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mot de création appartient à la seconde catégorie, et nous nous efforcerons de montrer par une analyse minutieuse quelles sont les idées simples qu'il contient.

Premièrement, en disant que Dieu a créé le monde, nous affirmons que Dieu est la cause du monde. C'est là une idée positive, parfaitement claire, et dont nous comprenons très-bien la portée. En second lieu, le mot de création implique évidemment que la cause du monde est extérieure au monde. Il est si vrai que cela est compris dans le mot de création, qu'il n'y a, pour ainsi dire, pas d'autre discussion entre les panthéistes et nous; car les panthéistes disent que les phénomènes du monde sont de simples modifications de la substance divine, et nous soutenons au contraire que les phénomènes du monde modifient, non la substance de Dieu, mais une substance étrangère, et que Dieu a produite de sa pleine puissance et volonté libre. Est-ce que cela ne se comprend pas?

Voilà donc deux idées, l'une positive, l'autre négative, que le mot création implique : et l'on vient nous dire qu'il n'a aucun sens?

Quand je dis : « Dieu a créé le monde; » cela veut dire « Dieu a produit le monde, et il l'a produit en dehors de lui-même. » Cette affirmation et cette négation sont l'une et l'autre de la plus incontestable clarté.

Le mot de création implique quelque chose de plus.

Il signifie que, quand Dieu a produit le monde en dehors de lui-même, il n'existait rien en dehors de Dieu, ni substance ni phénomène. Est-ce que cette troisième idée n'est pas aussi claire que les deux autres?

Ainsi donc sous le mot de création sont renfermées trois idées parfaitement intelligibles, si intelligibles que toutes trois provoquent des négations très-explicites et dans lesquelles ne se rencontre pas la moindre cause d'obscurité. Que vient-on nous parler de doctrine insignifiante? Il n'y en a pas de plus pleine de sens. Certes, quand j'affirme la création, je sais fort bien ce que j'affirme et ce que je nie.

Qu'y a-til done de réellement incompréhensible sous ce mot de création? Une seule chose, mais capitale. Je comprends que Dieu est la cause du monde ; je comprends que Dieu a produit le monde hors de lui; et je comprends enfin qu'avant la production du monde, il n'existait rien en dehors de Dieu. Mais je ne comprends pas comment Dieu a pu produire le monde dans ces conditions.

Maintenant la prétention des panthéistes apparaît dans toute sa nudité : ils veulent savoir comment Dieu a produit le monde. Nous aurons beau leur dire dans quelles conditions il l'a produit: si nous ne pénétrons le secret même de sa puissance créatrice, ils nous accuseront de ne pas nous entendre nousmêmes, et de mettre des mots à la place des idées.

La vérité est que, loin de savoir le comment de la

création, nous ne savons le comment de rien, pas même de la cause que nous sommes. Quelle est donc la cause, en nous ou hors de nous, dont nous puissions dire le comment? Épuisons notre esprit à chercher des exemples: nous ne trouverons rien. Quand nous découvrons une ressemblance entre le mode d'action d'une cause nouvellement connue et le mode d'action d'une cause anciennement connue, il plaît à notre orgueil d'appeler cela une explication: ce n'est qu'une comparaison; et comme nous ne savons pas comment agit la cause anciennement connue, nous ne savons pas davantage comment agit la cause nouvellement connue. Notre ignorance, à cet égard, est invincible, même quand il s'agit des causes secondes, même quand il s'agit de la cause que nous sommes. Que sera-ce quand il s'agit de Dieu?

Concluons que l'objection tirée de l'incompréhensibilité de la création est sans force. Vient la seconde objection: Si le monde est quelque chose en dehors de Dieu, nous pouvons par la pensée ajouter à Dieu ce quelque chose et concevoir ainsi un être plus complet, et par conséquent plus parfait que l'être parfait : ce qui est absurde.

Cette difficulté est grave; tellement grave, grave, qu'à notre avis, elle doit être plutôt écartée que résolue. Nous montrerons que les panthéistes n'ont pas le droit de nous la faire, et qu'elle est plus redoutable pour eux que pour nous. Elle ne prouve rien contre

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notre doctrine; mais elle prouve quelque chose contre la science humaine. Il ne faut pas qu'une école vienne se prévaloir contre une autre école d'arguments qui prouvent contre toutes les écoles à la fois. y a même entre les panthéistes et nous cette différence, que nous avouons très-simplement les limites de la philosophie, tandis que les panthéistes n'en connaissent pas. Nous soutenons, et nous démontrons que l'esprit humain ne peut pas tout expliquer; ils sont obligés de soutenir que tout est accessible à la raison humaine. Or, l'existence de la pluralité ne sera jamais ni expliquée ni comprise. Elle ne le sera ni par nous, qui regardons la pluralité comme produite en dehors de Dieu par la volonté de Dieu, ni par les panthéistes, qui regardent la pluralité comme faisant partie intégrante et nécessaire de la nature de Dieu.

Il est très-clair que Dieu se suffit à lui-même. Il est également clair qu'il a la plénitude de l'être. S'il a la plénitude de l'être, s'il est impossible qu'aucune réalité lui manque, comment y a-t-il de l'être en dehors de lui? Aussitôt que Dieu n'est pas seul, on peut, par la pensée, ajouter à Dieu quelque chose, et, par conséquent, augmenter Dieu, ce qui est absurde. Cette objection est insoluble.

Qu'en peut-on conclure? D'abord qu'il y a des objections insolubles, et que par conséquent la raison a des limites. Et ensuite? Rien de plus. C'est ce que nous allons démontrer.

Sur la question de l'existence de Dieu, et avant d'entrer dans les détails du gouvernement du monde, il n'y a et il ne peut y avoir que quatre écoles les athées, les éléates, les panthéistes, et les partisans de la création.

Les athées soutiennent qu'il n'y a pas de Dieu;
Les éléates, qu'il n'y a pas de monde;

:

Les panthéistes, que le monde et Dieu ne font qu'un ; Et les partisans de la création, que le monde existe en dehors de Dieu, en vertu de la seule volonté de Dieu.

Ceux qui nous font l'objection dont il s'agit veulent-ils en conclure que Dieu n'existe pas ? Non : ils se croient aussi éloignés que nous de l'athéisme;

Ou que le monde n'existe pas? Non si cette doctrine a pu être professée dans l'antiquité, alors que les audaces de la pensée ne connaissaient nulle borne, elle est entièrement en dehors de nos habitudes, à nous modernes, qui, après tout, tenons quelque compte de l'évidence.

On nous oppose donc cette difficulté uniquement pour arriver à établir que le monde et Dieu ne font qu'un. Cela étant, voici en quels termes la question peut être traduite :

La coexistence de l'unité et de la pluralité, ou, si l'on veut, du parfait et de l'imparfait, est inexplicable; mais est-elle plus inexplicable dans l'hypothèse de la création que dans l'hypothèse du panthéisme?

Que les esprits de bonne foi pèsent attentivement

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