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un lieu de relâche excellent, non-seulement pour les vaisseaux du gouvernement américain, qui croisent dans ces parages pour prévenir le brigandage de la traite, mais aussi pour les navires qui font le commerce de l'Inde et de la Chine. On y reporte dès à présent les esclaves libérés par la capture des bâtimens négriers. On y a reporté dernièrement des captifs délivrés jusque dans le port même de Baltimore. Ce fait, que nous trouvons dans le dernier rapport présenté, cette année, à la société de colonisation, nous semble assez intéressant pour être rapporté en entier.

« Il y a quelques semaines, un bâtiment entra dans le port de Baltimore, et quelques circonstances firent soupçonner qu'il avait à bord des nègres détenus contre les lois. On fouilla le bâtiment, et l'on trouva effectivement onze noirs incapables de parler ou d'entendre un seul mot d'anglais. On dressa contre le capitaine une accusation comme ayant fait le commerce prohibé des esclaves. Il déclara que ces hommes étaient esclaves auparavant, et qu'il les avait acquis légalement. Comme on ne pouvait fournir aucune preuve directe de sa culpabilité, il fut absous; mais en même tems, comme la loi des États-Unis veut que celui qui réclame la propriété d'un esclave, justifie de cette propriété, et que le capitaine n'avait point de titre, les nègres furent libérés. On les répartit dans quelques familles des environs de Baltimore, pour servir en qualité de domestiques libres, jusqu'à ce qu'ils pussent s'exprimer et faire connaître leur désir relativement à leur future destination.

« Vers le même tems, un jeune Africain, nommé Wilkinson, natif de Rio-Pongas, arriva à Baltimore. Un des chefs du pays avait confié deux de ses fils au capitaine d'un navire français, qui avait promis de transporter ces deux jeunes gens aux Antilles, de les faire instruire, et de les ramener au bout de quatre ans. Ce terme écoulé, on ne les ramena point. Ce fut alors que l'on dépêcha Wilkinson pour les découvrir. Il y réussit : le

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capitaine, infidèle à sa parole, les avait abandonnés, et on les faisait travailler comme esclaves. Wilkinson, non sans peine, avait cependant réussi à les délivrer; il les avait renvoyés à leur père, et lui-même venait à Baltimore pour prendre son passage dans un des paquebots de la Société de colonisation. On l'engagea à voir quelques-uns des captifs qu'on venait de sauver de la rapacité du marchand d'esclaves, et il se trouva qu'ils étaient d'un pays qui confinait au sien, et qu'il entendait parfaitement leur langage. Ils furent dans le ravissement de rencontrer un homme qui put' les comprendre; mais ils ne voulurent point le croire, lorsqu'il leur dit qu'ils étaient libres, et qu'ils pouvaient retourner chez eux, si tel était leur désir. Ils levaient au ciel des yeux pleins de larmes, à l'idée de revoir leur patrie; mais nulle protestation ne pouvait leur persuader que ce ne fût pas un rêve.

« La Société de colonisation fit connaître leur situation au Président des États-Unis, qui répondit que, si l'on pouvait fournir au gouvernement des preuves de leur désir de retourner en Afrique, le gouvernement paierait leur passage. Le commissaire de la marine à Baltimore fut chargé de constater le fait. On rassembla les Africains, et Wilkinson prêta serment en qualité d'interprète. On demanda ensuite à chacun d'eux en particulier s'il voulait demeurer aux États-Unis et libre, ou bien être transporté à Mont-Serado, pour de là être reconduit dans son pays.

« Le premier qui fut interrogé, nommé Dowrey, fils d'un des chefs de son pays, répondit: Je désire retourner chez moi et voir mon père, ma femme et mes enfans. Je connais le cap Mont-Serado; il n'est qu'à trois jours de marche de chez nous. Le second, Barteron, répondit: Chez moi, chez moi, où m'appellent ma femme et deux enfans; je ne suis qu'à une demijournée de marche de chez Dowrey. Mousah fut appelé ensuite. Il était fils d'un homme considérable, et personnellement connu

de Wilkinson. Il avait été nourri chez le général Harper, et on Ini proposa d'y rester encore quelque tems, pour y recevoir de l'instruction et retourner en suite en faire part à ses compatriotes. Il répondit: Le général Harper est un brave homme; il sera bon envers moi; il me donnera la nourriture et des vêtemens; mais me donnera-t-il ma femme et mes enfans! A une offre pareille, Cubangery répondit : Rien au monde ne saurait me tenir lieu de mes foyers. Mazzey dit : Ma mère est vivante, j'ai deux sœurs; je serai éternellement reconnaissant envers ceux qui me reconduiront près d'elles et de mes amis. La réponse de Fangah fut: ma seule joie peut être de revoir mon père, ma femme, ma sœur et mes trois enfans. Corie et Banah prièrent qu'on les jetât seulement sur la côte d'Afrique, assurant qu'ils trouveraient aisément les moyens de retourner chez eux.

Après l'interrogatoire de ces huit hommes, on aperçut en eux une grande anxiété sur le sort de deux de leurs compagnons qu'on n'avait pu réunir à eux. Ils avaient été placés chez un propriétaire qui n'avait pas envie de s'en séparer, et qui avait répondu que ces deux nègres demandaient à rester chez lui. Ce n'était qu'un prétexte; il voulait profiter de leur travail. Pour l'obliger à produire les deux africains, on fut obligé de commencer contre leur détenteur une poursuite, comme engagé dans le commerce des esclaves. Les deux nègres furent alors amenés. A l'instant où ils furent réunis à leurs compatriotes, tous ensemble sautèrent de joie et se livrèrent à des ravissemens, à des embrassemens qui tenaient du délire. Les deux derniers n'avaient rien compris à ce qui s'était passé. Dès qu'on leur eut appris que dans deux ou trois jours il pourraient, s'ils voulaient, s'embarquer pour leur patrie, ils éprouvèrent la joie la plus vive.

« Le bonheur de ces dix individus, celui qui était préparé à leurs nombreux parens, à leurs amis, et cela par les soins, les eines, la persévérance de la Société, suffiraient, nous ne craiguons pas d'être démentis, pour la dédommager de ses soins, de

ses frais et des contrariétés qu'elle a dû supporter, et qu'elle a heureusement surmontées. C'est avec une satisfaction profonde que nous pouvons lui annoncer que, maintenant, il n'y a presque plus d'Américains qui prennent part à l'affreux commerce des êtres humains. La fermeté qu'à montrée le gouvernement (celui des États-Unis) en faisant exécuter les lois qui le condamnent; l'opprobre et les punitions dont le congrès a frappé ce crime, en l'assimilant à la piraterie, l'on fait presque entièrement, si ce n'est tout-à-fait, disparaître de nos heureuses contrées. L'univers suivra... »

C'est ainsi que s'exprime le conseil d'administration de la Société de colonisation. Il annonce de plus à la Société qu'elle va faire partir un nouveau bâtiment, le Cyrus, avec cent nouveaux colons, parmi lesquels se trouve un ministre protestant nègre, le révérend M. Waring, qui, étant allé voir par lui-même l'état où se trouve l'établissement, y retourne maintenant avec sa famille. Le blé et les substances végétales y viennent avec abondance; mais, pendant un ou deux ans, il faudra encore tirer des États-Unis les bestiaux et les vêtemens. Le prix du passage ne revient plus qu'à vingt-six piastres par personne, et coûtera moins, lorsque les spéculations du commerce fournirout de plus fréquentes occasions de visiter la colonie. Les ÉtatsUnis, en fait d'articles de commerce, ne porteront plus à l'Afrique des chaînes et des fouets, mais des étoffes, des quincailleries et tous les produits de l'industrie manufacturière. Elle n'en tirera plus des muscles vivans arrosés de larmes; mais de l'ivoire, des gommes, des plumes, des parfums, des médicamens, et peut-être beaucoup d'autres objets encore inconnus aux nations d'Europe, et qui accroîtront le commerce et les jouissances des peuples civilisés.

Dans l'assemblée générale de la Société, un membre proposa de donner un nom à la nouvelle colonie qui s'est d'abord fixée au cap Mont-Serado. L'influence des noms propres

est plus grande qu'on ne l'imagine. Les idées ne se fixent pas sur une chose, un lieu, une nation qu'on ne sait de quel nom appeler. La Colombie n'est devenue une puissance que depuis que diverses provinces éparses, des bouches de l'Orénoque à la mer Pacifique, se sont réunies sous un même nom comme sous une même bannière. X Ce nom répandra un nouvel éclat sur celui du nouveau Washington, dont le désintéressement plus encore que les talens militaires, ont assuré la liberté de sa patrie en même tems que son indépendance. Le héros de Colombie sera le surnom de Bolivar. X Les États-Unis jouissent d'une prospérité qui a bien son prix; mais ils gémissent à présent de n'être désignés que par un nom qui convient également à toute confédération d'états unis par un lien commun; à la Suisse, à la Grèce, si elle consolide l'œuvre de sa régénération. Comment dire sans périphrase un citoyen des ÉtatsUnis, comme on dit un Français, un Anglais ? X C'est le pays où il y a le plus de citoyens et le moins de noms pour les désigner. Les Anglais, à la vérité, leur réservent exclusivement celui d'Américains, et nomment les habitans des Antilles des Indiens Occidentaux (West Indians); mais, tant que le Nouveau-Monde sera l'Amérique, il ne sera pas possible de ne pas appeler Américains les hommes que l'on rencontre en remontant du cap Horn jusqu'à la baie d'Hudson; tel est aussi l'usage dans toutes les langues de l'Europe, la langue anglaise exceptée.

Ce sont probablement des considérations de ce genre qui out déterminé le général Harper à proposer dans l'assemblée de la Société, de nommer Libéria, ou Libérie, le territoire de la colonie, quelle que soit l'étendue qu'elle embrasse à l'avenir; et Monrovia, la ville encore dans son enfance qui en sera le chef-lieu. Le premier de ces noms, a-t-il dit, rappellera l'objet de l'établissement, qui est d'offrir un asile aux hommes devenus libres, de serfs qu'ils étaient. Le second n'est T. XXIV. - Octobre 1824.

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