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Fréret. Mais l'ouvrage qui doit lui mériter une place honorable dans l'histoire des sciences morales et politiques, c'est celui qu'il publia, en 1791, sur les droits de l'homme. C'est là qu'il entreprit de démontrer que l'homme a des droits imprescriptibles au bien-être, droits que la société seule peut garantir, et qui sont spécialement consacrés par la religion chrétienne; il indique par quel moyen on peut assurer au milieu de la société l'exercice de ces droits naturels. Ce qui est plus digne d'attention, l'auteur n'hésite pas à rejeter ouvertement certaines maximes qui, bien que canonisées par l'usage et le préjugé, tendent plus ou moins directement au despotisme. Le pacte qui unit et retient, les hommes en sociétés, n'est formé, directement et immédiatement, selon l'auteur, que par les hommes; il est entièrement leur ouvrage. Il déduit de ce principe les conséquences les moins communes, au moins à cette époque, en Italie. Ce qui est encore plus remarquable, cette production fut publiée, dit-on, sous les auspices de la cour de Rome, et les Italiens ne devraient pas l'oublier.

N'oublions pas non plus un autre métaphysicien napolitain, Gennaro Cestari, qui, envoloppé dans les désastres qui accablèrent ses compatriotes, à la fin du siècle dernier, et ne songeant, au milieu de l'exil le plus affreux, qu'aux intérêts de la philosophie, publia deux Tentatives sur la régénération des sciences. Non-seulement il montra mieux que beaucoup d'autres qui lui ont succédé dans le même travail, les imperfections de l'arbre encyclopédique de Bacon, ou de la division des connaissances humaines, que les encyclopédistes lui ont presque entièrement empruntée; mais il proposa aussi quelques essais préliminaires pour corriger ou réorganiser le système scientifique. Exercé dans les recherches métaphysiques les plus profondes, il y portait cet esprit de tolérance et de modestie qui en devrait être le résultat le plus légitime, et qui malheureusement est si rare parmi les professeurs de cette science. Supé

rieur au prestige de certains mots, il cherchait à le détruire aux yeux de ceux qui cédaient à son influence. Il croyait prévenir, au moins, une foule de questions ridicules et quelquefois dangereuses, en développant les notions de matière et d'esprit. Versé dans la théologie, il en empruntait même les armes pour combattre les ennemis de la philosophie. On ne cessa point pour cela de le calomnier; il fut exposé à être poursuivi, comme la plupart de ceux qui l'avaient précédé.

Je ne parlerai pas de plusieurs autres métaphysiciens qui vivent encore; mais je ne puis me dispenser d'en excepter quatre, qui ont déjà assez de droits à la reconnaissance de la postérité : ce sont MM. Delfico, Romagnosi, Gioja et Galluppi.

Le premier, qui est le Nestor des idéologues et des publicistes d'Italie, après s'être fait remarquer parmi ceux qui ont le plus hardiment attaqué l'esprit êt les principes de la jurisprudence romaine, et après avoir démontré l'abus qu'on fait encore de l'histoire dans toutes les sciences, a porté ses recherches sur l'origine, les élémens et les caractères du beau. Il a lu dernièrement, dans l'Académie de Naples, deux mémoires, où il a considéré la sensibilité imitative comme un principe physique de la sociabilité de l'espèce humaine, et de la civilisation des peuples, et la perfectibilité organique comme le principe physique de toute éducation. Ses aperçus, non moins ingénieux que féconds, nous font regretter que l'auteur ne leur ait pas donné assez d'étendue et un plus grand développement proportionné à l'importance du sujet.

M. Romagnosi, formé à l'école de Bacon, de Leibnitz et surtout de Bonnet, a poussé plus loin que tous ses contemporains l'esprit analytique dans les sciences du droit. C'est le Bentham de l'Italie. Nous lui devons la Génèse du droit pénal, l'Introduction au droit public, les Recherches sur le droit naturel, la constitution des états, etc. Partout il s'étudie à remonter aux grands principes, à développer et à coordonner

leurs résultats avec une méthode vraiment scientifique. Apprécié par les Italiens, il devrait aussi l'être par les publicistes écossais.

Les ouvrages de M. Romagnosi semblent destinés à la classe trop restreinte des hommes qui professent eux-mêmes la science; M. Gioja s'adresse à une classe plus nombreuse de lecteurs. Il répand dans ses ouvrages une sorte de clarté et de vivacité qui ajoute beaucoup à l'intérêt. Quoiqu'il ait traité de divers sujets de métaphysique, c'est des sciences morales et politiques qu'il s'est principalement occupé. Son Nouveau prospectus des sciences économiques prouve assez l'étendue de ses connaissances, et cette qualité de l'esprit qui sait embrasser et disposer toutes leurs branches. On distingue principalement son Traité du mérite et de la récompense; et dans ces deux ouvrages, ainsi que dans tous les autres, on reconnaît toujours un des métaphysiciens les plus habiles de notre siècle.

Nous terminerons cette esquisse historique par l'Essai philosophique sur la critique de la connaissance, de M. Galluppi. Né et élevé dans le fond de la Calabre, il a voulu connaître les écoles métaphysiques les plus célèbres de l'Europe. Il a entrepris ensuite d'examiner les principes et les préjugés de chacune de ces écoles, et il passe en revue les partisans de Descartes, de Leibnitz, de Kant et de Reid, ainsi que ceux de Locke, de Hume et de Condillac. Il juge même les métaphysiciens vivans les plus estimables, tels que MM. Destutt-Tracy, Degérando, Dugald Stewart lui-mêine. Sans adopter toutes ses observations, nous ne pouvons nous dispenser d'exhorter, d'après lui, les Italiens, qui souvent admirent trop les étrangers, à se faire admirer de même, en rivalisant avec eux dans l'analyse de l'esprit humain.

Par l'influence des écrivains que nous venons de rappeler, l'esprit philosophique s'est aussi introduit, en Italie, dans tous les genres d'écrits et de littérature. Nous avons souvent annoncé, dans ce recueil, des ouvrages sur différentes matières, T. XXIV. - Octobre 1824.

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qui tous portent le même cachet. D'après Vico, Cesarotti et Soave, MM. Monti, Perticari, Niccolini, Grassi, Gigli, etc., ont traité, en philosophes, de la langue et de la grammaire. On a traité de même la poésie et les beaux-arts. D'après l'école du célèbre Parrini, MM. Manzoni, Foscolo, Visconti, Cicognara, Gherardini, Talia, etc., prouvent par leur exemple et par leurs théories, combien ils ont approfondi la science connue sous le nom d'estétique. Les diverses productions que nous devons en économie politique, à MM. Briganti, Mengotti, Ressi, Custodi, Valeriani, Bosellini, montrent combien l'école de Genovesi, de Galiani et de Verri à fait de progrès. Les doctrines bienfaisantes de Filangieri, de Mario Pagano, de Galanti, de Coco, de Galdi, ont été inspirées par le même esprit. Cet esprit philosophique se manifesterait encore davantage s'il était secondé par des circonstances plus favorables. Malheureusement, il lui manque un écrivain tel que M. Dugald Stewart, qui, avec le même amour de la science et de son pays, sache recueillir et ranimer ses rayons dispersés, pour le faire apprécier par les étrangers et par les Italiens eux-mêmes. C'est pour cela que nous nous sommes bornés à indiquer à peine les ouvrages les plus distingués de ces auteurs, et l'objet principal de leurs études. Le peu que nous en avons pu dire, paraît suffire pour leur accorder quelque place dans les rangs de ceux que M. Dugald Stewart n'a pas oubliés dans sa revue. Il n'appartient maintenant qu'à lui d'examiner leurs méthodes et leurs doctrines ou leurs hypothèses, avec ce jugement sûr qui caractérise son travail, et de les comparer et de les faire entrer dans son histoire, qui ne peut attendre sa perfection que de lui seul.

F. SALFI.

ÉCONOMIE POLITIQUE.

AN INQUIRY INTO THE PRINCIPLES, etc.

RECHERCHES

SUR LES PRINCIPES DE DISTRIBUTION DE LA RICHESSE

qui contribuent le plus au bonheur des hommes; par William THOMPSON (1).

Aucune question, dans la science sociale, ne nous paraît présenter un intérêt égal à celle que M. Thompson a entrepris de traiter. Ce n'est point en raison de la richesse, prise abstraitement, mais en raison de la distribution de cette richesse, qu'un peuple participe à toutes les douceurs, à toutes les jouissances, que le travail accumulé de l'homme peut procurer à l'homme, ou, au contraire, qu'il sent les privations de la misère redoublées par la vue de l'opulence d'autrui. La question de la distribution de la richesse implique celle de la liberté ou de l'esclavage des classes travaillantes de la nation; elle implique celle de la moralité publique, qu'une heureuse médiocrité favorise, qu'une disproportion effrayante entre l'opulence et la misère rendent impossible: elle implique celle du progrès des lumières, qui est accéléré ou retardé par l'état d'aisance plus ou moins grande de ceux qui se livrent aux études : elle implique enfin celle de l'ordre politique tout entier; car les diverses classes de la nation ne maintiennent guère leur participation aux pouvoirs publics, qu'autant qu'elles ont pu défendre leur part dans la distribution de la richesse publique. Le titre du livre de M. Thompson paraissait indiquer qu'il avait ramené la science de l'économie politique à son vrai principe, à celui dont elle ne devrait jamais s'écarter, le bonheur de l'espèce humaine. Nous avions, comme lui, été frappés de

(1) Londres, 1824; Longman. 1 vol. gr. in-8° de 6co pages; prix 14 shell.

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