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CHAPITRE IV.

DIEU GOUVERNE LE MONDE PAR DES LOIS GÉNÉRALES.

« Votre père sait de quoi vous avez besoin avant que vous le lui demandiez. >>

Év. selon S. Matthieu, chap. vi, vers. 8.

<< Dieu n'agit pas comme les hommes, comme les causes particulières et comme les intelligences bornées. La raison de son choix vient de la sagesse de ses lois, et la sagesse de ses lois du rapport qu'elles ont avec ses attributs, de leur simplicité, de leur fécondité, en un mot de leur divinité. » — - Malebranche, Neuvième entretien sur la métaphysique, § 12.

Il faut examiner maintenant si la Providence gouverne tout par des lois générales sans se soucier des détails, ou si Dieu est attentif à tous les événements et intervient directement dans les affaires humaines.

Dans le système de l'intervention directe et constante de la Providence, la Providence embrasse tout. Elle gouverne le monde moral comme le monde physique; elle connaît tous les sentiments de nos cœurs, toutes les résolutions de nos volontés. Nonseulement elle les connaît, mais elle les produit, ou du moins elle contribue à les produire. Elle dispose

les faits au dehors avec une pleine puissance pour les accommoder à nos besoins, pour nous récompenser ou pour nous punir.

Cette doctrine a un inconvénient : c'est de rendre difficile l'existence de la liberté. En effet, si Dieu connaît d'avance nos résolutions, pourquoi délibérons-nous? S'il produit nos actes, pourquoi voulonsnous?

Et elle a un avantage : c'est de rendre le culte possible. Car, pour que nous puissions prier Dieu, il faut qu'il nous écoute et qu'il nous exauce.

Voici comment on raisonne pour établir que Dieu s'occupe des détails.

Est-il possible qu'une chose ait été, soit, ou doive être, sans que Dieu le sache?

Non; car il y aurait une limite à son omniscience. Il sait donc dès à présent ce que je voudrai tout à l'heure, ce que je voudrai demain, ce que je sentirai, ce que je penserai.

Et est-il possible qu'un mouvement soit accompli sans la coopération, ou tout au moins sans la permission de Dieu ?

Non, car sa toute-puissance ne serait plus entière. Il est absurde que la volonté de Dieu soit absente de quelque lieu de l'espace et de quelque moment de la durée; et, si elle est présente, il est absurde qu'elle ne soit pas efficace.

Toute l'argumentation est dans ce peu de mots, et, à la considérer en elle-même, on n'en peut nier la force. Il semble que tout ce que l'on retranchera à la science et à l'action de Dieu sera retranché à son infinitude. Il sait donc tout, dans les plus infimes détails, et il fait, ou du moins il permet de faire, en toute connaissance de cause, le mouvement en apparence le plus indifférent.

L'objection qui saute aux yeux, c'est la liberté de l'homme. Examinons d'abord si la liberté peut être conciliée avec l'omniscience de Dieu; et ensuite, si elle peut être conciliée avec cette intervention directe et particulière de Dieu dans les résolutions et les affaires humaines.

D'abord, la liberté de l'homme semble en contradiction avec l'omniscience de Dieu. Tout savoir, ce n'est pas savoir chaque chose à mesure qu'elle se produit; car cette science du présent, qui n'embrasse pas l'avenir, est limitée par l'avenir; elle est donc incomplète. Il faut, pour que l'omniscience existe, que Dieu sache la fin en même temps que l'origine, et que la nuit des temps n'existe pas pour sa pensée. Nous comprenons qu'il en soit ainsi dans la nature physique, soumise à d'invariables lois que rien ne dérange. L'auteur de ces lois les connaît parfaitement, et en les connaissant, il connaît toutes leurs applications, dans leur ordre, jusqu'à la dernière.

Nous comprenons de même la plénitude de la pensée divine dans tout ce qui est pour nous matière de raisonnement. Car raisonner, qu'est-ce autre chose que de diviser l'objet de la pensée pour l'accommoder à la faiblesse de notre vue? L'intelligence parfaite voit immédiatement dans un principe sa conséquence dernière, et n'a pas besoin, comme nous, du secours des intermédiaires. Mais quand il ne s'agit ni de tirer la conséquence d'un principe, ni, ce qui revient au même, de voir l'effet dans la cause, et tous les effets dans la première cause; quand il s'agit d'une cause libre, maîtresse d'elle-même, qui a reçu de Dieu le privilége de choisir entre deux voies, à son gré, se peut-il que la détermination d'une telle cause soit réellement libre, et que pourtant, même avant d'être prise, elle soit infailliblement connue par la prescience de Dieu? Quand je veux me prouver à moi-même ma liberté, je l'analyse, je l'observe, je constate qu'avant de me déterminer mon esprit délibère; délibération souvent anxieuse, occupation principale et tourment de ma vie. Pendant que je me livre à cette recherche pour savoir ce qui est bien, ce qui est utile, je retiens pour ainsi dire ma liberté ; je l'empêche d'agir, je gagne sur moi de résister à son impatience; je l'ajourne pour lui donner une direction plus sage et plus réfléchie; mais en même temps puis-je douter de son existence, et, par conséquent, de ma responsabilité? Cependant Dieu sait déjà, pendant que je souffre de l'effort de ma pensée, il sait la

résolution que je prendrai tout à l'heure. Et moi, j'aboutis enfin, je me résous, je lance ma force dans une direction déterminée, avec la pleine, entière et parfaite conscience d'avoir pu l'employer autrement, de pouvoir à l'heure qu'il est la retenir, la mesurer, la précipiter. Mais quoi? dans le moment où je m'attribue cette puissance, toutes les conséquences physiques et morales de mon acte sont déjà connues, arrêtées, ordonnées; bien plus, elles l'étaient de toute éternité, car rien n'est adventice dans l'esprit de Dieu. Dans les moments solennels de l'histoire, il y a ya un homme, héros ou criminel, souvent l'un et l'autre, qui croit porter dans sa main la destinée de l'humanité, parce qu'il détruit un empire. Mais Dieu savait à quelle minute, par quelle main, cet empire serait détruit, à quelle minute tomberait la puissance nouvelle. Qu'est-ce donc que la liberté à ce compte? Une illusion, un jouet que Dieu nous laisse.

Ce n'est pas là une de ces objections qu'on réfute sans en laisser rien subsister. Au contraire, après les réfutations les plus spécieuses, l'esprit se sent toujours obsédé de cette difficulté; un homme qui veut librement, un Dieu qui prévoit infailliblement.

Quelquefois on a eu recours à des comparaisons. Il ya, dit-on, des degrés dans la prévoyance humaine. Tel, en lisant l'histoire, n'y voit que des événements qui se succèdent sans aucun lien; tel autre ramène toute la série des événements à des formules précises qui expliquent et enchaînent tout. De même dans le

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