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heureux d'être recueilli par ceux qu'il aura négligés et qui se rappelleront néanmoins les services qu'il avait rendus à la liberté. L'honorable membre repousse, au nom de ses amis, la responsabilité de la situation actuelle: aucun d'entre eux ne s'est rangé sous les drapeaux de l'opposition, sous l'influence de tels ou tels intérêts, comme on l'a prétendu en les calomniant « la fidélité aux engagements, au drapeau, c'est le point d'honneur de nos monarchies constitutionnelles.

Dans la situation des partis, ayant vu des hommes de la majorité s'en détacher, mûs qu'ils étaient par les principes et les intérêts nationaux, M. Barrot, qui repoussait l'idée d'une majorité mixte, avait espéré qu'il se formerait un parti intermédiaire, un centre gauche, sorti des élections nouvelles et que le ministère saurait rallier ce parti. Il ne l'a pas su ou ne l'a pas voulu, et ce ne sera pas la Chambre, les institutions, le pays, qu'il en faudra rendre responsables. Les hommes ont encore une fois manqué aux institutions plus que les institutions aux hommes. Pourquoi ce parti intermédiaire ne se recomposerait-il pas ? Pourquoi ne se présenterait-il point avec ses hommes éminents?- On l'aurait appuyé, et M. Barrot et ses amis l'appuieraient encore. Il n'y a en effet dans la Chambre que deux grandes fractions méritant le titre de parti politique.- Un parti mixte serait impossible et ne serait pas compris. L'opposition ne contrariera point par des questions de personnes les efforts qui seraient faits pour constituer un parti intermé diaire, indépendant; il lui a suffi de s'associer aux questions de principes.

M. Villemain, ministre de l'instruction publique, déclara que le ministère acceptait, comme le précédent orateur, ces expressions de l'Adresse: Dynastie nationale, Gouvernement parlementaire; il les acceptait dans leur intime alliance, et pour ne les séparer jamais. En résultait-il qu'il fallût refuser des votes indépendants et honorables aussi, qui viendraient chercher les ministres sur ce terrain? Mais, dit-on, ce sont

des 221? Eh! qu'importe! s'il ne faut point calomnier les hommes, devra-t-on calomnier toute une assemblée ou les grandes sections qui la divisent? M. Villemain n'a jamais pensé qu'il y eût dans la Chambre des personnes qui méconnussent le gouvernement parlementaire. « Les institutions d'un pays saisissent fortement les hommes; elles ne peuvent pas être long-temps pratiquées sans pénétrer dans l'esprit et la conscience, et sans s'imposer successivement à toutes les convictions qui s'y rattachent. » La parole de M. Barrot a été injuste et impolitique. Injuste, parce quel e ministère ne réclame pas, comme l'a prétendu le préopinant, l'amnistie d'une portion de la Chambre. Il exposera ses principes, défendra ses actes, et reconnaîtra la loi de la majorité dont il aurait méconnu à son avènement l'existence. L'opinion de M. Barrot est en outre impolitique: car, d'une main de fer il cloue les hommes à des opinions invariables mais lui-même n'a-t-il jamais varié? C'est ainsi qu'après avoir repoussé la loi des associations, il a cependant, plusieurs années après, accepté les faits accomplis, et dans ces faits accomplis, il comprenait des lois même rigoureuses.

Jamais! interrompit M. Barrot. Vous me faites parler... « Je regretterais, reprit alors le ministre de l'instruction publique, que le jamais de M. Barrot fût parfaitement exact il me donnerait un doute que je ne veux pas avoir; car il me ferait supposer que l'expérience politique, que la durée des luttes, que la gravité des dangers qui se révèlent au dehors et qui viennent réagir sur l'intérieur des assemblées, que tous ces motifs si puissants, que tous ces avertissements salutaires et quelquefois si terriblement énergiques n'apprennent rien, même aux hommes d'état; je ne le crois pas. » Il y a au contraire une éducation commune qui se fait et se développe dans les luttes de la tribune et dans les orages du gouvernement parlementaire; et, par exemple, le progrès n'existe pas dans une accumulation de lois qui appellent un plus grand nombre de citoyens même non préparés, à exercer

une partie quelconque de la puissance publique, Non, le progrès est partout dans une opposition qui se modère, dans un parti gouvernemental qui devient plus confiant et plus calme. En un mot, on se rapproche, on est de part et d'autre moins extrême. Pourquoi empêcher ce mouvement? Pour opérer la réforme électorale ? On ne comprendrait pas que dix ans après une révolution qui pouvait devenir une révolution sociale, le grand intérêt, le grand devoir fût de mettre à l'étude, de mettre sur le chantier un plan de réforme électorale. Le grand intérêt, le grand devoir, c'est d'être une Chambre qui subsiste et croie à elle-même. M. Villemain fait remarquer à cette occasion qu'il y a eu depuis dix ans cinq dissolutions, c'est-à-dire que la vie moyenne de cette assemblée, sur laquelle repose la force et les espérances du pays, a été de douze ans ! Ce qui est parlementaire, continue-t-il, c'est que la Chambre soit rapprochée du pouvoir; que par sa durée, elle ôte l'espérance aux factions et donne la confiance aux bons citoyens.

Aux arguments qu'il vient d'opposer à M. Odilon Barrot, le ministre ajoute encore celui de l'incontestable contradiction qu'il y a à reprocher au Cabinet d'aspirer à composer une majorité qui réunirait de plusieurs points les éléments conservateurs et libéraux de la Chambre; et, d'autre part, à demander lui-même qu'il s'élève un parti intermédiaire ; ce parti devant être la force du pays, et le ministère, le premier, le devant former.

M. Odilon Barrot ne pouvait laisser sans réponse ce discours. Il voulait bien croire aux protestations du ministère en faveur du gouvernement parlementaire ; mais suffisait-il de le dire, de l'inscrire dans le Moniteur?« Le gouvernement parlementaire est un fait qui subsiste par sa force. Il faut être grand et fort pour couvrir la Couronne, et d'autant plus grand et plus fort, que celui qu'on veut couvrir est plus grand et plus fort lui-même. » On verra si l'on est en possession des conditions nécessaires pour réaliser le gouverne

ment parlementaire; sì, n'ayant pas le sentiment de la force, on n'ira pas quelquefois au-delà, comme quand on s'est inferposé entre le droit de grâce et de justice, ou en-deçà, comme lorsque l'on a en quelque sorte déserté son droit dans le discours de la Couronne. L'orateur repoussait de même le reproche de contradiction qu'on lui adressait parce qu'il acceptait les faits accomplis, huit ans après la révolution de juillet. « Voudriez-vous que je ne les acceptasse pas, s'écria M. Barrot; je vous dirais alors: rendez-moi l'enthousiasme de 1830, rendez-moi l'élan du pays, rendez-moi les sympathies européennes, et alors je ne vous céderai pas les faits accomplis. » Mais il ne faut pas détourner ces paroles, les appliquer aux lois de septembre, à un système d'intimidation et de restriction. Et quant à la réforme électorale, le ministère croirait-il M. Barrot assez peu sérieux pour accepter la discussion sur le terrain où il l'a placé, sur celui des détails? Il n'a pas fait des détails d'une réforme électorale un programme politique. Son programme à lui, c'est que la réforme électorale doit être considérée comme une nécessité; qu'elle ne sera possible que lorsque cette nécessité sera généralement et universellement sentie. La loi électorale est vicieuse, mais l'opposition la veut faire dans le calme et dans le silence des passions, par la force des convictions et sous l'influence d'une nécessité produite dans le parlement. En un mot, l'orateur n'a pas changé depuis 1830; loin de s'affaiblir, ses convictions n'ont fait que se fortifier.

M. Villemain insista:

• Le talent de la parole n'est pas tout, il faut opposer système contre système. Que le système des grands et des forts dont parle M. Barrot se produise et que la Chambre le juge. Ce que l'on en a vu ne paraît pas avoir cette supériorité qui doit déterminer la conviction de la Chambre. Le préopinant a prononcé l'expression d'héroïque confiance; c'en est une assurément que de remuer l'immense question de la réforme électorale, de la remuer pour la montrer comme une curiosité et pour dire aussi qu'il faut attendre. C'est de plus une imprudence politique. On se plaint de la faiblesse du

pouvoir parlementaire et de celle plus grande encore des pouvoirs qui sont sortis de son sein : c'est une des causes de cette faiblesse que l'avertissement incessant donné à l'opinion que la base de ce pouvoir est défectueu, variable, mobile; c'est lui ôter toute autorité. »

L'intervention de M. de Salvandy dans le débat était de nature, cette fois, à lui imprimer un plus vif intérêt. L'ancien ministre du 15 avril devait faire l'apologie de ce cabinet dont il expliqua, d'ailleurs, d'une manière inattendue, l'origine et la durée ; il ne partageait pas au surplus le découragement qu'avaient témoigné les orateurs que l'on venait d'entendre. Dans ce fractionnement de toutes les opinions, dans cette impossibilité de constituer une majorité, on ne devait voir qu'une chose, le progrès réel que le pays et la Chambre devaient à cette ancienne majorité qui avait si bien résolu toutes les difficultés, qu'il n'y avait plus de questions réelles de nature à diviser encore ses membres. Une nouvelle majorité semble devoir renaître. M. Barrot a relevé son drapeau, fixé son terrain sur un terrain nouveau. De son côté, le pouvoir jusque-là indécis et flottant, le pouvoir a commencé à se faire entendre, et s'il n'a pas encore été positif, il a déjà été éloquent, et ce n'est pas évidemment au sein de la gauche qu'il a planté son drapeau. Mais suffit-il d'être éloquent? Ne fautil pas aussi des principes certains et parler de manière à constituer une majorité? Et cependant, il a parlé (Discours de M. Dufaure) d'une opposition nouvelle surgie dans le grand parti parlementaire. Quoi! la Chambre n'est-elle pas assez fractionnée? faut-il demander un parti de plus? La naissance du ministère n'a pas été sans doute en dehors de tout fait parlementaire ; la composition du bureau, dans la session dernière, l'élection de la présidence, ont signalé l'existence d'une majorité, pas assez considérable cependant pour que le ministère dût venir y créer des catégories nouvelles : il doit, au contraire, se hâter de la rendre forte, de la reconstituer, et ne pas désavouer ceux à la tête des

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