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qu'ils mangent l'agneau pascal hors du lieu saint, ils doivent se hâter de retourner sur la sainte montagne, dans le centre de l'unité, pour s'y nourrir du pain descendu du ciel. Dès qu'ils reconnaissent qu'ils sont hors de l'arche, ils doivent y rentrer pour se sauver du déluge. C'est ainsi que les Pères parlent unanimement; c'est ratifier, confirmer, renouveler, perpétuer le schisme, que de ne le pas finir pour soi. V. Il est vrai qu'un homme, né dans un pays d'où | la vraie Église est proscrite par un schisme public, a de grandes précautions à garder, quoiqu'il soit pleinement catholique. On le voit par l'exemple des chrétiens de l'ancienne Église, qui se cachaient avec des soins infinis, et qui cachaient même leur doctrine, pour ne donner aucun avantage aux païens. On le voit aussi par l'exemple des missionnaires, qui se travestissent en laïques, pour cacher leur caractère et leur religion en Angleterre. Mais voici, ce me semble, à quoi on peut réduire ces ménagements :

1° Un catholique ne peut jamais en conscience faire aucun acte de communion avec une société schismatique, puisqu'elle a rompu elle-même tout lien de communion avec cette ancienne Église qui est gouvernée par les légitimes successeurs des apôtres, lesquels ont seuls le droit du sacerdoce : ce serait reconnaître le droit du sacerdoce et la légitime administration des sacrements dans une société qui les a usurpés par le schisme; ce serait ratifier le schisme, le continuer personnellement, et faire des actes schismatiques contre sa conscience, pour tromper les hommes. Il est clair que ces actes sont les actes propres du schisme et même de l'hérésie, puisque c'est reconnaître pour sa propre mère une fausse Église qui n'a point le droit du sacerdoce, ni par conséquent le ministère pour les sacrements; c'est même reconnaître les sacrements de cette Église comme véritables, quoiqu'on ne les croie pas tels, puisqu'ils ne contiennent point ce qui est contenu dans les sacrements de la vraie Église, laquelle ne décide rien nuisiblement au salut. Par exemple, supposé que l'eucharistie de l'Église catholique contienne véritablement le corps et le sang du Sauveur, la cène des calvinistes, qui ne peut contenir qu'une figure avec une vertu, ne peut point être une véritable et légitime eucharistie. Quiconque y participe fait un acte du schisme et de l'hérésie de cette secte. 2° J'avoue qu'on peut quelquefois, pour de bonnes raisons, aller aux sermons des faux pasteurs d'une société hérétique. C'est ainsi que nos missionnaires mêmes y vont, ou y envoient des émissaires de confiance, pour savoir ce que ces faux pasteurs enseignent et qui mérite d'être réfuté; mais on ne doit jamais, sens de très-fortes raisons, s'exposer à

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la séduction de ces discours qui gagnent comme la gangrène1. On peut encore moins y aller pour faire accroire aux hérétiques qu'on n'est pas moins qu'eux dans leur schisme et dans leur hérésie ce serait joindre la fraude et la lâcheté aux actes propres de l'hérésie et du schisme.

3o Il n'est ni nécessaire ni prudent de faire, dans de telles circonstances, aucun acte public de la religion catholique. Les anciens fidèles se gardaient bien d'en faire d'ordinaire aux yeux des paiens. Nos missionnaires n'en font aucun en Angleterre, pour n'exciter point mal à propos une persécution. On peut et on doit imiter ces ménagements.

4° On doit néanmoins faire les actes de la religion catholique dans les églises de la communion romaine, autant qu'on le peut sans s'exposer à de grands inconvénients. Il n'est point permis de passer sa vie sans pasteurs, sans sacrements, sans subordination à une Église visible, à moins qu'on ne se trouve dans une situation toute singulière. Il faudrait même, dans une si extraordinaire extrémité, être uni de cœur et de désir sincère aux pasteurs, aux sacrements et à l'Église qu'on croit la véritable..

5o On peut faire ces actes en secret, pour remplir son devoir et pour édifier les personnes de confiance, quoiqu'on prenne des précautions infinies pour les cacher à tous les autres.

6o Il pourrait se faire qu'une personne très-catholique aurait de pressantes raisons de s'abstenir très-longtemps de la consolation et de la nourriture que le reste des fidèles doit tirer de la fréquentation des sacrements; mais on ne doit pas supposer facilement une si extraordinaire nécessité; il faut craindre de s'y tromper, et se ramener soimême, autant que l'on peut, aux règles communes. Il ne faut se dispenser d'aucune des fonctions de l'unité parfaite, que pour l'avancement de cette unité même, et avec un vrai désir de la montrer dès qu'on le pourra. Jamais cette disposition ne fut tant à désirer qu'en notre siècle, où la tolérance et l'indifférence de religion font que tant de personnes vivent sans aucune dépendance d'aucune Église fixe, se contentant de je ne sais quelle vague persuasion des points fondamentaux de la religion chrétienne.

7° Enfin les personnes qui ne feront aucun acte de communion romaine ne doivent nullement être surprises de se voir fort suspectes aux missionnaires zélés de cette communion. Il est naturel que ces missionnaires soient effarouchés et en défiance contre une religion si vague et si ambiguë: il est

II. Tim. II, 17.

nature, qu'ils craignent ou l'hypocrisie et la dissimulation, ou l'illusion et le fanatisme, avec l'indépendance dans un genre de vie si extraordinaire et si éloigné des règles générales. Les meilleures personnes qui paraîtront dans une telle neutralité entre les diverses communions doivent se faire justice, et se mettre en la place de ces missionnaires; ils ne peuvent point s'empêcher d'être surpris et scandalisés. Les saints Pères ne l'auraient pas été moins qu'eux. Quand ils feront des recherches, quand ils s'alarmeront, quand ils voudront réduire ces personnes à une conduite commune et régulière, ils ne feront que leur devoir : on ne doit nullement les accuser de gêner et de troubler leurs

| consciences, ni de fixer les âmes attachées à la per fection intérieure. La perfection intérieure n'empê che point la dépendance d'un ministère extérieur et visible. Le moyen de les apaiser, et d'obteni d'eux une suffisante liberté, est de leur parler avec ingénuité, humilité et confiance; c'est de leur représenter les vrais besoins tant du dedans que du dehors; c'est de leur montrer combien on aurait horreur d'en abuser; c'est de les convaincre par la pratique combien on aime l'autorité de l'Église. Par ces voies douces on leur persuadera peu à peu qu'on n'est ni dans l'illusion, ni dans l'indépendance, ni dans l'indifférence entre toutes les Églises visibles.

MANUEL DE PIÉTÉ

AVIS SUR LA PRIÈRE,

ET SUR

LES PRINCIPAUX EXERCICES DE PIÉTÉ.

I

I. L'excellente prière n'est autre chose que l'amour de Dieu. L'excellence de cette prière ne consiste pas dans la multitude des paroles que nous prononçons; car Dieu connaît, sans avoir besoin de nos paroles, le fond de nos sentiments. La véritable demande est donc celle du cœur, et le cœur ne demande que par ses désirs. Prier est donc désirer, mais désirer ce que Dieu veut que nous désirions. Celui qui ne désire pas du fond du cœur fait une prière trompeuse. Quand il passerait des journées entières à réciter des prières, ou à méditer, ou à s'exciter à des sentiments pieux, il ne prie point véritablement s'il ne désire pas ce qu'il demande.

II. Oh! qu'il y a peu de gens qui prient! car, où sont ceux qui désirent les véritables biens? Ces biens sont les croix extérieures et intérieures, l'humiliation, le renoncement à sa propre volonté, la mort à soi-même, le règne de Dieu sur les ruines de l'amour propre. Ne point désirer ces choses, c'est ne prier point : pour prier, il faut les désirer sérieusement, affectivement, constamment, et par rapport à tout le détail de la vie; autrement la prière n'est qu'une illusion semblable à un beau songe, où un malheureux se réjouit, croyant posséder une félicité qui est bien loin de lui. Hélas! combien d'âmes pleines d'elles-mêmes, et d'un désir imaginaire de perfection au milieu de toutes leurs imperfections volontaires, qui n'ont jamais prié de cette véritable prière du cœur! Voilà le principe sur lequel saint Augustin disait : « Qui aime « peu prie peu; qui aime beaucoup prie beaucoup. »

III. Au contraire, on ne cesse point de prier quand on ne cesse jamais d'avoir le vrai amour et le vrai désir dans le cœur. L'amour caché au fond de l'âme prie sans relâche, lors même que l'esprit ne peut être dans une actuelle attention : Dieu ne

1 Matth. VI, 17.

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cesse de regarder dans cette âme le désir qu'il y forme lui-même, et dont elle ne s'aperçoit pas toujours. Ce désir en disposition touche le cœur de Dieu; c'est une voix secrète qui attire sans cesse ses miséricordes; c'est cet Esprit qui, comme dit saint Paul, gémit en nous par des gémissements ineffables; il aide notre faiblesse.

IV. Cet amour sollicite Dieu de nous donner ce qui nous manque, et d'avoir moins d'égard à notre fragilité qu'à la sincérité de nos intentions. Cet amour efface même nos fautes légères, et nous purifie comme un feu consumant ; il demande en nous et pour nous ce qui est selon Dieu . Car, ne sachant pas ce qu'il faut demander, nous demanderions souvent ce qui nous serait nuisible. Nous demanderions certaines ferveurs, certains goûts sensibles, et certaines perfections apparentes qui ne serviraient qu'à nourrir en nous la vie naturelle et la confiance en nos propres forces; au lieu que cet amour, en nous livrant à toutes les opérations de la grâce, en nous aveuglant, en nous mettant dans un état d'abandon pour tout ce que Dieu voudra faire en nous, nous dispose à tous les desseins secrets de Dieu.

V. Alors nous voulons tout, et nous ne voulons rien. Ce que Dieu voudra nous donner est précisément ce que nous aurons voulu; car nous voulons tout ce qu'il veut, et nous ne voulons que ce qu'il voudra. Ainsi cet état contient toute prière. C'est une opération du cœur qui embrasse tout désir. L'Esprit demande en nous ce que l'Esprit lui-même veut nous donner. Lors même qu'on est occupé au dehors, et que les engagements de pure providence nous font sentir une distraction inévitable, nous portons toujours au dedans de nous un feu qui ne s'éteint point, et qui au contraire nourrit une prière secrète, qui est comme une lampe sans cesse allumée devant le trône de Dieu. Si nous dormons, noire cœur veille 4. Bienheureux ceux que le Seigneur trouvera veillants 5!

Rom. VIII, 26.

2 Ibid. VIII, 27.
3 Ibid. vIII, 27.
4 Cant. v, 2.
3 Luc, xu, 3.

VI. Pour conserver cet esprit de prière, qui doit | sonnellement en nous pour nous régénérer; il faut nous unir à Dieu, il faut faire deux choses princi- que ces vérités nous pénètrent longtemps, comme pales: l'une est de le nourrir; l'autre, d'éviter ce qui la teinture s'imbibe peu à peu dans la laine que l'on pourrait nous le faire perdre. veut teindre.

Ce qui peut le nourrir, c'est la lecture réglée, l'oraison actuelle en certains temps, le recueillement fréquent dans la journée; les retraites, quand on sent qu'on en a besoin, ou qu'elles sont conseillées par les gens expérimentés que l'on consulte; enfin, l'usage des sacrements, proportionné à son état.

Ce qui peut faire perdre l'esprit de prière doit nous remplir de crainte, et nous tenir dans une exacte précaution. Ainsi il faut fuir les compagnies profanes qui dissipent trop, les plaisirs qui émeuvent les passions, tout ce qui réveille le goût du monde, et les anciennes inclinations qui nous ont été fu

nestes.

Le détail de ces deux choses est infini, et on ne peut le marquer ici qu'en général, parce que chaque personne a ses besoins particuliers.

VII. Pour nourrir cet esprit de prière, il faut choisir des lectures qui nous instruisent de nos devoirs et de nos défauts; qui en nous montrant la grandeur de Dieu, nous enseignent ce que nous lui devons, et nous découvrent combien nous manquons à l'accomplir car il n'est pas question de faire des lectures stériles où notre cœur s'épande et s'attendrisse comme à un spectacle touchant; il faut que l'arbre porte des fruits 1; et on ne peut croire que la racine est vive, qu'autant qu'elle le montre par sa fécondité.

VIII. Le premier effet du sincère amour, c'est de désirer de connaître tout ce qu'on doit faire pour contenter le bien-aimé de notre cœur faire autrement, c'est aimer soi-même sous le prétexte de l'amour de Dieu, c'est chercher en lui une vaine et trompeuse consolation; c'est vouloir faire servir Dieu à son propre plaisir, et non se sacrifier à sa gloire. A Dieu ne plaise que ses enfants l'aiment ainsi! Quoi qu'il en coûte, il faut connaître et pratiquer sans réserve tout ce qu'il demande de nous.

IX. Pour le temps de l'oraison, il doit se régler par le loisir, par l'état, la disposition et l'attrait de cha

que personne.

La méditation n'est pas l'oraison, mais elle en est le fondement essentiel 2. Elle nous sert à nous remplir des vérités que Dieu nous a révélées. Il faut donc connaître à fond non-seulement tous les mystères de Jésus-Christ et les vérités de son Évangile, mais encore tout ce que ces vérités doivent imprimer per

Matth. VII, 17
Ps. XXXVIII, 4.
FÉNELON. -TOME 1.

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X. Il faut que ces vérités nous deviennent familieres, en sorte qu'à force de les voir de près et à toute heure, nous soyons accoutumés à ne juger plus de rien que par elles; qu'elles soient notre unique lumière pour juger dans la pratique, comme les rayons du soleil sont notre unique lumière pour apercevoir la figure et la couleur de tous les corps.

Quand ces vérités se sont, pour ainsi dire, incorporées de la sorte en nous, c'est alors que notre oraison commence à être réelle et fructueuse : jusque-là ce n'en était que l'ombre; nous pensions voir à fond ces vérités, et nous n'en touchions que l'écorce grossière. Tous nos sentiments les plus tendres et les plus vifs, toutes nos résolutions les plus fermes, toutes nos vues les plus claires et les plus distinctes, n'étaient encore qu'un germe vil et informe de ce que Dieu développe en nous.

XI. Quand sa lumière divine commence à nous éclairer, alors on voit dans la vraie lumière; alors il n'y a aucune vérité à laquelle on n'acquiesce dans le moment, comme on n'a pas besoin de raisonner pour reconnaître la splendeur du soleil dès le moment qu'il se lève et frappe nos yeux. Il faut donc que notre union à Dieu dans l'oraison soit le fruit de la fidélité à suivre toutes ses volontés. C'est par là qu'on peut juger de notre amour pour lui.

XII. Il faut que la méditation devienne chaque jour de plus en plus profonde et intime. Je dis profonde, parce que, quand nous méditons ces vérités humblement, nous enfonçons de plus en plus pour y découvrir de nouveaux trésors : j'ajoute intime, parce que, comme nous creusons de plus en plus pour entrer dans ces vérités, ces vérités aussi creusent de plus en plus pour entrer jusque dans la substance de notre âme. Alors un seul mot tout simple entre plus avant que des discours entiers.

XIII. Les mêmes choses qu'on avait cent fois entendues froidement et sans aucun fruit nourrissent l'âme d'une manne cachée, et qui a des goûts infinis pendant plusieurs jours. Enfin, il faut bien prendre garde à ne point cesser de se nourrir de certaines vérités dont nous avons été touchés, tandis qu'il leur reste encore quelque suc pour nous; tandis qu'elles ont encore quelque chose à nous donner, c'est un signe certain que nous avons besoin de recevoir d'el

les: elles nous nourrissent même souvent sans aucune instruction précise et distincte; c'est un je ne sais quoi qui opère plus que tous les raisonnements. On voit une vérité, on l'aime, on s'y repose; elle

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fortifie le cœur, elle nous détache de nous-mêmes : il y faut demeurer en paix tout aussi longtemps qu'on le peut.

XIV. Pour la manière de méditer, elle ne doit être ni subtile, ni pleine de grands raisonnements; il ne faut que des réflexions simples, naturelles, tirées immédiatement du sujet qu'on médite.

Il faut méditer peu de vérités, et les méditer à loisir, sans efforts, sans chercher des pensées extraordinaires.

On ne doit considérer aucune vérité que par rapport à la pratique. Se remplir d'une vérité sans prendre toutes les mesures nécessaires pour la suivre fidèlement, quoi qu'il en coûte, c'est vouloir retenir, comme dit saint Paul, la vérité dans l'injustice; c'est résister à cette vérité imprimée en nous, et par conséquent au Saint-Esprit même 2. C'est la plus terrible de toutes les infidélités.

XV. Pour la méthode de prier, on doit la faire dépendre de l'expérience qu'on a là-dessus. Ceux qui se trouvent bien d'une méthode exacte ne doivent point s'en écarter: ceux qui ne peuvent s'y assujettir doivent respecter ce qui sert utilement à tant d'autres, et que tant de personnes pieuses et expérimentées ont tant recommandé. Mais enfin, comme les méthodes sont faites pour aider et non pour embarrasser, quand elles n'aident point et qu'elles embarrassent, il faut les quitter.

XVI. La plus naturelle dans les commencements est de prendre un livre, qu'on quitte quand on se sent recueilli par l'endroit qu'on vient de lire, et qu'on reprend quand cet endroit ne fournit plus rien pour se nourrir intérieurement. En général, il est certain que les vérités que nous goûtons davantage, et qui nous donnent une certaine lumière pratique pour les choses que nous avons à sacrifier à Dieu, sont celles où Dieu nous marque un attrait de grâce qu'il faut suivre sans hésiter. L'Esprit souffle où il veut 3; où il est, là est aussi la liberté 4.

Dans la suite on diminue peu à peu en réflexions et en raisonnements; les sentiments affectueux, les vues touchantes, les désirs augmentent : c'est qu'on est assez instruit et convaincu par l'esprit. Le cœur goûte, se nourrit, s'échauffe, s'enflamme; il ne faut qu'un mot pour occuper longtemps.

XVII. Enfin l'oraison va toujours croissant par des vues plus simples et plus fixes, en sorte qu'on n'a plus besoin d'une si grande multitude d'objets et de considérations. On est avec Dieu comme avec un ami. D'abord on a mille choses à dire à son ami,

1 Rom. 1, 18. 'Act. VII, 5. • Joan. III, 8.

II. Cor. III, 17.

et mille à lui demander; mais, dans la suite, ce détail de conversation s'épuise, sans que le plaisir du commerce puisse s'épuiser. On a tout dit; mais sans parler; on prend plaisir à être ensemble, à se voir, à sentir qu'on est l'un auprès de l'autre, à se reposer dans le goût d'une douce et pure amitié: on se tait; mais, dans ce silence, on s'entend. On sait qu'on est d'accord en tout, et que les deux cœurs n'en font qu'un; l'un se verse sans cesse dans l'autre.

XVIII. C'est ainsi que dans l'oraison le commerce avec Dieu parvient à une union simple et familière qui est au delà de tout discours. Mais il faut que Dieu fasse uniquement par lui-même cette sorte d'oraison en nous; et rien ne serait ni plus téméraire, ni plus dangereux que d'oser s'y introduire soimême. Il faut se laisser conduire pas à pas par quelque personne qui connaisse les voies de Dieu, et qui pose longtemps les fondements inébranlables d'une exacte instruction, et d'une entière mort à soi-même dans tout ce qui regarde les mœurs.

XIX. Pour les retraites et la fréquentation des sacrements, il faut se régler par les avis de la personne en qui on prend confiance. Il faut avoir égard à ses besoins, à l'effet que la communion produit en nous, et à beaucoup d'autres circonstances propres à chaque personne.

XX. Les retraites dépendent du loisir et du besoin où l'on se trouve. Je dis du besoin, parce qu'il faut être sur la nourriture de l'âme comme sur celle du corps quand on ne peut supporter un travail sans une certaine nourriture, il faut la prendre; autrement on s'expose à tomber en défaillance. J'ajoute le loisir, parce que, excepté ce besoin absolu de nourriture dont nous venons de parler, il faut remplir ses devoirs plutôt que de suivre son goût de ferveur. Un homme qui se doit au public, et qui passerait le temps destiné à ses fonctions à méditer dans la retraite, manquerait à Dieu en s'imaginant s'unir à lui. La véritable union à Dieu est de faire sa volonté sans relâche, et malgré tous dégoûts naturels, dans tous les devoirs les plus ennuyeux et les plus pénibles de son état.

XXI. Pour les précautions contre la dissipation, les voici en gros: c'est de fuir tous les commerces de suite et de confiance avec des gens dans des maximes contraires à la piété, surtout quand ces maximes contagieuses nous ont autrefois séduits. Elles rouvriront encore facilement nos plaies; elles ont mêine une intelligence secrète au fond de notre cœur ; nous y avons un conseiller doux et flatteur, toujours prêt à nous aveugler et à nous trahir.

XXII. Voulez-vous, dit le Saint-Esprit, juger Eccles. XIII, 20.

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