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et ont exposé des tableaux qui causent une sorte d'horreur et de dégoût.

Le Constitutionnel ( numéro du 25 août) a prétendu que, depuis la servile imitation des statues antiques, on n'a exécuté en France que des compositions froides, stériles et dépourvues d'expression; que les seuls ouvrages remarquables produits depuis quelques années sont en dehors du système actuel de l'Académie ; que les dernières productions de M. Gérard, qui ne sont pas les moins éminentes de ce grand artiste; que les nombreux tableaux de M. Horace Vernet, ne tiennnent en rien de l'école des statues et des bas-reliefs; que ces ouvrages, pleins d'un goût élevé, grand et sévère, s'éloignent cependant du modèle des Sabines et des Horaces, etc. »>

La conséquence naturelle de l'opinion exprimée par le Constitutionnel, c'est que le Socrate, les Horaces et les Sabines de David; l'Endymion, l'Atala, une scène du déluge de M. Giro det; la Psyché et le Bélisaire de M. Gérard sont des compositions froides, stériles et dépourvues d'expression; c'est que la Corinne et le Philippe V de M. Gérard peuvent soutenir le parallèle avec les deux autres tableaux que je viens de nommer. La première de ces deux conséquences devient ridicule à force d'être exagérée; je soumets la seconde à M. Gérard lui-même, et jusqu'à ce qu'il ait dit positivement qu'il préfère ses deux derniers tableaux, je persisterai à croire que ses deux premiers sont ses plus beaux titres de gloire. Je n'entends pas dire qu'il n'y ait du talent, et beaucoup de talent dans les autres; mais je prétends qu'on en trouve plus dans la Psyché et le Bélisaire, parce qu'il est plus difficile de peindre un beau corps de jeune fille et les formes d'un jeune dieu ou d'un guerrier, que les draperies les plus éclatantes et toutes les perruques du siècle de Louis XIV réunies.

Quant à cette assertion, que les tableaux d'Horace Vernet T. XXIV. — Octobre 1824.

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sont pleins d'un goût élevé, grand et sévère, je la trouve encore plus erronée.

Certes, je ne suis pas en arrière de louanges avec M. H. Vernet; j'ai dit et répété que, dans tous ses tableaux on trouvait de l'esprit et du sentiment dans la composition, de l'habileté et de la facilité dans l'exécution; mais un goût élevé, grand et sévère, la nature de son talent s'y oppose; et d'ailleurs les tableaux qu'il a exécutés n'exigeaient pas ce genre de mérite. Si l'écrivain qui a fourni cet article prouve par-là qu'il est loin d'avoir les connaissances nécessaires pour bien juger les arts, au moins il faut lui rendre cette justice qu'il parle de l'art et des artistes d'une manière, si non juste, du moins convenable; mais il n'en est pas de même de celui qui rend compte de l'exposition dans le Journal de Paris. Voici comment ce dernier s'exprime (numéro du 12 septembre 1824).« Jetez en prison l'homme le plus ordinaire, le moins familiarisé avec toutes les idées d'art et de littérature, en un mot, un de ces oisifs ignorans qui se rencontrent en si grand nombre dans une vaste capitale, et, dès qu'il sera revenu de sa première peur, déclarez lui qu'il aura sa liberté, s'il est en état d'exposer au salon une figure nue, parfaitement dessinée d'après le système de David. Vous serez tout étonné de voir le prisonnier à l'épreuve, reparaître dans le monde au bout de deux ou trois ans. C'est que le dessin correct, savant, imité de l'antique, comme l'entend l'école de David, est une science exacte, de même nature que l'arithmétique, la géométrie, la trigonométrie; c'est-àdire qu'avec une patience infinie et le brillant génie de Baréme l'on parvient en deux ou trois ans à connaître et à pouvoir reproduire, avec le pinceau, la conformation et la position exacte des cent muscles qui couvrent le corps de l'homme. Pendant les trente années qu'a duré le gouvernement tyrannique de David, le public a été obligé de croire, sous

peine de mauvais goût, qu'avoir eu la patience nécessaire pour acquérir la science exacte du dessin, c'était avoir du génie. Le dernier excès de ce système a été la scène du déluge, par M. Girodet, que l'on peut aller voir au Luxembourg. - Je ne sais ce qui doit le plus surprendre dans ce paragraphe, de l'ignorance, ou du mauvais ton que l'on y remarque.

Quoi, en deux ou trois ans, on parviendra à dessiner une figure aussi bien que David. L'école française et l'Europe tout entière qui ont admiré le grand et beau talent, la science admirable de ce maître, se sont donc trompées ? Que, par impuissance, on abandonne le beau idéal, cela se conçoit; mais que l'on veuille s'en faire un mérite, c'est rappeler la fable du renard qui a perdu sa queue.

« Le dessin correct, savant, imité de l'antique, est une science exacte; je suis bien étonné alors que, dans un pays où les sciences exactes sont cultivées avec succès, il y ait si peu de grands dessinateurs; car, pour mon compte, je n'en connais que deux qui puissent marcher à peu près les égaux de David. « Le dernier excès de ce système, dit l'écrivain que je combats, a été la scène du déluge par M. Girodet; » il fallait ajouter que cette scène du déluge a été jugée digne du grand prix décennal. Ainsi la classe des beaux-arts de l'Institut, qui a porté ce jugement, a fait en cela preuve d'ignorance, et ce qui le prouve c'est l'assertion du Journal de Paris. Il faut convenir que Michel-Ange qui avait étudié l'antique avec tant d'ardeur et de fruit, et qui, devenu aveugle, apprenait à ses élèves à apprécier les beautés du torse antique, ne se doutait pas qu'un jour l'on dirait qu'en deux ou trois ans l'homme le plus ordinaire parviendrait à faire une figure nue d'un dessin parfaitement correct et savant. Quant à moi, qui vois tous les jours des jeunes gens pleins d'ardeur désespérer, après plusieurs années d'études, de parvenir à rendre les contours si fins et si délicats de l'Apolline, par exemple, j'avoue que

j'étais bien loin de m'en douter. C'est assez : il ne faut pas accorder aux choses plus d'importance qu'elles n'en méritent; passons à l'examen des tableaux qui donnent principalement lieu à cette discussion.

Gaston de Foix trouvé mort après avoir remporté la bataille de Ravenne.—Tel est le sujet du tableau exposé par M. SCHEFFER aîné. « Il y périt par sa trop grande ardeur, dit Brantôme, après avoir gagné la bataille par sa vaillance. » Le moment choisi par le peintre est celui où le corps du prince vient d'être retrouvé. Bayard, Lautrec et Lapalisse entourent leur général et témoignent leur douleur; les généraux espagnols et vénitiens, ainsi que le cardinal de Médicis, depuis Léon X, faits prisonniers dans la bataille, prennent part à cette scène; à gauche un officier élève son épée, et semble inviter les soldats à aller sous les murs de Ravenne venger la mort de leur général. Il règne dans cette composition un caractère de douleur très-bien exprimé; mais combien cette scène produirait plus d'impression, si l'œil n'était tourmenté par la nature des costumes. A l'exception du cardinal de Médicis, tous les personnages et les chevaux mêmes sont bardés de fer. Les figures humaines disparaissent sous ce revêtement informe; Gaston est le seul dont le visage soit entièrement découvert; les autres guerriers ont le visage en partie caché, celui-ci par la visière, celui-là par la mentonnière de son casque. En définitive l'aspect de ce tableau n'est presque pas humain; il y a dans cet ouvrage un sentiment fortement exprimé, une belle couleur et une facilité remarquable, enfin beaucoup de talent; mais c'est du talent mal employé. D'ailleurs, ce n'est véritablement qu'une ébauche. Il faut donc, si M. Scheffer veut prendre le rang auquel il peut aspirer, qu'il se décide à exécuter un ouvrage où l'art, considéré non-seulement comme moyen, mais encore comme but, aura. quelque chose à revendiquer. Enfin, il ne suffit pas que cet artiste montre qu'il est poëte, qu'il a l'ima

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gination ardente, l'âme sensible, il faut encore qu'il prouve qu'il est peintre : il le peut, s'il le veut. L'autre tableau, dans lequel il a représenté saint Thomas d' Aquin préchant, pendant la tempête, la confiance dans la bonté divine, me semble le prouver.

Locuste, empoisonneuse célèbre du tems de Néron, fut chargée de préparer le breuvage qui devait trancher la vie de Britannicus. M. SIGALON a puisé dans la tragédie de Racine le sujet de son tableau. Sa notice porte : « Locuste, avant de remettre à Narcisse le poison destiné à Britannicus, en fait l'essai sur un jeune esclave. » Cette circonstance est empruntée à Racine, qui a mis dans la bouche de Narcisse ces vers:

La fameuse Locuste

A redoublé pour moi ses soins officieux.

Elle a fait expirer un esclave à mes yeux;

Et le fer est moins prompt pour trancher une vie,
Que le nouveau poison que sa main me confie.

(Britannicus, act. iv, sc. 4.)

Mais ni Racine, ni M. Sigalon ne sont conformes à l'histoire. Le breuvage mortel fut apprêté dans l'appartement même de Néron et sous ses yeux. Au reste, voici comment le peintre a disposé la scène. A peine l'esclave a-t-il pris le funeste breuvage qu'il tombe renversé; la contraction de ses traits. et le mouvement violent de sa main qu'il appuie fortement sur son flanc indiquent assez quelles souffrance's il éprouve. Narcisse assis, et la tête appuyée sur l'une de ses mains, considère ce spectacle, et semble calculer le tems que doit durer le combat de la vie contre la mort; Locuste debout, lui montre, avec un affreux sourire, l'effet de son horrible science. La scène se passe dans un lieu détourné, au milieu des ruines; deux serpens s'éloignent, tandis qu'un hibou vient y chercher un refuge. Narcisse a dépouillé le faste de la cour

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