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teurs du siècle de Périclès avec le catalogue des auteurs du siècle d'Auguste, même en comprenant dans le siècle d'Auguste la génération de Cicéron, de César et de Lucrèce. Comparez encore, si vous voulez, le siècle de Philippe et d'Alexandre au siècle qui s'ouvre à la mort d'Auguste. Nous avons donc à fournir ici une course moins longue et moins accidentée que celle où nous nous sommes engagés autrefois parmi les monuments du génie de la Grèce. Ayant moins de choses à dire, je puis les dire avec plus de détail. Ce sera là la seule différence qui distinguera le livre que je publie aujourd'hui, de celui que j'ai publié il y a deux ans, et dont celui-ci est comme la continuation naturelle et le corollaire. C'est le même plan, c'est la même méthode, c'est le même esprit. Ici comme là, et plus encore peut-être, je ne me suis proposé qu'un but d'utilité pratique. Ici comme là, j'ai dépouillé, autant qu'il était en moi, toute prétention littéraire et toute pédanterie. Mes livres s'adressent ou à ceux qui savent peu, ou à ceux qui ont oublié et qui voudraient rapprendre. Est-ce donc à dire qu'en les écrivant, je n'aie pas eu mon ambition, et même une ambition qui n'a rien de très-vulgaire ? J'ai voulu faire aimer ce que j'aimais; j'ai voulu communiquer à d'autres une part de mes émotions, et, si j'ose ainsi parler, une part de mon âme. Quelques-uns ne manqueront pas de trouver ridicule un tel langage, quand il s'agit, de quoi? de classiques, et de classiques anciens! Mais il y a longtemps que je ne suis plus homme à m'effaroucher pour si peu. Que m'importent les sarcasmes de quelques dédaigneux, si le simple lecteur m'est sympathique? Je ne lui demande pas de m'admirer, mais d'admirer avec moi : mon triomphe, ce serait qu'il sentît,

comme il me semble que je le sens, pourquoi les classiques anciens ont mérité d'être des classiques, c'est-à-dire, selon la force du mot, des auteurs qu'on étudie dans les classes, et qui servent à former l'esprit et le goût de la jeunesse. Qui sait si tels ou tels ne commenceront pas à croire, grâce à moi, qu'on n'a pas tout à fait tort d'entretenir les jeunes gens de Platon et d'Homère, de Sophocle et de Démosthène, de Tite Live et d'Horace, de Virgile et de Cicéron, Multi utinam! mais qu'un seul abdique ses préjugés, et ce me sera déjà une belle récompense d'un si long et si pénible labeur.

Je n'avais aucune raison sérieuse de modifier mon ancien plan; j'avais même une nouvelle raison de faire que ce livre fût en tout le pendant du premier. La vaste collection dont ils font partie aura un volume entier consacré à l'histoire de la littérature sacrée. Ceux qui ont regretté que je me fusse abstenu de parler des Pères de l'Église auront de quoi se consoler.

Plusieurs se sont étonnés de ne pas trouver, dans mon premier livre, ces indications bibliographiques dont les manuels de littérature sont ordinairement si prodigues, J'ai cru qu'il était un peu plus utile de faire connaître les ouvrages que de donner le catalogue de leurs éditions. La seule mention des éditions principales grossirait démesurément chacun de mes volumes. On me dit que j'aurais dû indiquer la meilleure édition de chaque écrivain. Mais quelle est l'édition la meilleure? J'avoue humblement que je n'en sais rien; et j'ai quelque soupçon que plus d'un, qui croit le savoir, ne le sait pas plus que moi. J'aurais pu, tout aussi bien qu'un autre, décider la question au hasard; mais je n'ai jamais songé à me donner

pour un bibliographe. J'ai passé plus de temps à lire des livres qu'à conférer des textes et à peser des variantes. Il y a des livres que je n'ai jamais lus ni vus que dans des éditions médiocres, ou même assez mauvaises. J'ai eu l'occasion et aussi le devoir d'en lire quelques-uns, non pas seulement dans une édition, mais dans toutes les éditions, du moins dans toutes celles qui sont estimées des bibliographes. C'est là que je me suis aperçu que la bibliographie n'était guère qu'une affaire de mode et de caprice. La différence d'une édition médiocre à une bonne édition, ou à une édition réputée telle, n'est rien quelquefois; ou n'est que bien peu de chose; et souvent c'est la bonne prétendue qu'il faudrait appeler médiocre ou même mauvaise. La meilleure édition d'un texte n'est pas, selon moi, celle qui a le plus beau papier, ou le plus beau caractère, ou les notes les plus savantes : c'est celle qu'on lit, c'est surtout celle qu'on relit. Une longue pratique m'a démontré l'excellence de ce principe. On avouera du moins qu'il n'entraîne pas de bien graves inconvénients, notamment pour la bourse. C'est là tout mon système, en fait de bibliographie; et je m'en trouve trop bien pour ne le pas préconiser.

Quelques critiques, plus que bienveillants d'ailleurs, auraient voulu savoir de moi quelle est la meilleure traduction française de chaque ouvrage. Ce qu'ils demandent ne pourrait se faire qu'avec un certain détail, et entraînerait, par conséquent, les mêmes inconvénients que la multiplicité des mentions bibliographiques. Car je ne suppose pas qu'on me demande de dire, autrement qu'après une discussion sérieuse, pourquoi telle traduction vaut mieux que telle autre. Je ne suis qu'un simple mor

tel, et je n'ai pas le don des oracles. J'ajoute que ces dissertations seraient tout aussi bien placées dans un chapitre de l'histoire des lettres françaises que dans celle des lettres grecques ou des lettres latines. Je n'ai donc pas esquivé une obligation incombant spécialement à ma personne. Il me semble, du reste, que j'aurais quelque plaisir à écrire le catalogue raisonné de nos traductions de l'antiquité classique. Je n'éprouverais aucune sorte d'embarras à caractériser celles que je connais, surtout les miennes, et à en dire tout le bien et tout le mal que j'en pense. Je crois, en général, que les traductions des auteurs anciens, surtout celles des poëtes, ne sont pas bonnes, et que les meilleures ne valent pas grand'chose. Les plus modestes sont les plus utiles, par conséquent les meilleures. Les monuments de l'antiquité ont leurs détours, leurs difficultés, leurs ténèbres. Les traductions sont des guides plus ou moins fidèles, qui dirigent les pas du visiteur, qui l'empêchent de s'égarer. Mais ne les prenons que pour des guides. La meilleure traduction d'Homère ou de Virgile, c'est très-peu Virgile ou Homère. Si exacte qu'on la suppose, il y manquera toujours la plus grande part de ce qui fait qu'Homère est Homère, que Virgile est Virgile. Ne jugeons pas les anciens sur des traductions, surtout les poëtes, surtout les poëtes grecs. Ce n'est pas la première fois que j'ai l'occasion de dire à ce sujet ma pensée : je l'ai exprimée jadis en tête d'une traduction qui ne passe pas pour mauvaise. Que si j'ai beaucoup cité, c'est-à-dire beaucoup traduit, dans mes deux livres sur la littérature classique, on remarquera, je l'espère, que j'ai toujours eu grand soin d'indiquer la place exacte de chaque passage transcrit en

français c'est déclarer assez quel rôle j'assigne à ces traductions; c'est inviter le lecteur à les prendre pour ce qu'elles sont en effet, et à s'en fier uniquement aux originaux.

Ces notations sont les seules, ou à peu près, que j'aie crues indispensables. On me rendra toutefois cette justice, que je ne raconte pas l'histoire des lettres anciennes comme si je l'avais inventée. Il y a infiniment de choses, dans ces livres, outre la partie de pure érudition, qui ne sont pas de moi, Dès qu'une idée en vaut la peine, je dis quel est l'écrivain, ancien ou moderne, qui me l'a fournie; je fais plus encore : je donne, autant que je le puis, textuellement ses paroles. J'y gagne doublement, et le lecteur aussi inutile d'expliquer pourquoi. Je voudrais n'avoir jamais eu qu'à résumer, qu'à commenter, qu'à compiler, qu'à transcrire. Je serais un peu plus sûr de mes jugements, et j'offrirais mes travaux au public avec quelque confiance. Malheureusement c'est moi, et ce n'est que moi, qu'on entend presque sans cesse. Que de questions où il m'a fallu avoir un avis personnel! Que d'hommes il m'a fallu juger, qui n'avaient pas été, selon moi, bien jugés, ou même qui n'avaient jamais été jugés! Que d'œuvres à examiner! que d'opinions de toutes sortes à débattre! Je me suis aperçu trop souvent que j'avais entrepris une rude tâche. Je ne parle pas de ce qui n'est qu'érudition, Il y a des siècles que le premier venu, grâce aux Giraldi, aux Vossius, aux Fabricius, à vingt autres, n'a qu'à se baisser pour recueillir tout ce qu'on sait d'essentiel sur les auteurs grecs ou latins, sur les titres et la nature de leurs écrits. Le peu qu'on a ajouté à ce que disent ces savants hommes n'est pas difficile à trouver :

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