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fois. On était d'accord à Anvers, on l'était en Espagne. Et dans le Nouveau-Monde, l'Angleterre a interposé sa médiation, lorsque nous avons eu avec le cabinet de Washington une querelle pour des questions de blocus. Cependant il y a eu du réfroidissement: l'Angleterre s'est laissée entraîner en Espagne; puis la France qui l'avait engagée dans la question a hésité, et la cordialité a été moins grande, et l'on a recueilli dans la question belge le fruit de ce commencement d'éloignement. Vint la question d'Orient : c'était le moment pour la France de s'expliquer, de ne pas parler exclusivement de l'empire ottoman, pour ne parler qu'après coup et trop tard de l'hérédité de la Syrie et de l'Égypte. On ne l'a pas fait ; on a dû développer une politique non pas différente, mais un peu nouvelle, et l'on s'est encore refroidi. Il faut donc s'expliquer nettement; jusque-là il n'y a encore que des maladresses. L'orateur n'examinera pas si, comme on le prétend, l'Angleterre veut aller en Égypte : c'est une question d'avenir. L'Angleterre en veut au pacha, parce qu'il a troublé la paix de l'Orient; parce qu'elle le croit ambitieux; elle le croit ambitieux, parce qu'il se sent protégé par la France: elle le veut punir. Mais le fera-t-elle en amenant les Russes à Constantinople? ce serait là une détestable politique. Puis, si l'on veut résoudre la question, ne faudrat-il pas entre la Turquie et le pacha une frontière nouvelle? On coupera la Syrie en deux? Ce sera une autre querelle entée sur l'ancienne. Ces raisons présentées avec prudence, avec insistance, agiraient sur le cabinet anglais : si elles n'étaient pas accueillies, « je conseillerais à mon pays, non pas de rompre, mais de se retirer dans sa force et d'attendre...; même isolée, la France pourrait attendre patiemment les événements du monde. Rendez-moi, disait M. Barrot, l'enthousiasme de 1830. Je promets à mon pays, dit à son tour M. Thiers, de lui rendre cet enthousiasme de 1830; je promets de le lui rendre aussi grand, aussi beau, aussi unanime, mais à une condition : ayez un

grand intérêt patriotique, un grand motif d'honneur national, et vous verrez, quelles que soient les fautes du Gouvernement, reparaître le bel enthousiasme des premiers jours de notre révolution. >>

M. Duchâtel, ministre de l'intérieur, répondit à M. Thiers avec la réserve qui lui paraissait nécessaire en présence de négociations encore pendantes. La politique du gouvernement se confondait, d'ailleurs, sur plusieurs points, avec celle que venait d'exposer M. Thiers: on était, en effet, d'accord sur le système, sur les alliances, sur le parti à prendre pour régler la question, enfin, sur les conséquences du dissentiment éventuel entre les puissances; néanmoins était-il vrai de dire, comme le faisait M. Thiers, qu'il n'y eût aucun danger qui appelât l'intervention russe à Constantinople, et partant, qu'on avait eu tort de ne pas laisser les événements suivre leur cours? Le pacha n'avait pas pour le passage du Taurus la crainte que lui attribue M. Thiers: l'intervention de la France a seule arrêté Ibrahim-Pacha; donc il y avait du danger pour Constantinople; il y en avait encore dans telle circonstance qui pouvait appeler la protection russe, la défection de la flotte, la mort du sultan. Les autres puissances partageaient cette crainte, et ce ne fut même pas la France qui prit l'initiative des communications. Si donc la note du 27 juillet était une faute, elle était commune, cette faute, à toutes les puissances. Etait-il vrai, au surplus, que la note du 27 juillet eût empêché un arrangement direct entre le sultan et le pacha? les négociations étaient à peine commencées; d'ailleurs les éléments de la question ne pouvant être produits devant la Chambre, le ministère se trouvait réduit à répondre à des assertions par des assertions contraires. Dans tous les cas, il ne dépendait pas de la France de faire que l'arrangement eût lieu; il ne pouvait avoir lieu parce que le pacha proposait une condition inadmissible : la destitution de Khosrew-Pacha, demandée en quelque sorte à ce premier ministre lui-même. Si la France n'avait

pas concouru à la note du 27 juillet, elle eût été faite par quatre puissances au lieu de cinq. Aurait-il été d'une politique habile de laisser perdre à la France sa part d'influence ? Quant au fait même d'une conférence, il n'y en a pas eu ; il n'y a eu que la note collective: un projet de conférence eût donné lieu à trop de pourparlers. Mais M. Thiers a accusé le Cabinet de ne s'être pas assez expliqué avec l'Angleterre. On jugera de la vérité de cette assertion lorsque les pièces pourront être vérifiées sous les yeux de la Chambre jusque-là de quel droit dirait-on que les négociations ont été compromises?

Accusé en quelque sorte d'avoir anticipé sur les événements, M. Thiers monta à la tribune pour prendre l'engagement de prouver, à l'époque où le Cabinet pourrait expliquer avec moins de danger sa politique, qu'il aurait pu, lui, M. Thiers, prendre un langage plus sévère pour caractériser la conduite du ministère. Il attendra donc que les pièces puissent être produites.

M. Jouffroy se joignit à la réfutation des arguments de M. Thiers par le ministre de l'intérieur : La suite des événements avait complétement démontré, selon l'honorable rapporteur de la loi des dix millions ( voir 1839), que l'arrangement direct n'était pas possible : la Russie et l'Angleterre étaient intéressées à l'empêcher. Cela est si vrai, que depuis deux mois l'Angleterre s'oppose à un accommodement sur des bases infiniment plus avantageuses à la Porte que celles qui avaient été posées d'abord par le pacha. La note du 27 juillet n'a donc rien empêché. Il y a plus c'eût été de la part du Cabinet français une grave inconséquence de refuser son adhésion à un acte qui commençait le concert que la France désirait dans l'intérêt de Constantinople; car la question de Constantinople c'est celle de l'Europe elle-même. L'année dernière, M. Jouffroy le rappelait, la Chambre avait adhéré à la pensée qu'il était important de substituer au protectorat exclusif de la Rússie

un protectorat plus ou moins européen. Pourquoi l'insuccès momentané peut-être de cette politique la ferait-il déserter aussitôt ? L'orateur est, comme M. Thiers, pour l'alliance anglaise; cependant il ne partage pas aussi complètement que l'ancien ministre les illusions dans lesquelles ce dernier est tombé, et sur l'entier avantage et l'absence de tout inconvénient de l'alliance anglaise. C'est ainsi que le concert européen, au moins le concert à quatre puissances, a manqué par les prétentions de l'Angleterre, prétentions qu'on ne pouvait ni supposer ni prévoir. En effet, si passionnée qu'elle pût être pour l'intérêt qu'elle a d'empêcher qu'une puissance forte ne se fonde entre le Taurus et l'ancienne Lybie, pouvait-on supposer qu'elle sacrifierait à ces intérêts un autre inconstablement plus grand pour elle : celui de ne pas se laisser préparer par un acheminement évident l'asservissement de Constantinople, du Bosphore et des Dardanelles à la Russie? C'est donc l'Angleterre qui a pris sur elle la responsabilité des délais que cette affaire a subis. On avait donc pu admettre autrement que comme un rêve entre quatre puissances, sinon entre cinq, ce concert européen qui aurait détruit le protectorat exclusif de la Russie à Constantinople. M. de Metternich lui-même, avait cru que la Russie s'y pourrait associer ; il n'a manqué, que parce que l'An gleterre s'est opposée aux justes prétentions du pacha. Dans ces circonstances, partis an de l'alliance anglaise, M. Jouffroy n'irait cependant pas jusqu'à dire que si l'Angleterre persistait dans ses prétentions et ses exclusions contre le pacha, la France dût s'abstenir, du moins borner là son action et sa conduite.

M. Thiers répliqua : Il savait qu'il n'y avait point d'alliances sans inconvénients: elles ne sont possibles qu'à la condition de sacrifices réciproques; mais il savait encore que l'alliance anglaise était la plus convenable, la plus naturelle, la plus désirable aujourd'hui. Si on reconnaissait que l'Angleterre fit de mauvais projets contre elle-même ou

contre la France, il faudrait s'abstenir et attendre, sauf à prendre une résolution convenable. M. Thiers avait surtout « sauvegardé ce point. » Quant à la question de Constantinople, il avait approuvé la présence des flottes anglaise et française; il aurait même voulu qu'on fût mieux arrêté sur les instructions à leur donner et le but à leur proposer; seulement il fallait laisser un peu plus de liberté à la question d'Orient. On croyait si peu, en effet, à la marche du pacha au-delà du Taurus ( ce qui aurait amené les Russes à Constantinople), que les flottes reçurent fort tard les instructions nécessaires pour le cas où cette ville serait menacée. Or, le Cabinet eût été coupable, s'il avait cru à ce danger, de donner de si tardives instructions. La défaite des Turcs avait aplani les difficultés, puisque la Porte avait rassemblé les ambassadeurs pour leur déclarer qu'elle allait céder l'arrangement n'était pas fait d'une manière certaine, mais ç'a été une maladresse de prendre à sa charge de le terminer. Quant aux conférences, elles n'ont pas existé, mais on s'est flatté qu'elles existeraient ; on s'est flatté que la Russie compléterait une conférence qui avait pour but hautement avoué de la faire renoncer à son protectorat exclusif: c'était bien là une illusion, et M. Thiers la découvrait.

M. Francis de Corcelles aurait voulu qu'on insérât dans le paragraphe quelques mots en faveurs des états chrétiens tributaires de la Porte: cet amendement ne fut pas appuyé. Le quatrième paragraphe ayant été mis ensuite aux voix, fut adopté.

Le paragraphe relatif à l'Espagne ne devait pas, dans les circonstances actuelles, donner lieu à de longues discussions: cependant les Anglais occupaient encore le port du Passage; c'en était assez pour appeler l'attention d'une Chambre française.

La Commission proposait la rédaction suivante :

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