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qui tend à augmenter ou à diminuer la force d'un état trouve tous les gouvernemens inquiets et surveillans, et exerce une influence quelconque sur leurs déterminations. Cette vérité obligeait l'auteur à adopter le plus vaste cadre; et il a fait moins l'histoire de l'Angleterre que celle de l'Europe.

Néanmoins, M. de Montvéran n'a point perdu de vue l'objet principal de son livre, et la politique extérieure de l'Angleterre y est caractérisée en traits énergiques. La guerre de l'indépendance des États-Unis lui sert de point de départ. Il suit la haine profonde du cabinet anglais contre la France qui avait affranchi l'Amérique, dans les longs préparatifs de Pitt, dans ses menées pour armer l'Europe, dans les complots que son or ourdissait au sein même de la convention, et enfin dans tant d'efforts rendus impuissans par l'enthousiasme républicain et la valeur des jeunes armées de la France. Comme ami de l'humanité et fidèle au devoir de l'historien, il flétrit avec l'accent d'une généreuse indignation cette politique qui a introduit en Europe le règne de la force. Il n'est peut-être pas difficile d'as-signer les causes réelles de tant de violations du droit des gens, de tant de mépris impudens de la justice due aux états. On a vu des guerres où les nations étaient armées les unes contre les autres pour des intérêts de couronne, pour des acquisitions de provinces; la civilisation conduit les peuples à s'armer pour des intérêts plus essentiels : telle est maintenant leur disposition. Mais, on peut l'observer, plus l'intérêt est devenu grand, plus la lutte a été acharnée, sanglante et immorale. Le tems de la loyauté dans les relations des cabinets semble passé, pourquoi ? Parce qu'on ne combat plus pour de vains désirs de gloire, comme Louis XIV; pour des démembremens de royaumes, comme Louis XV; on se bat pour exister. Aussi, les dernières guerres nous ont-elles montré des développemens de forces nationales jusqu'alors inconnues. L'Angleterre, a la première, et avec le plus d'impudeur, fait usage de la nouvelle

politique : tous les moyens lui ont été bons; il me semble que la raison la plus plausible se trouve dans les vices de son état social, qui lui rendaient le succès plus nécessaire. On l'a beaucoup accusée de sacrifier son honneur à son intérêt mercantile. L'accusation est vraie; mais, que deviendrait ou plutôt que ferait une moitié de sa population, si elle était privée du monopole de l'industrie? La réponse est facile, et l'aristocratie anglaise sait trop bien que le cours inévitable des choses ne la laisserait pas long-tems incertaine.

Remarquons, avec M. de Montvéran, et pour l'honneur de la justice, que le règne de la force sera funeste à ses promoteurs. L'Angleterre a acquis, il est vrai, l'empire de la mer; mais, comme compensation de ses monopoles, elle a recueilli la haine des nations déshéritées du domaine commun de l'industrie, et par suite de ce vaste système d'indemnités et de destruction des petits états au profit de la rapacité des grands, elle a livré par lambeaux l'Italie à l'Autriche et la Pologne à la Russie. Elle a créé, en Europe, la prépondérance de cette puissance colossale qu'elle empêche à peine de déborder sur la Turquie, et qui, une fois en possession de Constantinople, demandera encore à l'Espagne les Iles Baléares et imposera des lois à la Méditerranée. Tels sont les fruits de tant d'injustices, de tant de maux soufferts par tous les peuples de l'Europe pendant 25 années, de tant et de si longues guerres soutenues au prix de 800 millions sterling! L'Angleterre semble n'avoir été qu'une dupe triomphante.

Nous devons à M. de Montvéran cette justice qu'il n'a déguisé aucun fait, flatté aucun pouvoir, servi aucun parti. Dans les réflexious que ses récits lui inspirent, on reconnaît partout l'homme de conscience, l'ami éclairé de son pays et de l'humanité. Mais son histoire n'est en effet qu'une suite de récits on n'y trouve : pas la vivante image du tems et des hommes qui l'ont occupé. Le Tacite de notre âge aura d'autres devoirs

à remplir. Tous les vices de l'homme public se sont produits sous des formes nouvelles. La diplomatie s'est traînée dans les voies tortueuses du plus affreux machiavélisme. Il ne nous appartient pas d'essayer une semblable esquisse; nous voulons seulement montrer combien l'histoire, telle qu'on l'écrit aujourd'hui, nous semble éloignée de son but. Elle raconte des résultats; elle néglige les causes, bien qu'elles soient connues; elle se tait sur les hommes, bien qu'ils soient jugés; la vérité ne sort plus que de la lutte des partis. Il faudrait arracher et les causes et les hommes à la mystérieuse faveur qui les couvre. On a dit que l'histoire contemporaine ne devait pas être écrite: c'est un mensonge accrédité par les intéressés. La liberté de la presse n'aura rendu l'histoire à toute sa dignité, que dès le moment où celle-ci fera trembler les traficans de consciences et les marchands de sang humain. Loin de là, la vieille censure du pouvoir a été remplacée par des ménagemens de bon ton, par des politesses, et par je ne sais quelle pruderie obligée. Il semble pourtant que, si quelque chose est favorable aux vices et aux préjugés qui nous dévorent, c'est de souffrir que les formes de la société envahissent les pages de l'histoire, seul tribunal qu'ils puissent redouter. Écrire l'histoire, comme on la raconterait dans un salon en présence de quelques intéressés, c'est tout au plus mériter le titre d'homme de bonne compagnie. Si les ménagemens ne sont pas la crainte de déplaire, ils prouvent au moins la faiblesse de l'indulgence; il y aurait du courage à n'être que vrai; mais je ne dois pas oublier que Tacite lui-même ne peignit Tibère que sous le règne de Trajan.

Après ces critiques, nous n'avons plus que des éloges à donner à l'auteur. Il a eu à sa disposition des matériaux immenses, et des relations honorables lui ont permis de recueillir les documens les plus précieux. Sa marche est naturelle et simple, parce qu'il n'y avait pas de lacune dans son instruction. L'ou

vrage fait bien connaître l'Angleterre, et il la présente sous un tout autre aspect que ces publications semi-officielles où le ministère anglais cache son imprévoyance sous la bonté apparente des intentions, et où l'audace des dénégations a plus d'une fois usurpé la place des faits accusateurs.

On s'aperçoit aisément que c'est là un ouvrage fait avec conscience. On admire la variété des connaissances de l'auteur; et lorsqu'il trace l'histoire des finances, de l'agriculture et du commerce, lorsqu'il apprécie les altérations de la constitution, il fait sentir la puissance de l'action du gouvernement sur les destinées d'un grand peuple. Il nous reste à parler du style. Toujours à la hauteur du sujet, il est clair et précis dans l'exposé des finances; il a de la force, quelquefois un peu de pompe dans l'examen de la constitution; les périodes deviennent longues et un peu embarrassées de phrases incidentes, dans les développemens que l'auteur donne à ses propres aperçus. Nous avons aussi remarqué, dans la partie historique, des chapitres un peu négligés; il faut croire que ces légères inégalités, échappées à la rapidité d'une première rédaction, disparaîtront dans une seconde édition. Du reste, cet ouvrage a sa place marquée dans la bibliothèque des hommes d'état, des philosophes et de tous ceux qui, par goût, par état ou par intérêt, sont appelés à réfléchir sur les hautes questions de la politique européenne. F. MALBOUCHE.

XHISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE, DEPUIS 1789 JUSQU'EN 1814; par A.-F. MIGNET (1).

Les révolutions les plus fréquentes dans l'histoire ne sont

(1) Paris, 1824; Firmin Didot. 2 parties in-8°; prix 10 francs. Seconde édition. In-18 de 19 feuilles ; prix 6 fr.

pas celles qu'un peuple entreprend et accomplit pour luimême, et qui ont un caractère vraiment national. La plupart ne tendent et n'aboutissent qu'au triomphe d'un parti, ou à la domination d'un seul homme; et quoique ces catastrophes soudaines et sanglantes soient instructives, en ce quelles nous montrent avec quelle facilité l'astuce, la perfidie, l'audace, disposent de la destinée des états, ces expériences sont si tristes et si vulgaires qu'elles fixent assez peu notre attention. Mais, qu'on nous offre le spectacle d'une grande nation conspirant contre des priviléges vieillis, revendiquant des droits oubliés depuis quinze siècles, aspirant avec ardeur à la liberté, la cherchant sans la reconnaître, et prenant pour elle tantôt la licence, tantôt le despotisme lui-même, recueillant néanmoins quelques fruits de ses longs efforts et de ses durs sacrifices, sortant de ces violens orages, sinon plus sage et plus libre, du moins plus éclairée, plus active et plus industrieuse, voilà des scènes tout-à-fait dignes d'attirer nos regards, et qui nous intéresseraient encore, quand les acteurs ne seraient ni nos pères, ni nos contempo

rains.

Avant 1789, on lisait la conjuration de Venise; on recherchait peu comment les Pays-Bas s'affranchirent de la tyrannie espagnole; on lisait le récit des événemens qui placèrent la maison de Bragance sur le trône de Portugal; on savait mal quelles erreurs firent descendre de celui d'Angleterre les faibles et inhabiles Stuarts. Les études historiques étaient mal dirigées, frivoles et superficielles. Aussi, pouvons-nous dire que la révolution française n'était à son origine, et dans ses premiers progrès, l'imitation d'aucune autre ceux qui l'ont entreprise avaient demandé plus de conseils aux philosophes qu'aux historiens; ils faisaient à peu près comme des auteurs qui écriraient sur une matière, sans prendre connaissance des ouvrages où elle est déjà traitée. Ils n'apprenaient point des Brabançons l'art des révoltes, ni des chambres anglaises la tactique des

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