupiter. Ajoutez que nulle part les hexamètres d'Ennius ne sont ni plus raboteux ni plus lourdement traînants. Le dernier poëme qui exige une mention était une sorte d'exposition de la doctrine pythagoricienne, tirée, à ce qu'il paraît, des poésies d'Épicharme, et qu'Ennius avait même intitulée Épicharme, pour faire honneur au poëte dorien. L'Épicharme était écrit, comme le Scipion, en vers trochaïques. Varron en cite quelques-uns, qui prouvent que le poëme était plutôt un traité didactique qu'une œuvre inspirée, et qu'il rivalisait, peu s'en faut, de sécheresse avec les Phagétiques. On va juger si j'exagère. « C'est celui-là que j'appelle Jupiter, que les Grecs nomment l'air, et qui est le vent et les nuages, puis la pluie, et après la pluie le froid, qui devient vent ensuite, et air derechef. » Il est inutile, je pense, d'aller jusqu'au bout du morceau.

Nous sommes en droit aussi de compter Ennius parmi les plus anciens prosateurs latíns. Il avait traduit du grec

l'ouvrage où le sceptique Évhémère essayait d'expliquer la mythologie par l'histoire, et de réduire Saturne, Jupiter et les autres dieux, aux proportions de simples mortels ayant vécu, étant morts, et qui n'étaient devenus dieux qu'en vertu d'un caprice des hommes ou reconnaissants ou superstitieux. Lactance cite d'assez longs passages de la traduction d'Ennius. Le style en est d'une simplicité parfaitement nue, et analogue à celui des prosateurs contemporains d'Ennius; mais le transcripteur, ou d'autres avant lui, en ont rajeuni la diction, et c'est à peine si l'on y aperçoit aucun reste des vieilles formes de la langue latine, ni aucun de ces mots archaïques que nous rencontrons çà et là jusque dans les plus beaux vers du poëte.

Conclusion.

Quelques Allemands de nos jours, curieux et patients investigateurs du passé, et qui ont pâli à colliger, à compiler, à commenter les vénérables débris de l'antiquité latine, font bon marché de ce que nous appelons les siècles classiques, et n'hésitent pas à reporter jusqu'au temps de la deuxième guerre Punique l'âge d'or de la littérature romaine. A les entendre, Névius est le poëte romain par excellence. Ennius, selon eux, a trop sacrifié aux divinités de la Grèce, et il marque un des premiers degrés de cette décadence qui ne s'arrêtera plus. Ils lui font grâce pourtant, à raison de cet esprit tout romain dont le souffle anime les Annales; et, s'ils ne l'égalent point à Homère, ils le proclament bien supérieur à Virgile. Nos Français n'ont garde de donner dans ces extravagances. Ils savent vaguement qu'il y a eu un poëte du nom d'Ennius; mais ils le tiennent pour bien et dûment jugé par le mot de Virgile et les sarcasmes d'Horace. L'examen impartial des reliques de la poésie d'Ennius ne justifie ni l'enthousiasme de la science d'outre-Rhin, ni les dédains de notre ignorance. Ce Grec de Calabre a été un artiste. éminent en fait de style latin, et sa pensée se revêtait sans effort de vives et heureuses images. Il était poëte, souvent même grand poëte; mais il lui a manqué ce génie créateur qui fait seul les vrais chefs-d'œuvre.

CHAPITRE VI.

PLAUTE.

Vie de Plaute. - Authenticité des comédies de Plaute.- Jugement des anciens sur Plaute. Poésie de Plaute. Immoralité de Plaute. Reproches littéraires. Catalogue des comédies de Plaute. - Originalité dramatique de Plaute. — Prologues des comédies de Plaute.

Vie de Plaute.

Les mésaventures de Névius, d'abord emprisonné, puis exilé, pour avoir médit de quelques hommes puissants, prouvent que l'aristocratie romaine n'avait pas un vif désir de voir naitre des Eupolis, des Cratinus et des Aristophanes. Les poëtes comiques se le tinrent pour dit, et le théâtre latin ignora désormais la politique contemporaine, faits et personnages, ou du moins ne hasarda plus que d'obscures et timides allusions. Réduire la comédie aux tableaux de mœurs, à la peinture des vices et des ridicules, ce n'est pas l'anéantir. On l'avait bien vu à Athènes; on le vit aussi à Rome. Névius à peine mort, Rome avait déjà un autre comique, le plus grand des comiques latins, un poëte plus parfait et plus original peut-être que Névius même. On a nommé Plaute, cet homme de tant de verve, cet écrivain d'un si bon style, l'heureux auteur de tant de comédies justement fameuses.

Marcus Accius Plautus naquit à Sarsine, village de l'Ombrie, en l'an 227 selon les uns, ou, selon quelques autres, en l'an 224 avant notre ère. Il est impossible d'établir la date d'une manière fixe et absolue. Plaute vint à Rome de très-bonne heure. On va jusqu'à prétendre qu'il avait fait représenter sa première pièce dès l'âge de dix-sept ans, et même que cette pièce était les Ménechmes, une des plus jolies du recueil de ses œuvres, à coup sûr une des plus gaies. Ainsi les débuts du poëte, et plusieurs sans doute de ses triomphes, seraient antérieurs et au départ de Névius, et à

l'arrivée d'Ennius; et Plaute pourrait compter, à la rigueur, pour un des devanciers du protégé de Caton, encore qu'Ennius fût l'aîné de Plaute d'un assez grand nombre d'années.

Plaute fit, dit-on, une fortune considérable avec ses ouvrages; mais il la dissipa en profusions, pour augmenter la magnificence des spectacles où figuraient ses comédies; et des entreprises de commerce mal conduites, ou peu favorisées du hasard, le réduisirent au plus complet dénûment. Il lui fallut, pour pouvoir vivre, non-seulement recourir aux travaux manuels, mais à ceux même qui étaient la plus dure part des tâches serviles : ainsi on le vit tourner la roue dans un moulin. Heureusement pour lui, son talent survécut à ces désastres. Les comédies qu'il avait écrites durant son esclavage plus ou moins volontaire, lui rendirent bientôt quelque aisance; de nouveaux succès accrurent sa réputation, et réparèrent presque tous les maux que Plaute n'avait dus qu'à sa vanité ou à son imprévoyance.

Plaute mourut en 184. Cette date est parfaitement sûre. Il n'avait donc que quarante ans à sa mort, ou tout au plus quarante-trois. Cicéron, dans le dialogue de la Vieillesse, semble pourtant donner à entendre que Plaute parvint à un assez grand âge; mais l'indication est d'un tel vague, qu'on n'en peut rien conclure, sinon que la date de la naissance du poëte devrait être reculée plus haut que même l'an 227. La date de ses débuts n'aurait donc plus rien d'extraordinaire. Plaute, vers le milieu de la deuxième guerre Punique, aurait été déjà homme fait, et les Ménechmes ne seraient plus l'ouvrage d'un enfant à peine né. Au reste, il nous importe assez peu que Plaute ait vécu quelques années de plus ou de moins; qu'il soit mort dans toute la force de l'âge, ou qu'il ait été un jour compté parmi les vieillards.

Authenticité des comédies de Plaute.

<< J'ai entendu faire à des hommes fort lettrés, dit AuluGelle, une réflexion bien juste : c'est que, pour résoudre les doutes qui se sont élevés sur l'authenticité de certaines pièces de Plaute, il ne faut point s'en rapporter aux catalogues d'Élius, de Sédigitus, de Claudius, d'Aurélius, d'Attius, de

Manilius, mais interroger Plaute lui-même, et consulter les caractères de son esprit et de son style. C'est la règle de critique dont Varron s'est précisément servi à ce sujet. En effet, outre ces vingt et une comédies qu'on nomme varroniennes, at que Varron a distinguées et mises à part comme étant certainement de Plaute, et du consentement de tout le monde, il y en a d'autres qu'il signale pour le tour des expressions et des plaisanteries, et qui lui semblent offrir de frappantes analogies avec la manière de Plaute. Aussi les juge-t-il dignes de lui être attribuées, bien qu'elles fussent mises sous d'autres noms; comme, par exemple, celle que nous lisions ces jours passés, intitulée la Béotienne. Cette pièce n'est pas dans la liste des vingt et une, et on l'attribue d'ordinaire à Aquilius. Mais Varron n'hésite point à la revendiquer pour Plaute; et quiconque a fait de Plaute une lecture un peu habituelle, partagera cette conviction, ne connût-il de la pièce que ces seuls vers, qui me sont restés dans la mémoire, et que je vais transcrire; car ils sont vraiment plautinissimes, pour parler à la façon de l'auteur même. C'est un parasite affamé qui parle.

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<< Que les dieux confondent celui qui inventa les heures, et qui le premier établit ici un cadran solaire ! A quoi << bon me couper ainsi le jour en morceaux, dont j'enrage? « Dans mon enfance, le ventre était un cadran bien meilleur <«< et bien plus juste que ceux-là jamais il ne manquait « de m'avertir de manger; et jamais il n'avait tort, sinon << dans le cas de disette. Mais aujourd'hui, lors même qu'il y <« a de quoi, il reste vide, à moins que le soleil ne donne son «< aveu. Aussi bien la ville est-elle toute garnie de cadrans ; « et partout on ne voit que des gens qui se traînent mourant «< d'inanition. »

<< Notre ami Favorinus exprima une opinion analogue, un jour que je lisais la Nervolaire de Plaute, pièce rangée parmi les douteuses. En entendant ce vers: << Femmes de rebut, a courtisanes éclopées, misérables épileuses, sales coqui<< nes,» il fut charmé de ces vieilles et comiques expressions, qui marquent si bien les vices et les travers des prostituées; et ce seul vers, selon lui, suffisait pour prouver que

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