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nous les combattrons de toutes nos forces. » Quant aux moyens qui consistent, soit à limiter le nombre des députés, soit à prononcer quelques incompatibilités de plus, en étendant celles que la loi électorale a déjà prononcées, ils méritent attention et discussion, et il n'était pas au pouvoir de la Chambre ni du Gouvernement, de repousser, de condamner à l'avance l'examen de ces moyens. Du reste, le ministère ne s'opposait point à la prise en considération.

Il n'y a rien à faire, objecta M. Dupin, tant qu'on n'est pas bien fixé immédiatement sur ce qu'il y a faire. D'ailleurs, la proposition est une manière indirecte et subreptice de venir à la réforme électorale. Pour cette raison, l'orateur votait sans restriction contre M. de Rémilly.

Il ne s'agit point de réforme électorale, reprit le chef du Cabinet, et si à la place des articles indiqués, on proposait des articles qui atteignissent le corps électoral, le ministère résisterait avec la plus grande énergie. Et cette fois encore, M. Thiers déclara et plus explicitement, que le ministère admettait la prise en considération.

Tout se tient dans le système électif, continua M. Dupin. Dans la manière de faire marcher une proposition, de la proposition la plus petite, peut sortir le rapport le plus étendu et la proposition la plus complète.

M. Odilon-Barrot répondit, que dans la pensée de l'auteur de la proposition et de ceux qui l'avaient appuyée dans les bureaux, cette proposition avait précisément pour but de diminuer l'importance de la nécessité de la réforme électorale, d'essayer d'appliquer à un mal que l'on savait profond, un remède qui éviterait des mesures plus étendues. Sans doute, cette proposition ne remédiera pas à tous les vices; cependant elle est un progrès, un progrès presque insensible, il est vrai, mais un progrès que M. Barrot accepte.

Sous l'impression de ces débats, la Chambre prononça la prise en considération; mais lorsqu'il s'agit de nommer la commission chargée d'examiner cette grave matière, un

incident vint exciter la polémique de la presse, et provoqua à la Chambre même des explications: le ministre des travaux publics avait écrit à plusieurs députés conservateurs de se réunir exactement pour annihiler, ou comme il le disait lui-même pour enterrér la proposition Rémilly dans le sein de la commission, désignant le candidat qu'il convenait de nommer dans ce but.

A la séance du 5 juin, sur l'interpellation de M. Lherbette, le ministre des travaux publics, après s'être plaint du procédé qui avait livré à une publicité incomplète et tronquée des lettres confidentielles, avoua qu'il désirait l'ajournement de la proposition, vu le peu de jours qui restaient encore avant la fin de la session, temps nécessaire à la satisfaction d'intérêts matériels, considérables et pressants.

lui Et comme M. de Vatry manifestait l'étonnement que avait causé l'opposition que décélait la lettre en question, entre la conduite de M. Jaubert et le langage tenu à la tribune par le président du Conseil, le ministre proclama que son opinion sur le sujet était conforme à celle de M. Thiers.

M. Lherbette insista; cependant la Chambre déclara qu'il n'y avait point lieu à constater le résultat de l'interpellation. Quelques jours plus tard (15 juin), la commission, par l'organe de M. Maurat-Ballange, présentait son rapport. Cette pièce était l'exposé fidèle des opinions de la minorité et de la majorité, c'est-à-dire, le résumé même des discussions qui avaient eu lieu sur cette matière. La commission concluait du reste à l'adoption du projet de loi, mais en le modifiant. Voici comment elle proposait de le rédiger :

« Art. 1er. Les membres de la Chambre des députés qui ne sont investis d'aucunes fonctions publiques salariées au moment de leur élection, ne peuvent y être promus pendant la législature à laquelle ils appartiennent et jusqu'à la réunion d'une nouvelle législature.

• Sont exceptés de ces dispositions, les ministres, les sous-secrétaires d'état, les secrétaires-généraux des ministères, les directeurs-généraux, le préfet de 4a Seine, le préfet de police, le procureur-général près la Cour royale de Paris, les ambassadeurs et ministres plénipotentiaires, le vice

président du Conseil-d'État, le grand-chancelier de la Légion-d'honneur, le commandant de la garde nationale de Paris, le gouverneur des possessions françaises en Afrique.

» Art. 2. Les députés qui exercent des fonctions publiques salariées au moment de leur élection, ne peuvent être promus, sauf dans les cas exceptés par le précédent article, qu'à des fonctions d'un degré immédiatement supérieur et dans l'ordre hiérarchique et régulier des divers services publics auxquels ils appartiennent.

Art. 3. Ces dispositions ne seront mises à exécution qu'à partir de la prochaine législature. »

Mais à quand la discussion, demanda M. de Vatry? La Chambre convint de la fixér après le budget des recettes; en réalité elle l'ajournait indéfiniment. Suivant l'expression de M. Jaubert, la proposition était enterrée, et le ministère, frustrant l'attente dont ses antécédents le rendaient l'objet, pour sacrifier, comme il arrive d'ordinaire, aux nécessités du pouvoir, avait réussi à détourner l'effet d'une proposition qu'il pouvait d'ailleurs considérer comme insidieuse.

MATIÈRES LÉGISLATIVES:

CHAPITRE V.

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Discussion du Projet de loi sur le travail des Enfants dans les Manufactures.-Pension accordée à la veuve du colonel Combes. - Modification à la loi sur la pêche fluviale. Recrute ment annuel.-Loi pour la transformation des armes à silex en armes à percussion. Discussion à la Chambre des pairs sur les Ventes judiciaires. Discussion à la Chambre des pairs sur l'Expropriation pour cause d'utilité publique.-Loi sur l'organisation du Tribunal de la Seine.

Chambre des pairs. - Nous reprenons la série des travaux législatifs, et tout d'abord se présente un sujet de la plus haute gravité. Depuis longtemps l'état misérable des enfants dans les manufactures était l'objet de l'attention des publicistes. Cependant la concurrence excessive des individus et des nations entre elles augmentait les abus, en portant certains chefs d'établissements industriels à demander aux jeunes travailleurs, un labeur au-delà de leurs forces, sans leur laisser le temps nécessaire au repos et sans pourvoir à leur éducation morale et religieuse. De là un affaiblissement rapide de la santé, des maladies précoces et souvent incurables, des hommes sans vigueur et sans force : voilà pour le corps. Et pour ce qui est de l'intelligence et du cœur, il est à peine croyable combien était profonde la dépravation des classes ouvrières dans quelques-uns des départements manufacturiers, et combien de vices de toute sorte venaient étioler l'enfance à son entrée dans les manufactures. Cette question intéressait à un si haut degré l'État, qui a besoin de défenseurs robustes, la société qui ne subsiste que par les mœurs, et aussi l'humanité, dont les Jois étaient ici violées, que les Chambres françaises ne pou

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vaient garder un plus long silence. Quatre grandes nations avaient d'ailleurs pris l'initiative des réformes dans cette matière dès l'année 1802 un acte du parlement anglais, dont la sollicitude avait été éveillée par de nombreuses protestations, protégea les enfants contre la cupidité des manufacturiers, et successivement à sept époques. diverses, instruits par l'expérience, les législateurs modifièrent cette loi dans le sens le plus favorable aux jeunes travailleurs. Tout récemment la Russie, la Prusse et l'Autriche étaient entrées dans la même voie; restait à les suivre, puisque nous n'avions point eu l'occasion de les devancer, et à profiter des lumières que leurs essais avaient jetées sur ce grave sujet d'économie politique, puisque nous n'avions point été appelés à donner l'exemple.

Tel était l'état de la question, lorsque le ministère du 12 mai, répondant au vœu de nombreux pétitionnaires, présenta à la Chambre des pairs un projet de loi sur le travail des enfants dans les manufactures. Avant de le rédiger, l'administration s'était entourée de tous les renseignements qui pouvaient la diriger au milieu de difficultés de toute sorte; elle avait consulté les Chambres de commerce, les Conseils spéciaux de prud'hommes, les conseils-généraux de l'agriculture, du commerce et des manufactures, et en particulier la société industrielle de Mülhouse, dont les efforts éclairés et généreux en faveur de la classe industrielle sont dignes de tous les éloges.

Cependant ce ne fut qu'avec une extrême réserve, et sans dissimuler ses appréhensions et ses craintes sur les mesures à prendre, que le ministre du commerce soumit le projet à la Chambre. Il craignait surtout de porter atteinte à l'autorité paternelle, en fixant l'âge avant lequel les enfants ne pourraient être admis dans les manufactures, et le nombre d'heures au-delà duquel leurs travaux ne pourraient se prolonger. La législation devait sans doute s'opposer à l'abus que des parents avides peuvent faire de

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