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pensée même et dans la substance de Dieu; qui se défend d'admettre que Dieu ait créé des êtres malheureux ou méchants, et considère tous les vices et tous les malheurs comme des phénomènes de la substance divin système, à entendre ses partisans, seul capable de sauver la grandeur de Dieu, la dignité de l'homme et les droits de la raison, et qui aboutit à confondre Dieu avec une obscure et inintelligible substance universelle, à priver l'homme de son avenir, de sa liberté, de sa personnalité, à forcer la raison d'admettre des doctrines contradictoires; tout cela, pour n'avoir pas accepté, au début de la science, la supériorité de Dieu sur nous. Car voilà toute l'origine de tant de contradictions et de tant de chutes!

Hélas! nous trouvons pourtant assez de motifs, en nous regardant, de limiter notre raison pour la sauver. Souveraine et puissante quand elle se contient dans sa sphère, elle tombe, dès qu'elle en sort, dans des impossibilités et des paralogismes. Elle est faite pour enchaîner fortement toutes les conséquences à un premier principe, et pour accepter ce premier principe sans le démontrer; pour expliquer l'une par l'autre toutes les parties du monde et le monde lui-même par le Créateur, mais à la condition d'adorer le Créateur sans chercher à le comprendre. Il s'en faut tant qu'elle puisse prouver le premier principe ou comprendre le premier être qu'elle n'a le pouvoir d'expliquer le reste qu'à la

condition de reconnaître l'incompréhensibilité du Dieu sur lequel reposent la science et le monde.

Les panthéistes veulent tout comprendre, même la nature de Dieu, et c'est pour cela qu'ils ne comprennent rien. Nous croyons que la nature de Dieu est incompréhensible à l'homme, et, cela admis, nous expliquons tout le reste.

Soutenir que tout peut être prouvé, c'est ignorer ce que c'est que la preuve. Toute preuve repose sur un principe, et tout principe sur un autre principe qui le fonde. Donc il y a un principe premier, qu'il faut admettre sans preuve, ou toute la logique n'est qu'un cercle vicieux. De même, nous pouvons contrôler nos facultés l'une par l'autre; mais il faut bien dire avec Descartes : « Je pense, donc je suis; » et par conséquent subir, sans la prouver, l'autorité de la conscience. Cela, dit-on, est humiliant pour l'homme. Oui, si l'homme a cru qu'il était Dieu.

Prétendre que l'être souverain par lequel existent tous les êtres, est compréhensible, et par conséquent analogue aux êtres qu'il produit, c'est sentir le besoin d'expliquer le monde, et se refuser les moyens de l'expliquer. Pourquoi admettons-nous l'existence de cet être souverain, soit qu'on l'appelle Dieu ou la substance universelle? Parce qu'il n'y a rien dans le monde qui se soutienne soi-même. Ne donnons donc pas à la base la fragilité des êtres que nous voulons

136 PREMIÈRE PARTIE. LA NATURE DE DIEU.

y asseoir. Nous nous passerons aisément d'un Dieu analogue à ce qu'il produit. Ce Dieu humain n'est que le premier anneau d'une chaîne. Et votre monde, et votre pensée sont emportés dans le vague, jusqu'à ce que vous nous donniez en dehors du monde un point fixe, sans analogie avec le reste, qui soit la cause et le fondement de tout le reste.

DEUXIÈME PARTIE

LA PROVIDENCE

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